La réglementation éco-numérique est-elle adaptée aux enjeux de réduction de l’empreinte carbone de l’économie et comment les entreprises du numérique se l’approprient ? Tels sont quelques-uns des sujets abordés lors de la première des trois tables rondes que Channelnews a organisées le 13 décembre dernier sur le thème de la soutenabilité du numérique.

Cette première table ronde, intitulée « La réglementation éco-numérique est-elle suffisamment incitative ? » a réuni Emmanuelle Olivié-Paul, présidente et fondatrice du cabinet d’intelligence de marché Advaes, Olivier Renaud, directeur impact environnemental & associé chez Constellation, et Gilles Mezari, directeur général Saaswedo et administrateur en charge de la commission Numérique & environnement de Numeum.

Olivier Renault a rappelé la stratégie nationale bas carbone de la France, avec son objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et de réduction des émissions de 30% d’ici 2030. Il a exprimé ses inquiétudes sur la croissance de l’empreinte carbone du secteur numérique, soulignant que le secteur connaît une augmentation contraire aux objectifs de réduction globale​​.

Emmanuelle Olivié-Paul a énuméré les principales réglementations environnementales affectant l’industrie du numérique, notamment la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), une réglementation européenne fraîchement transposée en droit français qui impose des exigences strictes en matière de reporting sur la durabilité, impliquant un haut niveau de transparence et de responsabilité concernant les pratiques environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises. Avec ses 1178 points de contrôle, la CSRD représente un enjeu de compétences et de ressources important pour les entreprises qui y seront soumises.

Si elle ne s’applique qu’à environ 50 000 entreprises en Europe et 6.000 en France, cette réglementation devrait avoir des répercussions significatives sur toute la chaîne de valeur amont de ces entreprises, notamment dans le cadre des appels d’offres, les donneurs d’ordre concernés par la loi exigeant de leurs fournisseurs qu’ils s’y conforment aussi. Emmanuelle Olivié-Paul a exprimé des inquiétudes concernant l’impact de la CSRD sur les acteurs du numérique qui, de son point de vue, ne mesurent pas encore pleinement l’incidence de ces nouvelles exigences.

Gilles Mezari a mis en lumière l’importance de sensibiliser et de former les entreprises du numérique aux enjeux de la soutenabilité a rappelé les initiatives de Numeum pour promouvoir la responsabilité environnementale dans le secteur numérique, telles que Planète Tech Care et le Green Tech Forum.

Olivier Renaud a souligné l’incapacité des réglementations existantes à ralentir les émissions et pointé le manque de données fiables pour évaluer correctement l’impact environnemental du secteur. Il a appelé les syndicats professionnels à jouer un rôle plus actif dans la coordination et la fédération des efforts pour améliorer la fiabilité des données et durcir la réglementation​​.

Emmanuelle Olivié-Paul a évoqué la complexité de l’évaluation environnementale dans le secteur numérique, soulignant la nécessité d’une approche multi-critères pour une meilleure prise de décision.

Olivier Renaud a insisté sur les dissonances du secteur du numérique qui prétend mettre l’IT au service de la réduction de l’empreinte globale (IT for green) mais qui ne sait pas – ou se refuse à – mesurer son propre impact environnemental. Il a regretté la réticence des grandes entreprises, notamment des GAFAM, à s’engager pleinement dans la réduction de leur empreinte carbone. Il a insisté sur la nécessité de transformer le secteur numérique pour qu’il devienne un outil bénéfique pour l’homme et l’environnement.

Le replay de la table ronde est consultable dans son intégralité ici : https://www.01channel.fr/?matinale=13-decembre-2023