Les points de vente Surcouf sont devenus des magasins fantômes, vides de toute marchandise, désertés par les clients et par le management. Seul le PDG Hughes Mulliez semble encore y croire.


Rayons vides de marchandises, salariés désoeuvrés, poubelles pleines que plus personne ne prend plus la peine de vider… c’est le triste tableau qui s’offre actuellement aux rares clients qui s’aventurent encore dans les magasins Surcouf. Depuis mai dernier, l’enseigne tourne à vide. Faute de trésorerie et de crédit fournisseur, elle n’est quasiment plus approvisionnée.

L’impression d’abandon est renforcée par le fait qu’une partie des managers et des cadres dirigeants ont démissionné. Derniers en date, le directeur financier, Nicolas Matignon, et la directrice marketing et communication, Anne-Sophie Rambault. Le premier, parti très fâché aux dires des témoins, faisait office de bras droit du PDG Hughes Mulliez depuis le départ de son directeur général Vincent Arnault, il y a un an, et la seconde avait repris toute la stratégie multicanal depuis le départ de Yahia Hajji à la même époque. Même le responsable de la comptabilité siège a paraît-il pris la tangente, laissant la société sans comptabilité pendant quelques semaines avant qu’un cabinet extérieur ne soit appelé à la rescousse.

Une situation évidemment mal vécue par les employés, qui sont nombreux à craquer selon les instances représentatives. D’autant que la pression reste constante et se manifeste régulièrement par des mises à pied et des licenciements pour des motifs dérisoires. Dans ces conditions, ceux qui le peuvent s’en vont. L’effectif serait ainsi tombé sous les 400 personnes alors qu’il atteignait officiellement les 500 à la fin de l’année dernière.

A ce stade, chacun se demande quel intérêt il y a de poursuivre l’exploitation de magasins fantômes générant des charges, elle, bien réelles. Officiellement, l’enseigne cherche toujours un repreneur. Après avoir opté pour une cession partielle en avril, puis une cession totale en juin faute d’offres suffisantes, le tribunal de commerce a accepté fin juillet d’octroyer un sursis supplémentaire de deux mois et demi à Hughes Mulliez, prolongeant d’autant le supplice des salariés.

Car malgré la trentaine de millions d’euros engloutis en pure perte (lui parle de 54 M€), malgré le lâchage de ses plus proches collaborateurs, et malgré la situation financière désespérée, le PDG semble encore y croire, convaincu de la validité de son concept d’enseigne multicanale alignant ses prix en magasins sur ceux du Web. Ainsi, en attendant de pouvoir se réapprovisionner normalement, il a demandé cette semaine à ce que les clients qui se présentent en magasin soient invités à passer leur commande via un système relié au back-office d’Ingram Micro et à attendre patiemment la livraison pour venir récupérer leurs achats.

Une initiative qui est apparue pour beaucoup comme un déni de réalité et qui a conforté certains dans leur conviction qu’Hughes Mulliez est incapable de présider l’enseigne. Une certitude en tout cas affichée sans ambiguïté dans la lettre ouverte que le comité central d’entreprise a adressée cette semaine à Arnaud Montebourg. L’un de ses membres le décrit ainsi comme une personne incapable d’écouter ses collaborateurs, ayant multiplié les erreurs et les mauvaises décisions et ne les ayant pas assumées. Selon lui, son PDG est le principal artisan du naufrage de Surcouf.