En proposant une prime de 23% par rapport au cours de HP le jour de son offre publique d’achat, nul doute que Xerox a mis le maximum de chances de son côté pour que la transaction aille à son terme. Mais de nombreux écueils restent encore à franchir. Car si l’industrie de l’impression est prête pour la consolidation, comme l’a écrit Xerox dans son communiqué, et que la réunion des activités copieurs A3 de l’un et imprimantes A4 de l’autre présenterait des avantages évidents en termes de réduction de coûts (2 milliards selon Xerox), HP est un gros morceau à avaler pour Xerox. Avec une capitalisation de 8,8 milliards de dollars au moment de son offre de rachat, ce dernier est presque quatre fois plus petit que HP, valorisé 27,3 milliards de dollars.

HP n’est aujourd’hui à la portée de Xerox que parce que son cours de bourse a dévissé de 25% depuis le sommet atteint en octobre 2018, rappelle Bloomberg. Si l’on prend en compte que sa croissance a ralenti, libérant des liquidités, que son endettement est faible, que sa capacité à générer du cash est intacte et que des économies substantielles sont encore possibles via une réduction massive des effectifs, alors les planètes sont alignées pour Xerox qui peut espérer financer son acquisition en mettant la main sur ses importants flux de trésorerie. Mais l’opération obligerait Xerox à contracter une dette d’au moins 20 milliards de dollars, note Bloomberg.

Autre facteur d’incertitude, HP est bien plus qu’un fabricant d’imprimantes. Certes, il est numéro un mondial des systèmes d’impression avec un chiffre d’affaires de 15,08 milliards de dollars réalisé sur cette activité au cours des trois derniers trimestres, rappelle CRN. Mais le constructeur a tiré sur la même période 28,27 milliards de dollars de ses activités systèmes personnels (incluant les PC et les imprimantes 3D). Et alors que son activité impression est en baisse de 2,7% sur par rapport à la même période de l’an dernier, la seconde est hausse de 2,4% sur un an. Quelle est la légitimité de Xerox à gérer des activités informatiques de cette taille et de ce dynamisme, s’interroge ainsi le marché. La question taraude particulièrement le réseau de distribution HP, qui s’inquiète de voir un champion de la vente directe s’emparer d’un spécialiste de l’indirect.

De fait, il existerait des désaccords potentiellement insolubles entre Xerox et HP sur la question de savoir lequel des deux devrait être l’acheteur et le vendeur, quelle équipe devrait diriger le nouvel ensemble et lequel a le business sous-jacent en meilleure santé, note Bloomberg, citant des personnes proches du dossier. Des désaccords qui seront d’autant plus difficiles à trancher que Xerox n’aurait accordé que quatre semaines de due diligence à HP, pour examiner ses livres et se prononcer sur l’opportunité de la transaction.

HP pourrait d’autant plus être tenté de repousser l’offre de Xerox, que l’entreprise vient de changer de patron et d’engager d’importantes mesures de restructuration qui, si elles devaient être couronnées de succès, pourraient faire sensiblement remonter sa capitalisation. Le nouveau PDG, Enrique Lores, qui a succédé à Dion Weisler le 1er novembre, a ainsi annoncé son intention d’accélérer la transition vers les services et de rompre avec le modèle traditionnel de HP dans le domaine de l’impression consistant à baser sa profitabilité sur les consommables au détriment des imprimantes.

Pour juguler la baisse des ventes de consommables, HP prévoit de renchérir les prix de ses imprimantes sur lesquelles il estime avoir un avantage concurrentiel fort. La société a également commencé à déployer une nouvelle organisation commerciale qui va supprimer l’échelon européen pour passer à 10 marchés géographiques. Cette réorganisation s’accompagnera d’une réduction de l’effectif comprise entre 7 000 et 9 000 collaborateurs (soit jusqu’à 16% du total).