En quatre ans, Alain Cadot a réussi le pari de reprendre un grossiste plutôt orienté volumes pour le transformer en grossiste à valeur ajoutée tout en générant une forte croissance et en préservant la marge.

 

Channelnews : Vous venez de franchir le cap des 12 M€ de chiffre d’affaires et vous affichez une rentabilité satisfaisante. Pas mal pour une entreprise de négoce de gros en informatique que vous avez reprise en 2007 et qui ne réalisait à l’époque que 6,8 M€. La performance mérite d’autant plus d’être saluée que vous ne connaissiez pas ce secteur d’activité, que la distribution informatique est en pleine consolidation pour cause de baisse continue des marges et que la crise l’a particulièrement secouée. Comment avez-vous fait ?

Alain Cadot : Je tiens d’abord à transmettre par mon témoignage un message d’espoir en démontrant à ceux qui ne parlent que de prix et qui tirent le marché vers le bas qu’il est possible de faire autrement. J’ai transformé le modèle économique de l’entreprise en apportant de la valeur autour de solutions complexes tout en consolidant le socle orienté volumes. Pour cela, il a fallu restructurer l’équipe et le système d’information. Cela a pris trois ans mais aujourd’hui les résultats sont là.

L’équipe a donc changé ?


Alain Cadot : Oui en grande partie. Cela a surtout concerné les commerciaux. Il a fallu trouver des personnes qui ne soient pas uniquement des preneurs de commandes mais qui aient les aptitudes pour comprendre les besoins des clients en solutions complexes et pour tenir un argumentaire élaboré orienté valeur. Et ils ne sont plus cantonnés à la vente. Ils sont aussi chargés d’acheter. Ils sont rémunérés en conséquence via un intéressement à la marge.

Ça na pas été trop difficile de trouver ces profils ?


Alain Cadot : Si. Au départ, j’ai cru résoudre le problème en recrutant des techniciens ayant la fibre commerciale. Mais cela n’a pas marché. Il est en réalité plus efficace de recruter de bons commerciaux et de leur inculquer un vernis technique. Pour cela, nous avons bâti un partenariat avec L’Afib. Les nouvelles recrues bénéficient d’un programme d’intégration qui leur permet de maîtriser les notions de base (les différents systèmes d’exploitation, les systèmes de stockage, la virtualisation, etc.) et deuxième temps, on les fait monter en compétences via des modules de formation approfondis étalés sur six mois.

Quels changements avez-vous opéré au niveau du système d’information ?


Alain Cadot : Pour qu’ils s’occupent réellement des clients, il fallait décharger les commerciaux de la gestion des commandes et notamment de leur saisie. D’où la mise en place de la solution hébergée Channel Portal qui nous permet de publier notre catalogue sous forme de site marchand, d’éditer nos devis et d’envoyer nos commandes à nos fournisseurs. Cet outil est relié par des connecteurs spécifiques à notre ERP interne pour la gestion commerciale, la comptabilité, la gestion de la relation clients et la gestion des stocks. Ainsi, toute la chaîne d’enregistrement des commandes jusqu’à la facturation est automatisée. En 2007, il fallait trente à trente-cinq minutes à un commercial pour saisir deux pages de consommables. Désormais, grâce à ce système,  il suffit d’à peine cinq minutes.

Notre système est à ce point abouti que nous sommes désormais en mesure d’externaliser totalement la fonction achat de nos clients. Nous avons ainsi bâtit un contrat spécifique à l’usage d’un de nos clients afin de prendre en charge toute l’administration de ses ventes. Nous présentons les devis, achetons les produits, livrons les clients facturons et assurons la garantie, le tout en son nom. Cela lui permet se concentrer sur la vente et de ne pas immobiliser sa trésorerie. Un contrat qui marche très fort puisque l’entreprise en question a triplé son effectif en quatre ans. Pour l’instant, nous n’avons pas étendu ce contrat à d’autres clients mais cela pourrait faire partie de nos projets potentiels.

