L’expert en informatique scientifique Alineos fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire depuis le 5 mars dernier. Immatriculée en 2000, cette société basée en Seine et Marne s’était spécialisée dans la fourniture de solutions de calcul intensif pour une clientèle de grands groupes, d’universités et de laboratoires de recherche. Partenaire de fournisseurs tels que HP, Lenovo, Fujitsu, Super Micro, Dell ou nvidia, elle comptait une petite dizaine de salariés et réalisait dans ses belles années environ 3 M€ de chiffre d’affaires annuel. À partir de 2015, Alineos avait enchaîné les exercices déficitaires et l’activité s’était nettement tassée. Contactés pour s’exprimer sur les tenants et aboutissants de cette défaillance, les dirigeants d’Alineos n’ont pas donné suite.
Cette défaillance fait écho à celle de l’intégrateur allemand Transtec, spécialisé lui-aussi dans le calcul haute performance. Après 37 ans d’existence, cette société de quelque 120 personnes réalisant 45 M€ de chiffre d’affaires s’est déclarée en cessation de paiements en septembre 2017 entraînant dans sa chute l’ensemble de ses filiales. Malgré un carnet de commande plein et un résultat opérationnel positif, la filiale française a ainsi été déclarée en liquidation le 18 septembre. À cette époque, la filiale ne comptait plus que 6 salariés mais elle en employait encore plus d’une dizaine en 2016 et avait réalisé près de 5 M€ de chiffre d’affaires en 2015.
S’il est difficile d’apprécier les multiples facteurs ayant conduit à ces défaillances – changement d’actionnaires et de direction pour Alineos restructuration coûteuse et tardive pour Transtec – on peut affirmer sans trop se tromper que les deux sociétés ont souffert des mêmes causes profondes : la chute des prix et des marges sur le marché du HPC (high performance computing) au cours des dernières années ainsi que la concentration des achats. Exemple emblématique de cette concentration : l’accord-cadre Matinfo 4 du groupement d’achat de matériel informatique pour l’enseignement supérieur et la recherche. Lancé à l’origine par le CNRS avec quelques autres centres de recherches, ce marché-cadre d’acquisition de matériel informatique a pris une toute autre ampleur dans sa dernière mouture – signée fin 2015 et notifiée en mai 2017 – avec le raccrochage du regroupement des universités françaises. Et alors qu’il devenait plus important, il s’est fermé aux petits fournisseurs en devenant mon-attributaire. Résultat : c’est Dell qui a tout rafflé – à l’exception des solutions compatibles Mac – laissant les petits acteurs gros-jean comme devant.
« Au début des années 2010, cette clientèle de clients publics (universités, centres de recherche, laboratoires…) achetant ajuourd’hui via cet accord-cadre représentait environ 80% de l’activité de Transtec », note Vincent Pfleger, ancien country manager de Transtec France et actuel directeur commercial de la BU HPC de Bechtle France. Cela s’est rééquilibré par la suite au profit du secteur privé pour Transtec mais Alineos a pu souffrir directement de cette raréfaction de la commande publique.
Mais si la marges et les prix se sont effondrés, le marché du HPC reste a priori extrêmement dynamique. C’est ce que suggère Vincent Pfleger sur la base d’une étude IDC (Worldwide server forecast 2016-2020 parue en 2016) énonçant que d’ici 2020 près d’un serveur sur quatre servira à faire du HPC. Un potentiel qui ne fait aucun doute pour Bechtle, qui a réembauché une partie des équipes Transtec France et d’Alineos pour leur confier le développement de sa toute nouvelle division HPC. Sa vocation : apporter des solutions aux clients de plus en plus nombreux exprimant des besoins en matière de calcul intensif, de Big Data, d’intelligence artificielle ou de deep learning… Des partenariats ont été passés à cet effet avec nvidia, Intel, Lenovo et Super Micro (dont Bechtle est déjà le principal revendeur en France).