SCC a incontestablement de la réussite avec l’UGAP. La société de distribution informatique remporte en effet régulièrement les appels d’offre de la centrale d’achat public, suscitant rancoeurs et jalousies

de la concurrence. Au point qu’un mystérieux collectif de « revendeurs français en colère » s’est récemment constitué pour alimenter média et concurrents en courriers anonymes dénonçant les malversations dont se serait rendu coupable SCC. Car selon eux, si SCC remporte autant de marchés, c’est qu’il triche.

Un collectif de revendeurs en colère accuse

Les accusations de ce collectif se concentrent sur les pratiques fiscales de SCC et la manière dont il contournerait les réglementations en vigueur pour éliminer la concurrence. Ainsi, l’un des courriers anonymes prétend que SCC devrait plus de 23 millions à l’administration fiscale et n’aurait pas payé d’impôts sur l’IS depuis 10 ans par le jeu des déficits reportables. SCC, explique le collectif, serait en situation de « quasi-monopole » sur la fourniture de l’informatique de l’UGAP avec plus de 50 marchés détenus à ce jour. Un monopole qui reposerait sur sa capacité à imposer à ses fournisseurs de lui réserver l’exclusivité des prix spéciaux qu’ils sont prêts à consentir pour concourir.

Autant d’accusations peu ou pas étayées. Le collectif affirme qu’il est sur le point d’envoyer un dossier complet au parquet national financier et assure que SCC sera interdit de marchés publics sous peu. Mais nos questions et demandes de précisions sont restées lettre morte.

SCC représente 35% des achats informatiques de l’UGAP

Du côté de l’UGAP, on conteste bien évidement cette présentation de la situation. La centrale d’achat précise notamment que, loin d’être en situation de « quasi-monopole » sur la fourniture informatique de l’UGAP, SCC n’est titulaire que de 27 % des marchés représentant 35 % du montant d’achat, soit 217 M€ d’achats en 2014. « Ces chiffres situent la part de SCC dans l’activité informatique de l’UGAP à un niveau cohérent au regard de la place que cette entreprise occupe dans le secteur de la distribution informatique en France (avec un CA déclaré de 1 milliard d’euros en France en 2014 d’après le site SCC) », nous écrit Isabelle Deleruelle, directrice générale adjointe de l’UGAP, en réponse à nos questions. Elle ajoute que l’UGAP compte 167 marchés actifs détenus par 53 entreprises différentes dans le domaine informatique (matériels, logiciels et prestations).

Concernant le volet fiscal des accusations dont il fait l’objet, SCC a répondu dès le 13 mai qu’il avait en effet fait l’objet d’une demande d’imposition complémentaire de l’administration fiscale pour un montant de 23 millions d’euros (dont 10 millions de pénalités). En cause : le traitement de la TVA d’une série d’opérations intervenues sur une courte période fin 2005-début 2006. Mais SCC précise qu’il conteste l’imposition réclamée et qu’il a déposé une requête – toujours en cours d’instruction – auprès du Tribunal administratif de Montreuil.

SCC, en règle avec l’administration fiscale, mais en procédure pour contester une imposition complémentaire

L’entreprise ajoute surtout qu’elle ne pourrait pas continuer à soummissionner aux appels d’offres de l’UGAP si elle n’était pas en règle avec l’administration fiscale. « Aucune entreprise ne peut être et rester titulaire d’un marché sans la production, au moment de la conclusion des marchés et tout au long de leur durée d’exécution, d’attestations de régularité de situation fiscale émanant des administrations concernées (services des impôts / URSSAF), confirme l’UGAP. Et toute fausse déclaration entraîne une exclusion des procédures de marchés publics. »

Pour le reste, ni SCC ni l’UGAP ne souhaitent s’exprimer sur les accusations de ce collectif anonyme, qu’ils jugent l’un et l’autre calomnieuses.

Des règles de soummissionnement qui favorisent les gros acteurs déjà en place

Evidemment, l’affaire est gênante pour les deux parties car, si elle repose sur des allégations fausses ou non étayées, elle jette une lumière crue sur les règles de soummissionnement de l’UGAP généralement considérées comme trop complexes par les petits prestataires qui y voient une manière de les écarter des marchés publics.

Plus gênant encore, tous ceux qui ont accepté de s’exprimer sur ce sujet – ils ne sont pas nombreux – sont convaincus à tort ou à raison que le système tel qu’il fonctionne a pour effet de favoriser les gros acteurs déjà en place et génère un certain nombre de dérives qui vont à l’encontre des intérêts de la collectivité. La possibilité pour les acteurs référencés de vendre des lignes de produits non référencées est souvent citée comme exemple : « tout le jeu pour les soumissionnaires consiste à annoncer des prix défiants toute concurrence sur des références qui ont peu de chances de se vendre pour mieux placer ensuite, une fois titulaires, des produits non référencés à plus fortes marges », explique ainsi l’un d’eux.