Le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Khan est sous le feu des sanctions étasuniennes. En février dernier, l’institution judiciaire a été sanctionnée par décret du président Trump, en réaction aux mandats d’arrêt émis contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant.

Comme l’ensemble du personnel non étasunien de la CPI, M. Khan est notamment interdit d’entrée sur le sol américain. Mais selon son entourage, les sanctions à son encontre vont plus loin. Le procureur aurait perdu l’accès à son compte officiel de messagerie Microsoft, ce qui l’aurait contraint à migrer vers le service de messagerie sécurisé suisse Proton. Ses comptes bancaires ont également été gelés au Royaume-Uni.

Concernant la mesure de rétorsion numérique, Microsoft a confirmé mais réfute avoir elle-même résilié directement le compte et semble vouloir faire porter la faute à l’institution. La résiliation du compte est le résultat de choix faits par la CPI elle-même, bien que liés aux sanctions contre Kahn et imposées par les États-Unis, a expliqué un porte-parole de Microsoft à nos confrères de Data News.

« Depuis février, nous avons eu des discussions continues avec la CPI, qui ont finalement abouti à la déconnexion de l’officier sanctionné des services de Microsoft. À aucun moment Microsoft n’a cessé ou suspendu ses services à la CPI en tant qu’organisation », a précisé l’entreprise.

Alors que les tensions transatlantiques relancent avec une gravité nouvelle les débats sur la souveraineté numérique, l’affaire tombe mal pour Microsoft. Encore le mois dernier, la firme tentait de rassurer ses clients européens en détaillant sur son blog de nouveaux engagements numériques.

« En cette période de volatilité géopolitique, nous nous engageons à assurer la stabilité numérique », déclarait alors le vice-président Brad Smith.

« Dans le cas peu probable où un gouvernement, où que ce soit dans le monde, nous ordonnerait de suspendre ou de cesser nos activités cloud en Europe, nous nous engageons à ce que Microsoft conteste rapidement et vigoureusement une telle mesure en utilisant toutes les voies de droit disponibles, y compris en intentant une action en justice », ajoutait-il.

Malgré ces déclarations de principe, les pressions répétées contre la CPI ont largement entravé ses travaux et mis à mal ses enquêtes. Elles témoignent une nouvelle fois des capacités de l’administration étasunienne à exercer ses sanctions par-delà les frontières et le risque pour les institutions internationales et autres organisations de dépendre de ses technologies.

« Cela devrait nous alerter. C’est l’exacte description d’une situation de mise sous tutelle numérique. Toutes les administrations publiques à minima devraient en tirer les conséquences logiques », a réagi sur Linkedin Gilles Babinet, coprésident du Conseil national du numérique.