La direction de l’opérateur va mettre en place un certain nombre de mesures pour enrayer la vague de suicides. Les syndicats approuvent mais pointent du doigt ce qu’ils appellent le « bingo géant » du groupe.

 

 

Le 25 août dernier la direction et les syndicats d’Orange se sont rencontrés pour aborder le « problème des risques psycho-sociaux dans l’entreprise ». En d’autres termes, il s’agit pour les partenaires sociaux d’endiguer la vague de suicides qui a touché le personnel ces derniers temps.

Au cours de cette réunion, le DRH d’Orange Olivier Barberot s’est engagé à mettre tout en œuvre pour décliner chez l’opérateur les dispositions de l’accord interprofessionnel sur le stress signé pendant l’été 2008, lequel transpose dans l’Hexagone l’accord-cadre européen d’octobre 2004. Il a également annoncé le renforcement des équipes de proximité (ressources humaines, médecine du travail) et l’amélioration de l’animation du réseau des assistantes sociales.

Olivier Barberot a également envisagé des négociations locales sur les mesures d’accompagnement liées à des projets d’évolution d’organisation. Enfin il a annoncé qu’il allait renforcer la communication interne, le dialogue et la pédagogie autour de ce sujet délicat.

A la CFE-CGC, on accueille plutôt favorablement les propositions du DRH d’Orange. « Nous prenons acte de la bonne volonté de la direction qui a pris conscience du problème. C’est une ouverture réelle. D’ailleurs personne ne souhaite faire de la surenchère », affirme Pierre Morville, délégué CFE-CGC. Ce dernier estime toutefois qu’il reste beaucoup de chemin à faire. « Le suicide n’est qu’un signe du malaise profond qui règne dans l’entreprise. Il y a également l’absentéisme et les congés de maladie. Nous avons effectué un sondage auprès de milliers de salariés. Il en ressort qu’il y a un lien très étroit entre les restructurations en cours et le malaise du personnel. Nous comprenons les restructurations. Nous comprenons moins qu’elles ont été décidées sans négociation, sans filet de sécurité. »


Un groupe qui va mal


De son côté, Sébastien Crozier, pourtant lui aussi élu CGC, ne mâche pas ses mots. « Le climat social général est délétère. On empile sur une société déjà en crise des réformes d’une violence sociale inouïe. Ce que peu de gens savent, c’est que le personnel ayant un statut de fonctionnaire est soumis à la mobilité dans la France entière avec l’obligation d’accepter n’importe quel type de travail. Des gens qui ont 35 ans de carrière peuvent voir tous leurs fondamentaux et leur plan de vie s’écrouler lorsqu’on les envoie à l’autre côté du pays faire un travail totalement différent. Ils n’ont plus d’avenir ».

 

Et d’enfoncer le clou : « C’est d’autant plus dur à supporter quand on a débuté avec pour idéal celui de faire de France Télécom un opérateur moderne au service de tous. Aujourd’hui Orange est un centre de profit où on détruit la solidarité interne au nom de la performance individuelle et où on empile des règles absurdes. »

 

Le syndicaliste cite l’exemple des nouvelles règles de transport affectant les cadres. « Pour des raisons soi-disant de sécurité et de respect de l’environnement on a supprimé les voyages en avion, obligeant parfois les gens à faire 10 h de train pour se rendre à une réunion. Adieu la vie de famille ! On comprend qu’au moindre incident dans leur vie personnelle, des salariés pètent les plombs. Ils ne peuvent même plus se raccrocher à leur vie professionnelle. »


L’élu au CCE estime que le personnel fait les frais d’une stratégie erratique. « France Télécom est la vache à lait d’un groupe qui ne va pas très bien. La France dégage une marge folle alors que la croissance à l’international ne génère pas de profits. Le groupe connaît des problèmes à Madagascar, en Égypte c’est l’embrouille, on sort de la Hollande et de la Suède pour entrer en Espagne. C’est une sorte de bingo géant avec pour seul objectif la plus-value. Orange n’est qu’une marque dont on gère l’image à coup de campagnes publicitaires. »


A l’entendre, on finit pas se demander s’il y a encore un pilote dans l’avion. En tous cas, une chose semble sûre : ce ne sont pas les mesures annoncées par Olivier Barberot qui régleront durablement les problèmes d’une entreprise au statut toujours mal défini.