Kévin Polizzi, patron Unitel Cloud Services, voit plutôt d’un bon œil la nouvelle politique commerciale et channel de Broadcom/VMware. Il pense qu’elle va contribuer à accélérer la nécessaire transformation du channel.

Channelnews : Que pensez-vous des dernières annonces Broadcom/VMware et de leur impact sur le channel ?

Kévin Polizzi : Il y a une certaine confusion autour de la politique Broadcom/VMware. Broadcom a annoncé une uniformisation du modèle de licence de VMware sur la base du modèle CSP (fournisseur de services cloud) et une harmonisation de ses prix afin d’éviter la concurrence entre les canaux. Je suis très positif par rapport à ce nouveau modèle de licence. D’abord, cela remet tout le monde sur la même ligne de départ avec les mêmes prix pour tous. Ce qui est une bonne nouvelle pour le channel : les compétences et la technologie vont reprendre une place centrale. Ensuite, cela va contribuer à propager le modèle cloud à l’ensemble du marché IT, en poussant celui-ci à se restructurer. Le vieux monde du channel traditionnel qui n’a pas fait sa révolution et qui continue de vendre du matériel, des licences perpétuelles et de la maintenance, est voué à disparaître. On quitte l’ère de l’équipement et on entre dans l’âge de l’usage. En ce sens, la stratégie de Broadcom me semble lisible et aller dans le sens du marché.

Channelnews : En suggérant que le modèle cloud va se propager à l’ensemble du marché IT, vous soutenez que l’IT est en train de devenir 100% cloud ?

Kévin Polizzi : Non, les entreprises continuent d’avoir besoin d’informatique sur site. Ce que je veux dire, c’est que le modèle financier du Cloud avec ses coûts variables indexés sur la consommation réelle est en train de se diffuser à l’informatique sur site, notamment via l’edge computing, qui représente, soit dit au passage, une poche de croissance gigantesque pour les prochaines années. La manière d’acheter la ressource informatique est en train de s’uniformiser et l’IT est en train de devenir massivement multicloud.

Channelnews : Que doivent faire les acteurs du channel pour se transformer ?

Kévin Polizzi : Les intégrateurs ont deux révolutions à faire : former leurs équipes pour accélérer l’adoption du Cloud et bâtir de nouvelles alliances. Car construire son Cloud à soi va devenir de plus en plus difficile en raison de la complexification des normes réglementaires, de la taille critique à atteindre, et de la somme des expertises IT et télécoms qu’il est nécessaire de réunir pour une disponibilité 24/7… Construire des infrastructures à la taille critique va imposer des regroupements.

Channelnews : De quelles informations disposez-vous sur la nouvelle politique tarifaire et sur le nouveau programme partenaires de Broadcom/VMware ?

Kévin Polizzi : la typologie de calcul des licences change. Désormais elle sera basée sur la consommation CPU et non plus sur la consommation mémoire. Et il faudra un minimum de 3.500 CPU pour être éligible au programme partenaires.

Channelnews : Que savez-vous de vos nouvelles conditions d’achat et ne craignez-vous pas que la nouvelle politique commerciale de Broadcom n’effraie les clients ?

Kévin Polizzi : Bien qu’elles ne soient pas encore gravées dans le marbre, on a déjà une idée des conditions d’Unitel. A priori, d’après nos premières simulations, nous devrions bénéficier d’une légère baisse de nos prix d’achats. Quant à la question de savoir si les tarifs VMware sont trop chers, je répondrais : peu importe ! Les pâtes sont trop chères mais on mange toujours des pâtes. VMware va peut-être perdre une partie de sa base clients mais cela restera marginal.

Channelnews : Ne pensez-vous pas que ce changement de paradigme tarifaire et channel puisse favoriser la création d’une pile technologique européenne alternative à celle de VMware ?

Kévin Polizzi : On n’en a pas les moyens. Utiliser des technologies européennes pour héberger les données des Européens n’est pas la priorité. La priorité, c’est d’avoir en Europe des offres compétitives pour faire face à la fuite des données et à la fuite des cerveaux. Et pour cela, la meilleure stratégie, c’est d’équiper nos acteurs régionaux des meilleures technologies mondiales – dont celles de VMware – pour les armer face aux grands acteurs mondiaux. Seule l’uniformisation des technologies peut permettre de faire émerger à terme le géant du cloud européen que chacun appelle de ses vœux. Un géant qui ne serait pas un hyperscaler de plus mais un acteur formé de l’agrégation de multiples acteurs régionaux.