En annonçant le report d’au moins six mois de sa solution d’extension de datacenter Azure Stack et surtout la restriction de sa disponibilité à quelques systèmes préintégrés, Microsoft a provoqué une nouvelle fois la déception de ses partenaires. Pourtant, Microsoft avait suscité beaucoup d’espoirs lors de son annonce initiale en mai 2015. Azure Stack, est en effet présenté comme la solution de Cloud hybride par excellence de Microsoft. Elle doit permettre de déployer sur des infrastructures privées ou d’hébergeurs tiers des instances Azure en tous points compatibles avec celles de Cloud public de Microsoft.
Ces clouds Azure privés sont sensés utiliser la même pile logicielle (même code, mêmes outils de développement, même portail, mêmes API, même outil de gestion…) que celle utilisée par Microsoft et pouvoir accueillir les mêmes applications. Ainsi une application initialement développée sur le Cloud public Microsoft pourra voyager facilement vers un cloud Azure Stack et inversement. En permettant aux clients et aux hébergeurs de faire tourner leurs propres instances Azure, Microsoft espère évidemment accroitre l’audience de son Cloud public en captant les clients utilisateurs de Windows on-premise pour les amener vers le Cloud Azure.
Microsoft veut s’imposer comme le champion du Cloud hybride
Mais surtout il espère s’imposer comme le champion du Cloud hybride, le modèle de Cloud plébiscité les entreprises, en faisant de son Cloud public une destination privilégiée des entreprises pour leurs besoins de débordement. « Azure Stack répond au marché du Cloud privé on-premise en permettant de transformer un datacenter privé en centre de services IT mais c’est également un proxy natif pour l’hybridation (débordement de ressources sur le cloud public Azure) », résume Yves Pellemans, CTO et directeur de l’innovation et des offres d’Axians Cloud Builder (ex-APX). « Le Cloud on-premise avait été le parent pauvre dans la stratégie Microsoft ces dernières années au profit du Cloud public et d’Office 365 », ajoute-t-il. Azure Stack est l’occasion de reprendre la main sur ce marché aujourd’hui plutôt dominé par des acteurs tels que VMware – dont la solution est déjà opérationnelle, vCloud Air se comportant comme vSphere –, HPE, OpenStack et CloudStack.
Une solution que les partenaires attendent avec impatience. « Tous nos clients sont convaincus qu’une partie de leur système d’information ira à court terme dans le Cloud, observe Philippe Clémente, directeur consulting et avant-vente de Cheops Technology. Ils cherchent donc à simplifier cette transition, à réduire les impacts du Cloud sur leur portefeuille applicatif. Azure Stack répond bien à cet enjeu, en unifiant le comportement de l’infrastructure on-premise et dans le Cloud, là où Azure Stack se limitait auparavant à unifier l’administration ». « En permettant aux entreprises de faire fonctionner une instance privée de la plate-forme cloud de Microsoft dans leurs propres datacenters, Azure Stack répond selon nous aux attentes des DSI à la recherche de solutions de cloud hybride. Cela permet d’uniformiser les technologies utilisées pour les développements applicatifs et facilite les migrations cloud public vers cloud privé, et vice versa », témoigne Arnaud Cavé, directeur marketing Linkbynet. Azure Stack va nous permettre de créer des offres de Cloud privé natives Microsoft avec débordement de services (Backup, PRA, archivage…).
Azure Stack ne pourra fonctionner correctement que sur des configurations prévalidées
Mais voilà, alors qu’au départ Azure devait simplement être téléchargeable et installable sur n’importe quelle configuration standard, Microsoft a annoncé lors de la Worldwide Partner Conference de juillet que, finalement, il faudrait passer par les fourches caudines de la pré-validation. En clair, Azure Stack ne sera disponible qu’en préinstallation sur quelques configurations serveurs préalablement testées et validées de HPE, Dell et Lenovo. Cette connaissance détaillée du système sur lequel est installé Azure Stack serait le seul moyen pour Microsoft de garantir son fonctionnement correct en termes de performances et de stabilité. Principale explication : la nécessité de mettre constamment à jour le produit dans son intégralité pour suivre l’évolution rapide d’Azure.
Une déconvenure pour les partenaires : cette annonce renchérit le coût d’Azure Stack puisqu’il faudra acquérir en sus un serveur Dell, HPE ou Lenovo, facteur de complexité supplémentaire. « Dans un environnement orienté logiciel (software definied), vouloir limiter son CMP (Cloud Managament Plateform) à un appliance physique fournie par quelques fournisseurs est effectivement une erreur, regrette un partenaire. Un CMP se doit d’être intégré sur mesure (à façon et en langue locale) et étendre ses fonctions sur l’ensemble des ressources existantes des clients… Nous travaillons avec Microsoft depuis de début de son projet Azure Stack et avons investi pour suivre son avancée lors de leurs différents meetings. Il a toujours été question d’une intégration au travers de cloud builders de référence comme notre société d’où notre incompréhension ».
Les partenaires restent confiant dans la capacité d’innovation de Microsoft
D’autant que ce n’est pas la première fois que Microsoft déçoit l’attente de ses partenaires sur Azure. Dès 2010, l’éditeur avait promis une déclinaison d’Azure sous forme d’appliance. Des « Cloud Azure in a box », qui devaient être disponibles chez HP, Dell et Fujitsu. Retardés dans un premier temps, ils ne se sont finalement jamais matérialisés. Deux ans plus tard, à la sortie d’Azure Pack en 2012, Microsoft avait laissé espérer beaucoup. Mais Azure Pack n’est resté qu’une interface web as a service pour serveur unitaire (Server, SQL et System Center) destinée à gérer du debordement sur Azure. Solution plutôt orientée TPE, l’Azure Pack utilise la marque Azure sans en proposer les fonctionnalités. D’où la déception. Microsoft promet toutefois d’étendre par le suite le nombre de configurations supportées.
Pour autant, les partenaires ne perdent pas espoir de voir Microsoft s’imposer sur ce marché de l’hybride. « Microsoft se sait attendu au tournant sur ce produit, qui est stratégique pour sa conquête du marché cloud, note Arnaud Cavé. Sa lutte avec AWS est féroce et passe par l’innovation. Azure Stack est une technologie différenciante. Il existe peu de concurrents sur une solution disponible à la fois en infrastructure publique et privée de la sorte. On peut retrouver Openstack, mais dans un écosystème plus fragmenté. Nous avons bon espoir qu’Azure Stack soit une solution mieux normalisée. » « Visiblement, le produit est plus complexe à développer pour Microsoft et les retards s’accumulent, convient Philippe Clémente. Mais nous restons en veille active sur Azure Stack, en benchmarkant la version Technical Preview dans l’attente de la version finale. Cela ne freine pas nos nombreux projets actuels de Cloud, justifiés par de puissants leviers économiques et techniques ». Et de conclure : « Nous escomptons d’Azure Stack une accélération de l’adoption du Cloud dans les entreprises de taille moyenne, dont le système d’information fonctionne souvent majoritairement sur Windows Server ».