Même les experts s’y perdent. La jeune pousse française Greenly, spécialiste de la comptabilité carbone, s’est penchée sur un chiffre apparemment anodin : l’empreinte environnementale d’un prompt IA. À l’été 2025, Google affirmait qu’une requête moyenne sur Gemini 2.5 Pro ne générait que 0,03 gramme de CO₂, pour 0,24 Wh d’énergie consommée et 0,26 ml d’eau. Des valeurs si faibles qu’elles ont éveillé la curiosité du CEO de Greenly, Alexis Normand (photo), qui a refait ses propres calculs, en prenant pour référence l’audit de Mistral AI par Carbone 4 et l’ADEME. Dans le cadre de cet audit, ces derniers ont estimé que la génération d’une page entière de texte par Mistral (soit l’équivalent de 400 tokens) représentait 1,14 gCO2e et 45 ml d’eau.
En appliquant à Gemini la méthodologie utilisée pour Mistral, Greenly obtient des émissions environ 13 fois supérieures à celles annoncées par Google. Autrement dit, un prompt Gemini serait plutôt autour 0,4 gCO₂e, selon les hypothèses retenues.
Au passage, Alexis Normand pointe plusieurs biais méthodologiques majeurs dans le calcul de Google. La firme de Mountain View calcule ses émissions selon la méthode market-based, qui repose sur le mix contractuel de l’électricité achetée, plutôt que sur la méthode location-based, qui prend en compte le mix énergétique réel du lieu où l’électricité est effectivement produite et consommée. En intégrant dans son mix contractuel un grand nombre de certificats d’énergie renouvelable, Google parvient ainsi à minorer ses émissions jusqu’à un facteur 3, estime Greenly.
Par ailleurs, Greenly note que Google ne précise pas la longueur ni la complexité du prompt retenu, et qu’il n’intègre pas dans son calcul les émissions liées à la construction des centres de données (environ 20 % du total sur l’ensemble du cycle de vie) ni celles de l’entraînement des modèles.
Ce manque de transparence n’est pas anecdotique : il empêche toute mesure fiable de l’impact climatique de l’intelligence artificielle, estime Alexis Normand, qui plaide pour des règles communes de reporting, des audits tiers indépendants et une intégration obligatoire de l’empreinte IA dans les bilans CSRD. Il rappelle que, d’après l’Agence internationale de l’énergie, l’IA pourrait doubler les émissions des infrastructures numériques d’ici à 2030 en consommant à elle seule 3 à 4 % de l’électricité mondiale. « Alors que les GAFAM étaient jusque-là les bons élèves de la transition énergétique, avec l’essor de l’IA, leur trajectoire carbone est en train de dérailler », regrette-t-il.
Fondée en 2019, Greenly s’est imposée comme l’un des leaders européens de la comptabilité carbone. Sa plateforme SaaS permet à plus de 3.000 entreprises et organisations publiques de mesurer, piloter et réduire leurs émissions. L’entreprise compte environ 200 collaborateurs et approche les 20 millions d’euros d’ARR, selon Alexis Normand. L’entreprise reste en forte croissance, malgré un léger ralentissement lié au contexte international et en particulier à l’arrivée de Trump au pouvoir, qui a entraîné un assouplissement des réglementations climatiques.