On s’y attendait un peu. Carl Icahn, dont le CEO de Xerox, John Visentinn est un proche, ne renonce pas facilement à une proie. Et il tient à une fusion entre Xerox et HP.

Xerox, dont l’investisseur activiste est le premier actionnaire avec The Vanguard Group, menace HP d’une OPA hostile si ce dernier n’accepte pas son offre amicale et ouvre ses livres de comptes avant le 25 novembre 17h (fuseau horaire de la côte Est). « À moins que vous-même et nous convenions d’une due diligence mutuelle préalable à un rapprochement amical avant le 25 novembre, Xerox adressera directement à vos actionnaires son argumentaire convaincant quant à la création de valeur ajoutée pour nos actionnaires respectifs », écrit la société dans une lettre consultée par Reuters. « Tout processus amical pour une association de ce type nécessite une due diligence mutuelle – votre proposition de due diligence unilatérale est une tactique de retardement inutile », ajoute Xerox.

« Le geste de Xerox pourrait forcer HP à proposer un prix d’acquisition plus élevé qui profiterait à ses actionnaires, ou éventuellement à renverser les choses et que HP cherche à acquérir Xerox », a expliqué à Reuters l’analyste de Morningstar, Mark Cash. Un scénario qui ne déplairait pas forcément à Carl Icahn si l’on en croit les propos tenus la semaine dernière par le milliardaire au Wall Street Journal. Il a en effet indiqué à nos confrères que la formule choisie n’avait pas d’importance du moment qu’on aboutissait à un rapprochement.

Une prise de contrôle de HP par Xerox inquiète les partenaires HP rappelle de son côté CRN. Ils soulèvent des problèmes qui vont du manque d’expérience de Xerox sur le marché des PC aux différences culturelles en matière de vente indirecte, en passant par le déséquilibre qu’il y a entre HP, dont la capitalisation boursière était mercredi de 29,16 milliards de dollars, et Xerox dont la capitalisation atteignait à peine 8,28 milliards de dollars. D’autres revendeurs estiment que le mauvais climat actuel pourrait se ressentir sur les ventes. « Laissons chaque entreprise poursuivre la mise en œuvre de ses plans commerciaux », a résumé l’un d’entre eux.

Selon le chroniqueur de Bloomberg, Alex Webb, la dette qui serait contractée par Xerox pour les besoins de l’opération serait sécurisée par les flux de trésorerie disponibles de HP. « La faible dette de HP est la raison pour laquelle Xerox pourrait envisager une prise de contrôle », a précisé Alex Webb. En quelque sorte, Xerox « se servirait sur la bête pour financer l’acquisition ».

Ces considérations ont amené nos confrères de CRN à analyser plus en détail les données financières des deux acteurs en présence.

A l’issue du dernier trimestre fiscal de Xerox, clos le 30 septembre, la société avait 922 millions de dollars de trésorerie et équivalents de trésorerie. Pour le sien, clos le 31 juillet, HP indiquait un montant plus de cinq fois plus élevé, soit 4,92 milliards de dollars.

Par ailleurs, pour ses trois derniers trimestres, Xerox a déclaré des flux de trésorerie opérationnelles de 895 millions de dollars, contre 4,07 milliards de dollars pour HP.

Pour déterminer que l’offre de Xerox n’est pas dans l’intérêt de ses propres actionnaires, le conseil d’administration de HP a déclaré qu’il avait notamment examiné l’impact potentiel de niveaux d’endettement démesurés sur les actions de la société résultant de la fusion. Xerox, qui aurait besoin d’un financement important pour l’acquisition de HP, était déjà endetté à hauteur de 5,15 milliards de dollars à l’issue du dernier trimestre. En revanche HP, dont la taille est beaucoup plus importante, affiche une dette de 5,06 milliards de dollars fin septembre.

Si l’on prend en considération les quatre derniers trimestres, on s’aperçoit que HP a généré un chiffre d’affaires total de 58,72 milliards de dollars, soit une croissance de 2,9% par rapport aux quatre trimestres précédents alors que Xerox n’a enregistré que 9,23 milliards de dollars de revenus sur 12 mois, soit une baisse de 8%. La baisse des revenus de Xerox « soulève d’importantes questions quant à la trajectoire de votre entreprise et à ses perspectives d’avenir », indiquait le conseil d’administration de HP dans sa lettre rejetant l’offre de Xerox.

En revanche, pénalisé notamment par la baisse des ventes de consommables, HP a vu son cours boursier fondre. Le 5 novembre, avant l’annonce de l’OPA, ses actions ont clôturé à 18,40 dollars contre 23,0 dollars au 30 novembre 2018. Cette baisse des cours, associée aux rachats d’actions réalisés, a provoqué une forte baisse de la capitalisation boursière. Sur la période considérée, elle est passée de 35,73 milliards de dollars à 27,23 milliards de dollars, avant de remonter à 29,50 milliards de dollars à l’heure où nous mettons en ligne.

De son côté, Xerox a vu ces paramètres grimper. Au 31 octobre, avant l’annonce de l’OPA, ses actions avaient clôturé à 33,93 dollars et sa capitalisation boursière atteignait 7,33 milliards de dollars, contre un cours de bourse de 26,88 dollars et une capitalisation boursière de 6,4 milliards de dollars exactement un an auparavant. A présent, le cours est de 33,10 dollars et la capitalisation atteint 7,09 milliards de dollars. Cela représente une variation de -2,7% par rapport à hier et de -7,06% sur cinq séances. Comme quoi la conquête envisagée de HP ne plaît pas à tout le monde.