L’année 2024 a été un tournant pour le secteur IT, avec des bouleversements financiers, stratégiques et technologiques aux répercussions profondes. Entre acquisitions marquantes, pannes globales, innovations en IA et défis juridiques, l’écosystème numérique a traversé des secousses qui se propageront jusqu’en 2025. Alors que l’incertitude grandit, l’année écoulée annonce des changements profonds pour l’année à venir. Voici le grand récap’ d’une année IT 2024…
L’année 2024 a été marquée par des événements majeurs dans le secteur des technologies de l’information. Dix événements si importants qu’ils auront nécessairement des répercussions en 2025. D’où l’intérêt de ce récapitulatif afin que vous les ayez bien en tête alors que le rideau tombe sur l’année 2024 et que les premières lueurs de 2025 apparaissent déjà dans le lointain.
Bien sûr l’année « Tech » 2024 a surtout été rythmée par des annonces IA. Nous y reviendrons demain. Ici nous nous concentrons sur des événements IT majeurs, non directement IA, dont les ondes de choc vont se propager en 2025 et probablement au-delà…
1 – Les ondes de choc de l’acquisition de VMware par Broadcom
En novembre 2023, Broadcom a finalisé l’acquisition de VMware pour 69 milliards de dollars, après 18 mois de dures négociations pour obtenir l’approbation des différentes autorités de régulation. Mais cette acquisition s’est réellement concrétisée début 2024 avec des annonces stratégiques sur la refonte des activités, la simplification des offres et une nouvelle politique de licences qui a engendré un véritable tsunami d’interrogations et de critiques dans les DSI des entreprises comme chez les petits opérateurs clouds européens.
Et ce n’est pas fini. Car, une fois le choc passé, nombre de DSI ont profité du chaos ambiant pour réfléchir à leurs futurs investissements d’infrastructure et la stratégie à adopter pesant le pour et le contre d’un maintien de VMware, de l’adoption d’un concurrent comme Nutanix ou Proxmox ou encore de l’opportunité de basculer sur une totale adoption des containers et de Kubernetes…
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2 – La panne CrowdStrike
Le 19 juillet 2024, une mise à jour défectueuse du Falcon Sensor de CrowdStrike provoquait une panne informatique mondiale, affectant 8,5 millions d’appareils Windows mais surtout perturbant l’activité d’hôpitaux, d’aéroports et compagnies aériennes, de banques, de médias et chaînes TV, etc. Cet incident a mis en évidence la fragilité de l’écosystème Windows, l’interdépendance des écosystèmes numériques et l’importance cruciale de la résilience des données et du maintien en conditions opérationnelles. Il a surtout été un coup terrible pour l’image de Microsoft, peut-être plus encore que pour celle de Crowdstrike, alors que la firme de Redmond n’y était pas pour grand-chose. Déjà pointé pour ses manquements cyber en 2023, qui a conduit à la salutaire initiative Microsoft SFI, l’éditeur veut désormais qu’un tel événement ne puisse plus jamais se reproduire sous Windows et a lancé son initiative « Windows Resilience Initiative », qui nous promet fin 2025 un Windows plus résistant aux dérapages et gaffes des partenaires et éditeurs…
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3 – Atos en déroute
Atos, confronté à des difficultés financières croissantes, a cherché à éviter la sauvegarde en élaborant diverses stratégies de redressement. La séparation de ses activités en deux entités, Tech Foundations et Eviden, n’a pas suffi à enrayer sa chute. Le géant français des services informatiques a traversé une année 2024 particulièrement tumultueuse, marquée par une dette cumulée de 5 milliards d’euros et des restructurations significatives. Cette situation a conduit à une chute drastique de la valeur de ses actions, avec une diminution de 90 % depuis janvier. Pour remédier à cette situation, Atos a élaboré un plan de restructuration financière. En juillet, un accord a été conclu avec les banques et les détenteurs d’obligations, prévoyant une injection de capital de 233 millions d’euros et la conversion de 2,9 milliards d’euros de dette en actions. Ce plan vise à réduire la dette d’environ 3,1 milliards d’euros et à assurer une liquidité minimale de 1,1 milliard d’euros jusqu’en décembre 2026.
Pour autant Atos est encore très loin d’être sortie d’affaire. L’ESN a perdu en 2024 son contrat historique avec le Comité International Olympique au profit de son concurrent Deloitte. La vente de certaines activités « souveraines » essentielles au gouvernement français reste sur la table en 2025. Une année qui s’annonce cruciale pour Atos.
