En annonçant sa volonté d’acquérir Gemalto, le patron d’Atos, Thierry Breton, a précipité les choses sans le savoir. En effet, le spécialiste des cartes à puces négociait son rachat depuis plusieurs mois avec Thales. Ce dernier a été obligé de se dévoiler et d’offrir un prix supérieur à celui d’Atos ; ce qui était ou n’était peut-être pas prévu, on ne le saura sans doute jamais. Thales se propose donc d’acquérir les titres Gemalto au prix de 51 dollars, soit 5 euros de plus que le prix proposé par Thierry Breton. Cela valorise l’entreprise franco-néerlandaise à environ 4,8 milliards d’euros. Si l’on ajoute les dettes du fabricant de cartes à puces, l’équipementier s’engage à hauteur de 5,6 milliards d’euros. Il financera les 4,8 milliards d’euros en utilisant sa trésorerie disponible et un prêt bancaire d’un montant de 4 milliards d’euros.

Dans un communiqué, Atos indique qu’il a pris acte de l’offre de Thales et que « conformément à sa discipline financière », il ne donnera pas suite à sa proposition. Souhaitant à Thales, Gemalto et ses salariés « plein succès dans leur projet », il précise toutefois que « dans le cas où l’offre conditionnelle de Thales ne pourrait aller à son terme, quelles qu’en soient les raisons », il « reste disponible pour étudier un rapprochement avec Gemalto ». 

« L’acquisition de Gemalto marque une étape clé dans la mise en oeuvre de la stratégie de Thales. Avec l’équipe de direction de Gemalto, nous avons de grandes ambitions fondées sur une vision partagée de la transformation numérique de nos métiers et de nos clients. Notre projet bénéficiera à l’innovation et à l’emploi tout en respectant les enjeux de souveraineté liés aux technologies stratégiques », affirme de son côté Patrice Caine, le PDG de Thales.

Après avoir rappelé qu’au cours des trois dernières années, Thales s’est renforcé dans les technologies numériques, en investissant plus de 1 milliard d’euros dans la connectivité, la cybersécurité, le big data et l’intelligence artificielle, grâce notamment à l’acquisition de Sysgo, Vormetric et Guavus, la direction de l’entreprise explique que cette opération lui permettra d’augmenter de plus de 3 milliards d’euros le chiffre d’affaires de ses activités numériques et d’acquérir un éventail de technologies et de compétences qui s’applique à l’ensemble de ses marchés. « Ce rapprochement crée un acteur majeur s’appuyant sur un portefeuille de solutions intégrant des logiciels de sécurité, une expertise en biométrie, en authentification multi-facteurs et dans l’émission de titres physiques et numériques sécurisés (…) Thales et Gemalto répondent aux besoins des clients les plus exigeants qui sont confrontés à des enjeux de sécurité de données, notamment les opérateurs d’infrastructures vitales tels que les banques, les opérateurs télécoms, les administrations, les entreprises de service public et l’industrie. » L’équipementier estime par ailleurs que ce rapprochement générera des synergies annuelles de coût avant impôt comprises entre 100 millions d’euros et 150 millions d’euros en 2021, ainsi que « des synergies de revenus significatives ».

Après la finalisation de l’acquisition, prévue au second semestre 2018, Gemalto deviendra le pôle de sécurité digitale de Thales et sera dirigé par son directeur général actuel, Philippe Vallée.

Concernant le plan de suppressions de 288 postes dans l’activité SIM de Gemalto, Thales affirme que les employés concernés bénéficient d’un accès à ses bourses de l’emploi et à son programme de mobilité interne, « aux mêmes conditions que les employés de Thales ».  Brice Barrier, délégué syndical de l’UNSA, le syndicat majoritaire chez Gemalto, a indiqué à Reuters qu’il souhaitait demander à Thales le retrait du plan social.

Le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le parlement et délégué général de la République en Marche, Christophe Castaner a quant à lui expliqué sur France 3 que la proposition de Thales « allait dans le bon sens ». Avec 26% du capital, l’Etat est le premier actionnaire de Thales. De son côté, la banque publique d’investissement BPIfrance est le second actionnaire de Gemalto, avec 8,3% du capital.