L’UFC-Que Choisir a déposé plainte pour pratiques commerciales trompeuses contre Leetchi auprès du procureur de la République de Paris, « face à la persistance inadmissible des retards de versement de ses cagnottes en ligne » et après l’envoi de mises en demeure et de vaines tentatives de dialogue. « Retards de versements, réclamations sans réponses, justificatifs supplémentaires demandés sans raison apparente, cagnotte ayant disparu… Les témoignages de nombreux utilisateurs écœurés du service proposé par Leetchi ne cessent d’affluer », peut-on lire dans un communiqué de l’association de consommateurs, qui ajoute que de nombreux utilisateurs doivent attendre des semaines, voire des mois, avant de pouvoir bénéficier de leur argent. « Un délai de versement rallongé de quelques jours peut exceptionnellement intervenir dans le cadre d’un examen renforcé du dossier, dans le cadre de la lutte contre les fraudes, prévue par la réglementation, mais l’exception est en train de devenir le principe puisque des milliers de consommateurs sont concernés par des délais de déblocage des fonds de plusieurs mois », poursuit l’UFC-Que Choisir qui cite l’exemple d’un utilisateur qui a dû attendre 5 semaines avant de pouvoir utiliser l’argent de sa cagnotte solidaire. « Dans le cadre de la crise économique inédite que nous traversons, et alors que certaines personnes recourent à ce système de cagnottes pour faire face à des besoins primordiaux (soutien financier pour proches malades, collecte pour les services hospitaliers, etc.), l’impact de ces retards est particulièrement préjudiciable », estime l’association.
Leetchi s’élève en faux contre cette présentation des faits. Rappelant qu’elle est soumise à la surveillance de l’ACPR (autorité de la Banque de France, chargée de la surveillance des banques et des assurances), elle explique que si le délai de déblocage des fonds est de 48 heures pour 90% des cagnottes, il peut être plus long « pour s’assurer de la légalité des cagnottes solidaires et du transfert des fonds vers le bénéficiaire légitime d’une collecte ». Pour 3% des cagnottes, le délai peut ainsi être supérieur à 10 jours et nécessite différents types de justificatifs pour vérifier la bonne destination des fonds. « Leetchi rappelle également qu’elle ne fait aucune utilisation des fonds collectés sur les cagnottes. En tant qu’intermédiaire, son rôle est d’agir en tiers de confiance et de s’assurer que les fonds collectés soient bien reversés au bénéficiaire légitime et pour l’objet déterminé par le créateur de la cagnotte », conclut la filiale du Crédit Mutuel-Arkéa.
Cela dit, plusieurs utilisateurs qui ont témoigné au Figaro considèrent la plateforme comme particulièrement intrusive au moment de verser l’argent. Nos confrères citent ainsi l’exemple d’une cheffe d’établissement scolaire qui avait décidé de lever des fonds pour planter un verger en l’honneur de son neveu, décédé brutalement à 20 ans en janvier 2020. Après avoir réuni 4.500 euros en juin, elle a décidé de retirer sa cagnotte, sans succès. « Ils ont commencé par me demander des factures, alors que le verger n’était pas encore planté. Ensuite, ils ont réclamé l’acte de décès, puis une facture d’inhumation et une autre de frais d’obsèques. Et ce n’était pas encore suffisant », explique-t-elle à nos confrères, évoquant un acharnement qui fait « rebasculer la famille dans le deuil alors qu’elle voulait créer quelque chose qui ramène à la vie ». Après avoir menacé de porter plainte et des pressions d’amis sur les réseaux sociaux, Leetchi a fini par verser les fonds.
Interrogée par nos confrères, la directrice générale de Leetchi, qui a succédé en 2018 à la fondatrice Céline Lazorthes, évoque un problème de communication et de perception sur le traitement des documents. Elle indique que le parcours client va être revu afin de mieux informer les utilisateurs sur les documents qu’ils devront fournir, avant même qu’ils ne lancent leur cagnotte.