L’éditeur allemand se prépare à transférer ses effectifs français chez Business Objects, qui serait rebaptisé… SAP France, la filiale française devenant à son tour une holding. Tentative de décryptage.

 

L’année 2009 fut marquée chez l’éditeur allemand par le départ de 3.000 personnes dans le monde, la fronde des clients opposés a la migration forcée vers l’offre Enterprise Support et par une baisse – plutôt raisonnable – du chiffre d’affaires liée à la crise.

Il semble que 2010 ne sera pas non plus une année de tout repos, ni pour ses dirigeants, ni pour ses salariés. Ce mois de janvier a en effet été marqué par le départ du patron de la filiale française, Pascal Rialland qui devrait être remplacé par Nicolas Sekkaki, responsable des services chez IBM France.

Les prochains mois pourraient quant à eux être marqués par la poursuite de grandes manœuvres qui laissent perplexes les salariés de l’entreprise, et dont l’origine semble remonter à l’acquisition de Business Objects par la filiale française. Acquisition qui, plus de 2 ans après, n’a donc pas fini de faire parler d’elle.

« Il est curieux qu’une filiale qui fait 500 millions de chiffre d’affaires fasse une OPA sur un groupe de 6.000 personnes en lieu et place de SAP AG. On nous a expliqué que c’était parce que Business Objects était une société française. C’est un peu court quand on sait que les capitaux de la société étaient américains et que son conseil d’administration siégeait à San José en Californie », s’étonne un syndicaliste qui rappelle que SAP France a dû, pour débourser les 4,5 milliards d’euros de l’opération, procéder à une augmentation de capital de 2 milliards d’euros, prise en charge par l’Allemagne, et émettre pour 2,5 milliards d’obligations remboursables en actions, souscrites elles aussi par SAP AG.

 

« En contrepartie, la filiale s’est engagée par convention à rembourser le prêt en cédant la totalité de son résultat d’exploitation. On se retrouve donc avec un résultat net à zéro, voire négatif. SAP France échappe ainsi à l’impôt sur les sociétés et ne doit plus verser de participation aux bénéfices à ses salariés », constate notre interlocuteur. Pour ce dernier, l’opération ne se limiterait toutefois pas à charger la barque pour réduire les frais d’exploitation du groupe.

« En septembre, on a appris que SAP souhaitait transférer les salariés de la filiale française vers l’entité Business Objects. basée à Levallois qui serait rebaptisée SAP France. De son côté, l’entité SAP France actuelle deviendrait SAP France Holding. Quel est l’intérêt d’une telle opération qui se traduit pour les clients, qui ne comprennent pas la manœuvre, par un changement de numéro de Siren ? D’autant que la direction affirme que ce transfert ne change rien pour les salariés de SAP qui conserveraient leur droits actuels », s’étonne le syndicaliste qui voit dans cette opération deux avantages pour la direction allemande.

 

« Tout d’abord, les acquis sociaux disparaîtront bel et bien. Pas au moment du transfert, ce qu’empêche la loi L1224-1, mais dans un deuxième temps. Ensuite, la coquille à peu près vide SAP France Holding échappera à tout contrôle syndical, ce qui peut être utile au moment où en Allemagne la tension es palpable dans l’entreprise et où les syndicats montent en puissance ».


De là à penser que le siège de SAP pourrait être un jour être transféré en France, il y a un pas que le responsable syndical hésite pour le moment à franchir complètement, même s’il rappelle que l’actuel CEO de SAP AG, Leo Apotheker, fonda la filiale française qu’il présida jusqu’en 1997. Et que le passage par la case France pourrait être le prélude à un transfert pur et simple vers le continent américain.

Un autre scénario envisageable est celui d’ un rachat total ou partiel de SAP. « Aujourd’hui toute la politique de l’entreprise consiste à augmenter la profitabilité par tous les moyens, non à développer ses parts de marché. C’est un peu comme si on préparait la future mariée. »


Reste qu’avec une valeur boursière dépassant les 55 milliards, les candidats ne doivent pas être légion. Notre syndicaliste évoque quant à lui les noms d’IBM, Microsoft et Google. « Cela pourrait également être un autre acteur qui se contenterait d’une minorité de blocage, quitte a augmenter sa participation par la suite. Il ne faut pas posséder totalement une entreprise pour la contrôler. »