L’administrateur judiciaire va avoir bien du mal à trouver un repreneur pour Surcouf. À moins d’une surprise de dernière minute, l’enseigne mythique pourrait fermer définitivement avant la fin de l’été.

Depuis la semaine dernière Surcouf est à vendre au plus offrant. Mais tout comme le plan de cession partielle qui l’a précédé a échoué, le plan de cession totale semble voué à l’échec. Car, même débarrassé de ses dettes, Surcouf n’est pas viable. C’est en tout cas la conviction d’un repreneur potentiel qui a eu le dossier entre les mains.

Selon lui, la structure de coûts de l’enseigne n’est plus adaptée aux marges généralement pratiquées dans le commerce de détail de produits numériques. En avril, lors de la première audience du tribunal de commerce, le juge avait estimé sur la base du dossier préparé par l’administrateur judiciaire qu’à moins de 18% du chiffre d’affaires en marge brute, le projet n’était pas validable, rapporte un participant.

Or la marge moyenne du marché se situe à environ 12% du chiffre d’affaires et certains e-commerçants sont capables de fonctionner de manière rentable à partir de 9%. On mesure le chemin qui reste à parcourir quand on sait que sur son dernier bilan connu, celui de l’exercice 2009-2010, la marge commerciale a été inférieure à 4%. Et sur les cinq exercices précédents, pas un n’a été profitable.

« Pour espérer redresser l’enseigne, il faudrait commencer par se séparer de la moitié de l’effectif et surtout abandonner les emplacements actuels des magasins dont les loyers sont beaucoup trop onéreux », analyse notre repreneur potentiel. Ce qui, évidemment, réduit considérablement l’intérêt d’une reprise.

Car, outre ses problèmes de rentabilité, Surcouf souffre de bien d’autres maux : érosion rapide du chiffre d’affaires, perte de clientèle, problèmes de qualité, absence de dialogue social, incapacité à mettre en œuvre la stratégie multicanal…Le chiffre d’affaires, qui dépassait encore les 250 M€ en 2007, serait ainsi tombé à moins de 5 M€ mensuels actuellement, soit moins de 60 M€ en rythme annuel, selon une source interne.

Le licenciement de plus de 170 de ses vendeurs (dont plus de 90% de ceux de son navire amiral à Daumesnil) en 2010 a indéniablement accéléré la débâcle, selon un représentant des salariés. « L’enseigne y a perdu une bonne part de son expertise et donc de son attractivité, estime-t-il. La clientèle des passionnés exigeants est allée voir ailleurs et seuls sont restés les clients opportunistes à la recherche du prix ».

Quant à l’activité online, qui devait permettre de relancer les ventes, c’est un échec, toujours selon notre interlocuteur. Du temps du précédent actionnaire, une guerre intestine l’a longtemps empêchée de grossir. Et, depuis le rachat par Hugues Mulliez il y a trois ans, les ventes n’ont cessé de reculer. Le site ne ferait désormais plus en un mois que ce qu’il facturait autrefois en une semaine.

En cause, un logiciel de gestion intégré défaillant, des écarts de stock à répétition, des délais non respectés, des produits vendus alors qu’ils n’étaient pas disponibles et donc jamais livrés, une carte adhérents retirée sans report des points capitalisés… Et pour couronner le tout, des commerciaux Web qui viennent d’apprendre qu’ils auraient été les premières victimes de la restructuration envisagée en cas de succès de la cession partielle.

Dans ces conditions, il est probable qu’il ne soit même pas nécessaire de passer par la case restructuration. Faute de repreneur déclaré le 5 juillet, à l’issue du délai de remise des dossiers, le tribunal de commerce pourrait prononcer dès la fin juillet la liquidation judiciaire avec poursuite d’activité pendant quelques semaines le temps d’écouler les stocks.