À quoi ressemblera la distribution IT en 2020 ? Ce fut la thématique de la conférence donnée par Laurent Glaenzer, directeur-fondateur du cabinet Lemon Operations lors de la première journée de PartnerVIP.


Non, les revendeurs IT ne sont pas morts mais leur métier va considérablement évoluer au cours des prochaines années ! C’est en substance le message qu’a fait passer le directeur-fondateur du cabinet spécialisé dans l’externalisation de la gestion de réseaux de distribution IT au cours d’une conférence remarquée donnée ce jour à l’occasion de l’événement PartnerVIP. Une conférence dont le titre, « le futur de la distribution ou comment tout va changer », résume à lui seul sa vision de la distribution IT à l’horizon 2020.

Laurent Glaenzer l’assène d’entrée à travers une rapide démonstration basée sur le constat que le progrès technologique n’a fait qu’accélérer au cours de l’histoire : « la seule chose qui ne change pas c’est le changement ». Et d’ajouter : « l’idée est de construire des entreprises non plus pour durer mais pour changer ».

Ceci étant posé, il se demande quels vecteurs vont permettre d’anticiper ces changements. Selon lui, « l’homme fonde son progrès autour de trois besoins fondamentaux : se connecter, augmenter sa capacité intellectuelle et amplifier son savoir ». Des besoins qu’il relie à trois révolutions technologiques récentes : la téléphonie, l’ordinateur et Internet. Il remarque au passage que la combinaison de ces trois révolutions mène au Big Data.

Il égrène ensuite quelques prévisions récentes issues des cabinets d’études spécialisés. Actuellement, le volume des données accumulées depuis la naissance de l’informatique se mesure en yottaoctets, soit l’équivalent de 10 puissance 24. En 2020, on devrait atteindre 10 puissance 27. Dans sept ans, il y aura 4 milliards d’individus relié à Internet mais surtout 31 milliards d’objets connectés.

Pour illustrer le potentiel du business de l’information, il cite cette statistique établie par un médecin : 80% des hommes meurent de maladies que l’on sait guérir et d’accidents que l’on sait prévenir. « Les principaux enjeux de la médecine ne situent donc pas dans la recherche mais dans l’information pour détecter et prévenir ces causes de décès », en déduit-il. « L’accès aux données devient donc vital pour les personnes et les entreprises », poursuit-il. Mais cela n’est pas suffisant. « Il faut ensuite transformer ces données en information, puis en intelligence, puis en progrès ». Un business considérable en perspective.

Mais il rappelle que ce progrès s’inscrit dans le principe de « destruction créatrice » conceptualisé par Schumpeter. Un processus qui peut être insidieux, note-t-il. Ainsi, « qui aurait pu prédire que le monde Wintel allait si rapidement passer de 90% de parts de marché sur les postes de travail à 15% sur les objets connectés à Internet ? », se demande-t-il. « Cette évolution s’est faite de manière insidieuse dès lors que les tablettes se sont mises à remplacer les PC ».

Autre évolution édifiante : au tournant des années 70 et 80, il en coûtait 1 million d’euros pour s’offrir une capacité de 1 giga-octet de stockage. Un coût divisé par 10 tous les 5 ans. Si bien que le giga coûte actuellement 10 centimes. Et de faire mine de s’interroger : « le coût du giga va-t-il continuer de tendre vers zéro de manière asymptotique ou va-t-on bientôt être rémunéré pour entreposer ses données ? ».

À voir le nombre de services de sauvegarde gratuits disponibles actuellement, on pourra bientôt sauvegarder gratuitement l’équivalent de la capacité de stockage d’un PC. Dans son esprit, c’est clair : les clients ne continueront pas longtemps à payer pour leur stockage. Une mauvaise nouvelle pour ceux qui ont basé leur business model sur le stockage ou la sauvegarde en ligne.

Puisque le stockage tend à devenir gratuit, certains ont vu dans les applicatifs une planche de salut. Le problème, c’est que les éditeurs sont « actuellement contactés vingt fois par jour par des entreprises qui leur offrent d’entrer dans leur application store », souligne Laurent Glaenzer. Du coup, « le rapport de force s’inverse, et de vendeurs les revendeurs deviennent acheteurs ».

Il se montre néanmoins optimiste sur le fait que la prochaine décennie verra naître un grand nombre de nouveaux business. Autant d’opportunités pour les revendeurs IT pourvu qu’ils sachent les saisir à temps. Il voit notamment cinq grosses fusées décoller : la mobilité, le Cloud, l’impression 3D, le Big Data et l’Internet des objets. Dès lors, les revendeurs doivent se demander quels services seront monétisables demain.

Pour Laurent Glaenzer, le négoce n’est pas mort et continuera de se développer, grâce notamment à la poussée des objets connectés. Il sera également possible de vendre des services en ligne, pronostique-t-il. Et même les PC vont continuer de progresser pour les applications de productivité. Ce qui risque de souffrir en revanche, selon lui, ce sont les ventes d’infrastructures.

Deuxième type de service : les services technologiques. « Il faudra toujours des experts pour transformer les systèmes existants, les intégrer, analyser les données… ». « On ne construit pas un monde plus simple. Au contraire ! ». Mais ce qui devrait réellement exploser, ce sont les services métier, qui consistent à intégrer des services technologiques directement dans des approches fonctionnelles.

 

Bonne nouvelle pour les acteurs traditionnels IT : Laurent Glaenzer ne voit pas de bouleversement majeur dans la structuration de l’écosystème IT. Au premier niveau, les éditeurs, constructeurs et opérateurs continueront d’exister mais avec des approches de plus en plus hybrides.

 

À leur côté, s’imposeront de grands fournisseurs d’infrastructures sous forme de services. Mais il prévient que là aussi il y aura des déceptions. « le phénomène de concentration a déjà commencé aux USA. Certains présentent déjà AWS comme quatorze fois plus gros que ses premiers concurrents » – ce que conteste formellement IBM. Autres types d’acteurs susceptibles de faire leur apparition : les fournisseurs de fermes de données.

 

Au deuxième niveau, les grossistes continueront également d’exister mais cohabiteront avec d’autres acteurs, notamment les cloud brokers, qui amalgament des services provenant de différents fournisseurs Cloud, et les data brokers, qui font de même avec les données.

 

Enfin au troisième niveau, les revendeurs et enseignes se retrouveront face à des revendeurs Cloud et ce que Laurent Glaenzer appelle le canal vertical : des experts fonctionnels ayant intégré des solutions Cloud. Et de prédire une floraison de nouvelles entreprises dans ce domaine.

 

« L’avenir est à la croisée des chemins entre l’expertise métier et l’obligation de résultat », estime Laurent Glaenzer. Un profil idéal qualifié de « business as service » qu’il oppose à celui de revendeur de produits, qui se caractérise par son expertise technologique et son modèle tourné vers l’obligation de moyens.

 

« Je me suis souvent demandé pourquoi Schumpeter avait choisi le terme « destruction créatrice » plutôt que « création destructrice », poursuit Laurent Glaenzer. J’en suis arrivé à la conclusion que c’est probablement parce que c’est plus difficile d’être le destructeur de son propre business. C’est pourtant par là qu’il faut passer pour profiter des nouvelles opportunités. Il ne faut pas attendre qu’il pleuve pour changer son toit. »