Octave Klaba sera-t-il bientôt le patron de Blade, la startup française connue pour son offre Shadow (qui donne accès aux gamers à un serveur virtuel haut de gamme), désormais en redressement judiciaire ? C’est une hypothèse sérieuse. Le fondateur d’OVH a en effet annoncé dans un tweet qu’il allait faire une offre de reprise « dans l’objectif de développer une alternative européenne à Office 365/G-Suite ». Ce serait une belle revanche pour l’homme d’affaires nordiste. Fin 2019, Blade a en effet abandonné OVH pour se tourner vers le fabricant français de serveurs 2CRSi, par ailleurs actionnaire de la société.

Octave Klaba, se dit prêt à injecter les 30 à 35 millions nécessaires pour la reprise via son fonds Jezby Ventures. Ironie du sort : ce dernier figure parmi les investisseurs de PowerZ, une startup de jeux vidéo éducatifs lancée par l’un des fondateurs de Blade, Emmanuel Freund, et deux anciens cadres de la société. Tous avaient claqué la porte de cette dernière en désaccord avec la stratégie tarifaire des nouveaux dirigeants.

Si Octave Klaba l’emporte, il aura une lourde tâche devant lui car les douze derniers mois de Blade ont été particulièrement agités. Totalisant 67.000 utilisateurs pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2019, la société en comptait 97.000 en 2020 mais pour des revenus ramenés à 17 millions d’euros. Pas de quoi pavoiser quand on sait que la jeune pousse a consommé pas moins de 108 millions d’euros depuis sa création en 2015 (une nouvelle levée de fonds prévue à la fin de l’année dernière n’a pas été réalisée). Aux problèmes financiers et aux retards de lancement de nouvelles offres, s’ajoutent les changements successifs de dirigeants. Jérôme Arnaud, qui a avait succédé à Emmanuel Freund à la direction générale, est resté à peine 10 mois avant de prendre la tête l’été dernier du spécialiste de la réparation et de la rénovation de produits électroniques Cardon. Il a été remplacé par Cyril Even, lequel selon NextImpact est resté coincé à Singapour et n’a jamais pu prendre ses fonctions. Lui a succédé l’Américain Mike Fisher qui, toujours d’après nos confrères qui y voient un mauvais signe, ne s’est toujours pas installé à Paris comme le prévoyait sa nomination en septembre dernier.

Une reprise de Blade par Octave Klaba permettrait de rebasculer Shadow sur OVHcloud. Resterait alors à résoudre le problème des relations avec 2CRSi, actuellement propriétaire des serveurs. Le fabricant strasbourgeois, qui a abandonné pour 2 millions d’euros de créances contre une participation symbolique au capital (moins de 1%), a fourni en 2017, 2018 et 2020 à Blade SAS des machines pour une valeur historique de 30,2 millions d’euros et à Blade Corp (USA), qui n’est pas concerné par le redressement judiciaire, des serveurs valant à l’origine 29,4 millions de dollars, tous ces serveurs restant sa propriété. Il pourrait donc les récupérer mais estime le risque d’impayé dans le cadre du redressement à 10,8 millions d’euros, intérêts compris, et à 23,3 millions de dollars pour Blade Corp (en cas de défaillance de la filiale). Les machines commandées en 2020 et 2021 pour les deux entités représentent environ 17 millions d’euros, desquels on peut déduire pour 9,3 de serveurs non livrés. Les comptables et spécialistes juridiques auront donc « du pain sur la planche ».

La situation est toutefois inconfortable pour 2CRSi qui a engagé une procédure afin de récupérer les serveurs de Blade SAS que le fabricant pense pourvoir revendre rapidement. « Etant donné la pénurie de composants électroniques et plus spécifiquement de cartes graphiques depuis la fin de l’année 2020, il y a une forte demande du marché pour ce type d’équipements et 2CRSi a déjà reçu des marques d’intérêt de plusieurs clients pour les serveurs concernés », indique-t-il dans un communiqué. Il précise que Blade ne représente plus qu’environ 10% de son activité., ce qui ne l’a pas empêché de revoir ses perspectives de résultats à la baisse. Il table pour son exercice clos le 28 février sur un chiffre d’affaires compris entre 162 millions d’euros et 175 millions d’euros, en dessous des 170 millions d’euros à 200 millions d’euros prévus initialement. 2CRSi conclut son communiqué en nous assurant qu’il « entame le nouvel exercice avec confiance ».