L’entreprise de services de proximité est passée en quelques jours de l’euphorie au désespoir. Jusque-là en pleine ascension, son cours de bourse a brusquement décroché mercredi 9 décembre, perdant jusqu’à 27% de sa valeur, suite à la diffusion d’un rapport anonyme d’une centaine de pages (consultable sur le site Zonebourse) tendant à accréditer l’idée que l’entreprise serait impliquée dans des transactions s’apparentant à du blanchiment en lien avec le crime organisé, des mouvements de fonds illégaux et des abus de biens sociaux. Des allégations que la société a nié catégoriquement dans un communiqué publié peu avant la fin de la séance et complété peu après par un second document d’une vingtaine de pages. Le cours est remonté un peu mais a repris sa chute le lendemain, finissant en baisse de 26% sur les deux séances.
Ce vendredi 11 décembre est entré en jeu le fonds activiste Muddy Waters, connu pour ses ventes à découvert et notamment pour avoir révélé la fragilité de la maison mère de Casino – restructurée depuis. Tout en se dédouanant d’être à l’origine du rapport, Carson Block, son fondateur, s’est déclaré dans une lettre adressée au président de Solutions 30, Gianbeppi Fortis, peu convaincu par les explications du groupe Solutions 30 et a réclamé des éclaircissements sur un certain nombre de points.
« Les réponses apportées par Solutions 30 contiennent des faits supposés que nous estimons inexacts et omettent des faits qui, selon nous, devraient être divulgués pour éviter d’induire les investisseurs en erreur », écrit Carson Block dans cette lettre qu’a pu consulter l’agence Agefi-Dow Jones. Il demande notamment pourquoi Solutions 30 semble être resté en lien avec Angelo Zito, son ancien expert-comptable jusqu’en 2016, alors que celui-ci a été d’après lui condamné – puis acquitté – dans une affaire d’association mafieuse (remontant à la fin des années 90).
Ces « nouvelles tentatives de déstabilisation de l’entreprise et de ses actions » ont conduit Solutions 30 à demander la suspension de son titre à l’ouverture de la séance. La veille, Gianbeppi Fortis avait par ailleurs indiqué à l’agence Agefi-Dow Jones qu’une mise en demeure avait été envoyée à la personne qui avait fourni le rapport anonyme à certains journalistes et opérateurs de marché pour « [diffusion d’] informations fausses et trompeuses concernant la société, et diffamatoires à l’égard de ses dirigeants ».
Ce n’est pas la première fois que Muddy Waters prend Solutions 30 pour cible. ZoneBourse rappelle qu’en 2019 le cours de bourse de l’entreprise de services avait déjà plongé à la suite d’une position de vente à découvert de Muddy Waters. À l’époque, ce dernier n’avait pas dévoilé les raisons de sa décision. Mais à la même période, le Financial Times avait publié deux articles remettant en cause la fiabilité des comptes de l’entreprise.
Investir rapporte les propos d’un gérant qui fait remarquer que ces attaques interviennent après une augmentation spectaculaire du nombre d’actions Solutions 30 empruntées pour être vendues à découvert. Environ 13 % du capital a été ainsi vendu ces derniers jours, notamment par le hegde fund Gladstone Capital Management.
Au départ dubitatifs sur les accusations contenues dans le rapport dont ils mettaient en question « le sérieux […] au vu des erreurs que [l’auteur] commet », les analystes d’Oddo BHF ont finalement suspendu leur recommandation d’investissement sur le titre, estimant que « seul un audit complet d’un expert indépendant permettrait de restaurer définitivement la confiance dans le groupe », relate l’agence AOF.
Solutions 30 connaissait jusqu’à présent un parcours boursier exceptionnel. Juste avant sa chute, sa capitalisation dépassait les 2 milliards d’euros, soit le triple sa valeur de mars dernier. Au moment de la suspension du cours, elle était de 1,5 milliard d’euros. En trois ans, le chiffre d’affaires a triplé passant de 191,8 M€ en 2016 à 682,2 M€ en 2019. Sur la même période, son résultat net a presque quadruplé à 39,2 M€.