- Atos cherche de l’aide pour refinancer sa dette et renonce à son augmentation de capital
- Après des pertes records, Atos en quête d’un accord global de refinancement
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- Econocom s’invite dans le plan de sauvetage d’Atos
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- Atos : le consortium Onepoint se retire, Daniel Kretinsky cherche à négocier une nouvelle offre
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- Atos entre en sauvegarde accélérée avec un nouveau PDG
- Atos revoit en baisse ses perspectives financières
- Atos relance les négociations pour la cession à l’État de ses activités stratégiques
- Philippe Salle deviendra PDG d’Atos en 2025
4 – ARM s’en prend à Qualcomm
En 2022, ARM a engagé une procédure judiciaire contre Qualcomm et Nuvia pour violation des accords de licence et atteinte à sa propriété intellectuelle. Et en 2024, ARM a tenté un coup de bluff en annonçant suspendre toutes les licences ARM de Qualcomm. Les nouveaux processeurs de Qualcomm, équipés de cœurs « Oryon » issus des travaux de Nuvia, sont au cœur de ce litige. De quoi mettre en panique l’univers des smartphones et tablettes mais également l’initiative Copilot+ PC !
Pour l’instant tout le monde souffle. En fin d’année Qualcomm a remporté la première manche juridique. Mais ARM a promis de contre-attaquer avec un nouveau procès en 2025.
Qualcomm multiplie les processeurs « Elite » mais se fâche avec ARM et Intel
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Qualcomm remporte la première manche face à ARM
5 – Des levées de fonds records
L’année 2024 n’a pas été une grande année pour les startups… SAUF pour les startups de l’IA. Ces dernières ont eu droit à des levées de fonds record. 4 milliards de dollars d’AWS pour Anthropic, 6,6 milliards pour OpenAI, près de 12 milliards de dollars (en 2 levées de 6 milliards) pour GrokAI et une méga-levée de 10 milliards de dollars pour Databricks qui a préféré repousser son introduction en bourse.
Et France, la jeune pousse Mistral AI a également levé 600 millions d’euros, portant sa valorisation à près de 6 milliards d’euros en moins d’un an d’existence.
Reste que l’innovation dans les très grands modèles frontières pourrait stagner en 2025, les experts cherchant désormais de nouvelles pistes de R&D pour franchir le pallier qui bloque les GPT 5, Gemini 2.0 Ultra et autre Claude 3.5 Opus.
- Databricks finalise un tour de table record de 10 milliards de dollars
- OpenAI annonce la levée de 6,6 milliards de dollars supplémentaires
- Mistral AI valorisée près de 6 milliards d’euros après sa levée de série B
- La startup xAI d’Elon Musk lève 6 milliards de dollars
- Google mise 2,7 milliards de dollars sur Character.AI
- Safe Superintelligence, la startup d’Ilya Sutskever, lève 1 milliard de dollars en amorçage
- HR Path lève 500 millions d’euros
- La startup française d’IA « H » lève 220 millions de dollars à son lancement
- Ielo lève 208 millions d’euros pour étendre la couverture de son réseau fibre en France
- Cohesity étend son partenariat avec IBM et lève 150 millions de dollars
- L’éditeur français de logiciels de planification financière Pigment lève 145 millions de dollars
- ExtraHop lève 100M$ et renforce son équipe de direction
- Greenly lève 52 millions de dollars
- La start-up française FlexAI lève 28,5 millions d’euros
- Quantique : La startup française C12 lève 18 millions d’euros
6 – Des acquisitions majeures
Alors que le rachat en 2023 de VMware par Broadcom et l’acquisition en 2023 de Splunk par Cisco continueront de faire de nombreuses vagues dans les DSI en 2025, l’année 2024 a aussi été marquée par des rapprochements majeurs dans la tech bien que le marché global des fusions-acquistions ait été relativement atone.
Trois grandes acquisitions ne manqueront pas de faire encore couler de l’encre en 2024 :
1/ Cohesity a annoncé en février et finalisé en décembre la fusion avec la division de protection des données d’entreprise de Veritas Technologies, devenant ainsi le principal fournisseur mondial de solutions de protection des données.
2/ En janvier 2024, HPE a annoncé l’acquisition de Juniper Networks pour 14 milliards de dollars (environ 12,8 milliards d’euros). Cette opération vise à renforcer le portefeuille réseau de HPE, notamment dans le cadre de sa stratégie orientée vers l’intelligence artificielle. L’opération n’est pas encore finalisée.
3/ En janvier 2024, Synopsys a finalisé l’acquisition d’Ansys, une entreprise spécialisée dans les logiciels de simulation d’ingénierie, pour 35 milliards de dollars. Cette acquisition permet à Synopsys d’élargir son portefeuille de solutions logicielles pour l’ingénierie.