Comment avez-vous financé tous ces investissements ?


Alain Cadot : J’ai eu recours à un LBO (leveraged buy-out) pour financer l’acquisition de la société en 2007. Puis j’ai obtenu des fonds Innovation & développement d’Oséo en 2009 pour financer l’évolution de notre système d’information. Et il y a eu ce rapprochement capitalistique avec Disposelec fin 2009 qui nous a permis d’élargir notre portefeuille clients et d’amortir nos investissements avec des volumes supplémentaires.

Dans quelle mesure la croissance de 60% enregistrée en quatre ans est venue de ce virage vers la valeur ?


Alain Cadot : Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les commandes électroniques représentent déjà environ 15% du chiffre d’affaires. Les ventes de serveurs ont été multipliées par dix en quatre ans pour atteindre près de 2 M€. Nous nous sommes hissés au vingtième rang des revendeurs Microsoft en France avec un taux de croissance de 65% sur Windows 2008 R2. On a également un très bon partenariat avec Fujitsu qui nous cite souvent pour notre croissance sur son portefolio valeur. Enfin, nous sommes passés de 300 à 400 clients actifs à environ un millier…

Est-ce que les clients ont changé ?


Alain Cadot : Pour une partie ce sont les mêmes mais ils ont évolué avec nous. Dès 2008, nous avons mis en place des événements pour leur expliquer qu’ils ne pouvaient plus continuer à travailler exclusivement autour du poste client mais qu’ils devaient s’intéresser aux infrastructures complexes et à la virtualisation. Du coup, nous avons été amenés à en certifier un certain nombre. Une autre partie sont des VARs et des SSII qui comptaient déjà parmi nos clients occasionnels mais qui nous identifiaient comme des pousseurs de boîte et non comme un partenaire susceptible de travailler sur des projets à valeur ajoutée. Enfin, il y a eu bien sûr une part de recrutement et l’apport de Disposelec.

Pourquoi avoir jeté votre dévolu sur Actual Systemes ?


Alain Cadot : J’ai vu dans cette société un socle solide : elle était équipée d’un ERP ; le risque clients était faible, l’ensemble du portefeuille étant couvert par les assureurs crédit ; le cœur de la clientèle était constitué de petites entreprises ayant une forte proximité de valeur avec leurs clients, également des petites entreprises, peu susceptibles d’être détournées par la concurrence mais ayant un fort potentiel de croissance ; le portefeuille clients était abondant et sous-exploité ; la société bénéficiait d’une excellente notoriété dans son secteur…

Avez-vous réussi à mettre en musique votre stratégie telle que vous l’aviez imaginée au départ ou a-t-il fallu l’adapter au gré des circonstances et du marché ?


Alain Cadot : Mon idée de départ était développer une stratégie de verticalisation par pôles d’expertise. Je pensais notamment à un pôle infrastructures ; un pôle solutions d’impression et un pôle VoIP. Comme nous l’avons vu, le pôle infrastructures a pris un bel essor. Et ce assez naturellement car on s’adresse à une clientèle de sociétés de services dont c’est le cœur de métier. En revanche, c’est plus difficile sur les solutions d’impression et la VoIP car les clients ont du mal à gérer plusieurs activités à la fois. Ils ont tendance à se concentrer sur leur métier de base et à négliger de développer de nouvelles expertises. L’autre paramètre que je n’avais pas anticipé a été la crise. La crise des encours de début 2009 a d’ailleurs bien failli tourner à la catastrophe. Sans l’aide de l’Etat via ses dispositifs CAP et CAP+, je crois bien que nous aurions été cuits.

Avez-vous de nouveaux projets pour 2011 ?


Alain Cadot : Nous venons de recruter un responsable du développement en la personne de Vincent Goulard. Il va être chargé précisément de développer de nouveaux projets et de mieux exploiter le portefeuille clients. Je ne vous en dis pas plus pour l’instant.