Après une éclipse de deux ans, Sage a finalement décidé de reconduire sa grand-messe annuelle. Rebaptisée Sage Summit France, mais conçue sur un format identique à la feu Sage Expo, celle-ci s’est déroulée les 28 et 29 novembre dernier au centre de conférences Mariott Rive Gauche à Paris. Le premier jour, réservé au réseau de distribution, a été un succès avec quelques 800 participants. Le deuxième jour, réservé aux clients finaux, a été nettement plus mitigé avec, selon des sources partenaires, seulement 250 visiteurs.

L’un des temps forts de cette édition 2016 a été la présentation pour la première fois en France de sa solution Sage Live, l’équivalent SaaS de sa ligne 100, dont la sortie est annoncée pour le mois de janvier prochain. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le produit n’a pas suscité un enthousiasme délirant.

Sage Live décevant

« C’est moderne, ça fonctionne sur tablette, ça fait des tableaux de bord, mais c’est très insuffisant tel quel, regrette un revendeur. Pour l’instant, le produit se limite à une comptabilité et à une gestion commerciale classiques, soit moins qu’un produit Ciel. Il n’y a pas de gestion de stock, pas de gestion d’immobilisation, pas de gestion de trésorerie, pas de paie… ». Une déception partagée par l’ensemble des partenaires avec lesquels nous avons échangé.

Pour ne rien arranger, le produit ne semble pas prêt. « Il n’y a même pas eu de démonstration sur le Summit », note un partenaire qui a clairement ressenti une certaine panique du côté de Sage lorsqu’il a cherché à en savoir plus sur le stade d’achèvement du développement.

Les partenaires s’accordent toutefois à dire que le produit est prometteur. « L’environnement de développement est performant », estime l’un d’eux. De fait, c’est celui de Salesforce, avec lequel Sage a passé un accord. Mais le prix de ce partenariat, c’est que les clients voulant coupler leur solution de gestion à un CRM devront passer par les fourches caudines de Salesforce, avec comme corollaire la disparition du CRM maison, CRM Online, quelques mois seulement après sa mise sur le marché.

CRM Online et i7 abandonnés en rase campagne

Surtout, la sortie de Sage Live signe l’abandon de son produit phare Sage 100 Generation i7. Sorti il y a 5 ans à une époque où Sage hésitait encore à s’engager pleinement dans la voie du Cloud, i7 s’est avéré être « un produit mal né, pauvre technologiquement, peu performant, qui prétendait faire du SaaS mais qui se contentait en réalité de faire du Terminal Server (accès distant) et qui s’intégrait mal dans un environnement connecté », note un partenaire.

Du coup, « la Ligne 100 accuse un retard technologique abyssal face à la concurrence et les clients commencent à s’en rendre compte », note le même partenaire. « Avec Connect, Sage essaie de la moderniser. Mais les offres proposées sont souvent gadget », ajoute-il, citant notamment la connexion Skype. Certains add-ons trouvent cependant grâce à ses yeux, notamment la connexion Facebook, mais surtout la solution Clic&Cash, qui permet de céder ses factures à un factor en ligne (FinexKap).

Un programme partenaires totalement repensé

L’autre grand sujet de ce Sage Summit fut l’officialisation d’un nouveau programme partenaires qui, pour la première fois depuis plus d’une décennie, fait table rase de l’héritage du passé. Sage n’en a pas encore dévoilé tous les détails mais les premières informations distillées par l’éditeur ont provoqué la stupeur, notamment parmi les Centres de Compétences Sage (CCS), les partenaires les plus qualifiés et les mieux rémunérés du réseau Sage en France.

Ainsi, la terminologie CCS est appelée à disparaître. À la place : quatre niveaux de partenariat (Authorized, Silver, Gold et Platinum) fondés non plus sur la compétence mais le niveau de chiffre d’affaires. Le premier seuil serait fixé à 26.000 de chiffre d’affaires annuel pour être accrédité Silver. Les Platinum devront dépasser les 600 K€ par an.

Des baisses de rémunération à l’horizon

Mais ce que les partenaires craignent par dessus tout, c’est la remise en cause de leurs contrats existants. Sage a en effet annoncé une remise à plat des taux de remise sur les nouveaux clients mais également sur les migrations des clients existants. Sans rentrer dans le détail, Sage estime que le Cloud rend obsolète la plus grande partie des services de proximité actuellement rendus par les partenaires. Les remises seraient donc globalement revues à la baisse et pourraient être partiellement compensées par des sur-remises sur les nouveaux clients et les clients migrant vers le Cloud. Mais certains CCS ont calculé que cette nouvelle grille, si elle est appliquée, reviendrait à réduire de 10 à 15 points leur taux de remise global. En ligne de mire notamment leur rémunération sur les revenus récurrents (droit à l’usage, maintenance).

C’est le point qui fâche le plus. « On est prêt à accepter de revoir notre rémunération sur les nouveaux clients mais pas sur les clients historiques, que nous avons mis des années à conquérir et qui constituent notre fonds de commerce », résume l’un d’eux. « Les nouvelles règles que veut nous appliquer Sage menacent nos revenus récurrents. Or ces revenus récurrents sont indispensables pour préserver nos compétences en interne », souligne un autre. Si Sage devait mettre son plan a exécution, les conséquences sociales pour ses partenaires pourraient être redoutables.