Un an après sa cession avortée, Cheops affiche une croissance supérieure à 15% et des ambitions européennes. Entretien avec Nicolas Leroy-Fleuriot son PDG-fondateur.

Channelnews : Cela va bientôt faire un an que vous avez repris la direction opérationnelle de Cheops Technology, suite à l’abandon de son rachat par des fonds d’investissements. Comment se porte le groupe ?

Nicolas Leroy-Fleuriot : Cheops est en pleine forme. Nous venons de clôturer notre exercice fiscal au 30 avril 2023 sur une croissance organique d’un peu plus de 15%, à environ 158 M€ de chiffre d’affaires consolidé (chiffre non audité). C’est le résultat d’une forte accélération de son activité à partir du mois de septembre 2022.

Channelnews : Quels ont été les vecteurs de cette croissance ?

Nicolas Leroy-Fleuriot : La division infrastructure a particulièrement performé sur l’exercice, car il faut reconnaître que le marché était porteur jusqu’à ces derniers mois. L’activité Greenlake a aussi été très dynamique.

Channelnews : À ce propos, Cheops s’est distingué lors de Discover, la convention annuelle de HPE (qui s’est tenue à Las Vegas la troisième semaine de juin), en remportant le prix du Partenaire Greenlake de l’année. Qu’est-ce qui a permis à Cheops d’obtenir cette récompense ?

Nicolas Leroy-Fleuriot : Ce trophée consacre Cheops comme le partenaire Greenlake numéro un de HPE en Europe de l’Ouest et du Nord en volume de contrats signés et en chiffre d’affaires généré. Sur les douze derniers mois, nous avons signé douze contrats Greenlake, soit un par mois en moyenne, pour un montant cumulé de plusieurs millions d’euros. Les deux plus emblématiques ont été signés avec Salomon et Eurotunnel. C’est le résultat d’un partenariat qui a démarré dès 2021.

Channelnews : Quels avantages trouvez-vous dans Greenlake par rapport aux infrastructures traditionnelles HPE ?

Nicolas Leroy-Fleuriot : La différence, c’est qu’au lieu de vendre des infrastructures, on vend des mensualités. C’est donc une activité de nature à faire baisser le chiffre d’affaires mais qui a l’avantage d’être plus lucrative – HPE faisant preuve de plus de générosité sur la marge que pour les infrastructures sèches – et surtout d’être récurrente. Greenlake s’adresse aux clients qui ne veulent pas externaliser. Cela permet de leur apporter la souplesse d’évolution du Cloud tout en conservant une infrastructure sur site. Autre avantage pour les clients, Greenlake embarque une série de services qui simplifient la gestion des contrats et la maintenance.

Channelnews : Apparemment, vous utilisez aussi de plus en plus Greenlake pour vos besoins propres.

Nicolas Leroy-Fleuriot : Oui et pour les mêmes raisons que j’ai déjà citées. En passant par Greenlake, on évite les soucis de financement et on se décharge des problématiques de maintenance et de mise à jour des firmwares.

Channelnews : Non seulement, vous avez reçu le prix du Partenaire Greenlake de l’année mais vous avez apparemment été choisi par HPE pour expérimenter sa solution HPE Greenlake for Private Cloud Enterprise (PCE) avant sa commercialisation. De quoi s’agit-il ?

Nicolas Leroy-Fleuriot : En effet, on collabore très étroitement depuis sept mois sur ce nouveau projet technologique majeur avec HPE. Il s’agit d’une nouvelle CMP (Cloud Management Platform) portée par HPE. On est hyper séduit par ce produit disruptif, qui intègre la plate-forme d’orchestration et d’automatisation Morpheus et intégrera à terme la plateforme de gestion des opérations IT Opsramp [que HPE a rachetée au printemps]. On a prévu de l’utiliser pour nos propres besoins. On devrait signer le contrat dans les prochains jours.

Channelnews : Qu’est-ce qui a changé chez Cheops depuis votre retour aux commandes ?

Nicolas Leroy-Fleuriot : J’ai remis de l’ordre dans l’entreprise et j’ai réinsufflé une dynamique d’innovation. En janvier, nous avons par exemple lancé Mail in France, un environnement de travail numérique souverain qui suscite un grand intérêt du marché. Notre objectif est d’héberger 30.000 boites aux lettres cette année. De nombreux prospects nous ont déjà demandé des maquettes, notamment dans le secteur public, la santé, mais également des entreprises du privé qui font de la R&D.

Mais la grande nouveauté, c’est le plan Horizon 2030, un plan stratégique que j’ai rédigé fin 2022, qui va constituer la ligne directrice de Cheops pour les sept prochaines années. Il est notamment prévu de créer une division Cyberdéfense, de créer un BU HPC et de recourir à la croissance externe pour accélérer le développement de la Suisse et nous implanter en Belgique et au Luxembourg.

Channelnews : Sur quelles hypothèses de croissance êtes-vous parti pour l’exercice en cours ? Misez-vous sur de nouveaux relais de croissance sachant que la demande en infrastructures IT pourrait ralentir ?

Nicolas Leroy-Fleuriot : La croissance mondiale se tasse et le marché des infrastructures IT avec. Pour autant, nos nouveaux partenariats avec Nutanix d’une part – qu’on va faire rentrer dans nos architectures Cloud – et Lenovo d’autre part – dont on va vendre l’offre infrastructures – associés à la sortie d’offres innovantes telles que Mail in France et notre positionnement beaucoup plus marqué sur la cybersécurité, nous permettent d’envisager l’année en cours avec une certaine sérénité, bien qu’avec une certaine prudence. Ainsi notre compte de résultat prévisionnel prévoit 7 % de croissance organique pure, mais je suis confiant sur le fait que nous conclurons une ou deux opérations de croissance externe cette année. Pour m’y aider, j’ai recruté l’ex-DG d’Also France, Bruno Barat, en tant que conseiller.

Channelnews : Vous continuez, on l’a vu cette semaine avec la série de perquisitions dont vous et Cheops avez fait l’objet, de vous débattre dans des procédures contentieuses initiées par votre ex-associé Didier Cazeaux. Des procédures qui vous ont coûté l’annulation de la cession de Cheops conclue fin 2021. N’en concevez-vous pas une certaine amertume ?

Nicolas Leroy-Fleuriot : Non. Cette affaire me prend beaucoup de temps mais je suis absolument serein car tout a été fait dans les règles de l’art et dans le respect de la législation. Et, quelque part, Didier Cazeaux m’a rendu service. Car en quittant mon entreprise, je me suis retrouvé le plus pauvre des hommes en n’ayant plus que de l’argent mais en ayant perdu ma raison de vivre : faire des affaires, monter des équipes, innover, gagner…