Après des années d’atermoiements autour de sa stratégie online, Microsoft vient de s’aliéner encore une partie de ses partenaires en leur refusant sa Surface. Certains commencent à prendre ostensiblement leurs distances.


Le défi majeur du successeur de Ballmer sera vraisemblablement de recoller les morceaux avec le réseau de distribution pendant qu’il en est encore temps. Car après 20 ans de beau fixe, la relation du couple commence à se dégrader.

20 ans d’entente parfaite


Les premiers nuages sont arrivés avec le lancement de son offre online (devenue Office 365 en 2011) en 2009. Tout en expliquant que les partenaires restaient au centre de sa stratégie, Microsoft avait commencé par abolir toutes les règles en vigueur jusque-là et notamment la principale, celle de ne jamais vendre en direct.

Invoquant des difficultés juridiques liées à la transmission de la responsabilité contractuelle, Microsoft a transformé de facto ses partenaires historiques en simples apporteurs d’affaires, n’ayant plus de prise sur la relation contractuelle avec les clients ni sur les prix. Des partenaires qui ont vite compris qu’une fois qu’ils auraient migré tout leur parc clients vers les applications online de Microsoft, ils seraient voués à disparaître ou à changer de métier.

Quatre ans après le lancement de son modèle online, Microsoft a fait de réels progrès pour y associer ses partenaires mais celui-ci reste trop complexe et trop peu attractif pour la majorité d’entre eux.

Surface : la goutte d’eau


Mais les errements ne se sont pas arrêtés là. Avec le lancement de sa tablette Surface, Microsoft a multiplié les erreurs vis-à-vis de son channel. D’abord en annonçant que les produits seraient réservés à son site de vente en ligne et à ses magasins en propre. Douche froide garantie. Puis Microsoft a fini par s’ouvrir à quelques enseignes de distribution grand public. Et et ce sont ces enseignes qui ont été chargées du lancement de son modèle Pro, pourtant clairement destiné aux entreprises. Pur amateurisme ou stratégie délibérée ?

Microsoft a finalement annoncé qu’il allait rendre Surface disponible pour son réseau de distribution BtoB. Mais en décidant de n’accorder son agrément qu’à quelques revendeurs grands comptes, il n’a fait qu’aiguiser la défiance et les rancœurs, tant vis à vis des partenaires sélectionnés que de Microsoft, accusé de favoritisme.

Et lorsque les revendeurs ont demandé comment procéder pour être agréé, ils n’ont reçu pour toute réponse que la déclaration du directeur des opérations Kevin Turner  qui a expliqué en substance lors de la WPC que si leurs clients voulaient des tablettes Surface ils n’avaient qu’à les envoyer dans ses points de vente. Des points de vente que le directeur des opérations les a invité à considérer comme « une extension de leurs propres bureaux ».

Microsoft aurait décidé de faire le tri dans son channel


Devant tant d’arrogance, même pour les moins paranos d’entre eux, le message est devenu subitement clair : Microsoft cherche à faire le tri dans son réseau de distribution et privilégie désormais ses grands partenaires au détriment de ses partenaires de moindre envergure.

« Microsoft cherche à se séparer des maillons « inutiles » de sa chaine de distribution/intégration, quitte parfois à faire machine arrière comme pour Office 365 mais sans donner les moyens aux intermédiaires de gagner leur vie », explique ainsi un revendeur régional, partenaire de longue date de l’éditeur.

« Les commerciaux Microsoft harcèlent nos clients »


Et d’une manière générale, les relations quotidiennes se tendent entre l’éditeur et ses partenaires. « Le fait est que Microsoft fait montre d’une attitude que je trouve pour ma part de plus en plus arrogante, explique pour sa part un intégrateur rhône-alpin. Ils décident de la case dans laquelle nous positionner en fonction de leurs objectifs, souvent divergents des nôtres, et nous astreignent à des objectifs de statut et de certification en conséquence ».

Avant d’ajouter : « En outre, bien que le leitmotiv n’est soi-disant plus le chiffre d’affaires mais d’influencer les clients sur les solutions stratégiques de Microsoft (Office 365 ; Lync ; SCCM ;…), dans la réalité, les commerciaux Microsoft nous harcèlent sur chaque affaire un tant soit peu représentative en vente de licence, allant jusqu’à contacter directement les clients pour les presser de commander ».

 

Du coup, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à prendre leurs distances avec l’éditeur. La plupart ne le claironnent pas sur les toits mais les témoignages que nous avons pu recueillir sont à cet égard sans équivoque. « Face à des certifications Microsoft plus difficiles à maintenir, beaucoup plus chères et grevant du coup la rentabilité des produits Microsoft, [nous avons décidé] de regarder et de développer davantage les produits concurrents », explique ainsi le revendeur régional déjà cité.

C’est exactement ce que vient de faire l’intégrateur parisien ABC Systèmes, en signant des partenariats avec Google et AWS.