- Cohesity va acquérir Veritas
- Cohesity finalise l’acquisition de Veritas
- HPE confirme l’acquisition de Juniper Networks pour 14 milliards de dollars
- Le projet d’achat de Juniper Networks par HPE dans la ligne de mire du régulateur britannique de la concurrence
- La fusion HPE-Juniper n’est pas acquise
- Soutenu par BlackRock, EasyVista acquiert Goverlan
- ITSM : Le français EasyVista s’offre OTRS pour accélérer son expansion européenne
- Méga Deal IT : Synopsys acquiert Ansys pour 35 milliards de dollars
- Sophos annonce l’acquisition de Secureworks
7 – La naissance des Copilot+ PC
Microsoft a lancé les « Copilot+ PC », des ordinateurs optimisés pour l’intelligence artificielle, équipés de processeurs ARM et de nouvelles fonctionnalités Windows, inaugurant une nouvelle ère IA pour les PC. Il ne fait guère de doute que, dès 2025, la quasi-totalité des PC portables seront estampillés « Copilot+ PC » et bénéficieront de NPU de plus de 40 TOPS pour profiter des fonctions IA avancées de Windows. Windows se réinvente à l’IA et toutes les applications en 2025 devraient également se réinventer à l’IA exécutée localement. L’IA va changer l’OS et va changer nos applications. C’est une certitude. Seul le « quand » reste encore en question…
Et même si la marque « Copilot+ PC » s’étend désormais aux derniers processeurs Intel et AMD, cette nouvelle ère du « PC dopé à l’IA » pourrait aussi être l’ère du « PC sous ARM » (cf plus loin).
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8 – L’envol de NVIDIA
NVIDIA est devenu le moteur de l’IA. Et NVIDIA a affiché des résultats financiers impressionnants, avec un chiffre d’affaires de 26 milliards de dollars au premier trimestre 2024, en hausse de 262% par rapport à l’année précédente, consolidant sa position dominante sur le marché des GPU.
L’entreprise est devenue, un moment, la plus grosse capitalisation boursière au monde devant Microsoft et Apple !
Cependant, quelques nuages pointent désormais à l’horizon. NVidia rencontre du retard dans la livraison de sa génération « Blackwell » lancée cette année. Les grands Clouds (AWS, Microsoft, Google) développent leurs propres accélérateurs IA maison pour réduire leur dépendance à NVidia. Et Intel et AMD fourbissent leurs armes de contre-attaque avec Intel Gaudi-3 et AMD Instinct MI325X/MI350.
D’un autre côté, NVidia devrait annoncer son entrée sur le marché des puces « Copilot+ PC » avec un processeur ARM. De quoi s’ouvrir un nouveau marché ?
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9 – La déchéance d’Intel
Le parcours 2024 d’Intel est l’exact opposé de celui de NVidia. Plus rien ne va chez Intel. L’américain a licencié son charismatique CEO Pat Gelsinger, a annoncé des pertes historiques de 16,6 milliards de dollars au troisième trimestre 2024, entraînant sa sortie du Dow Jones (remplacé dans le Dow Jones par NVidia justement) et le licenciement de 15.000 employés. La société a également reporté la construction de deux usines en Europe, perturbant sa stratégie de redressement.
Entre la forte concurrence de NVidia et AMD sur les serveurs et les HPC mais aussi la dangereuse concurrence ARM et Qualcomm sur les PC, l’avenir d’Intel et l’avenir même de l’architecture x86 sont menacés. 2025 s’annonce une année charnière et compliquée !
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- Départ soudain de Pat Gelsinger
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10 – Google et Microsoft dans le collimateur des régulateurs
En proie à un retentissant procès mené par le DOJ, Google joue son avenir en 2025 ! Le Département de la Justice des États-Unis a exigé que Google se sépare de son navigateur Chrome et ouvre son index de recherche, accusant l’entreprise de pratiques monopolistiques. Rien n’est encore fait, et Google se défend bec et ongles, mais la galaxie numérique n’est pas à l’abri d’une énorme surprise.
Par ailleurs, sous la pression de Google et d’AWS, des actions en justice ont été intentées contre Microsoft en Europe, au Royaume-Uni mais également aux USA pour abus de position dominante et pratiques commerciales illégales sur le cloud.
Ces deux événements 2024 mettent en lumière les défis juridiques auxquels sont confrontés ces géants technologiques. Des défis qui pourraient se traduire par des amendes records !
- Le ministère de la Justice américain veut forcer Google à vendre Chrome
- L’antitrust américain enquête sur Microsoft
- Google porte plainte auprès de l’UE sur les conditions de licences cloud de Microsoft
- Un démantèlement de Google envisagé
On le constate, l’année 2024 n’a pas été de tout repos. L’écosystème numérique et IT est traversé de multiples crises alors que les conditions macroéconomiques et géopolitiques vont en 2025 profondément affecter les entreprises et, par voie de conséquences, également leurs fournisseurs technologiques. À suivre donc…