Atelio fait partie de ces rares intégrateurs en téléphonie qui ont su muter vers l’IT sans trop se prendre les pieds dans le tapis. Au contraire. La société affiche une croissance plus qu’enviable. Interview de son président, Silvano Trotta.

 

Channelnews : Atelio a bouclé son exercice fiscal 2013 sur une croissance de 17% de ses revenus avec une rentabilité nette stable autour de 2% du chiffre d’affaires. Une véritable performance quand on sait qu’Atelio évolue sur deux marchés, la téléphonie et l’IT, aussi déprimés l’un que l’autre. Quelle est la recette de la croissance rentable d’Atelio ?

Silvano Trotta : C’est une question que je me suis beaucoup posée lorsque j’étais président de la Ficome. Un poste privilégié pour observer l’évolution de la profession. La réussite d’Atelio, c’est d’abord le résultat d’un travail acharné mais aussi l’aboutissement du positionnement en guichet unique de la société. Ce n’est pas un scoop, le métier d’intégrateur en téléphonie, métier historique d’Atélio, s’est totalement transformé au cours des dernières années. Il a d’abord fallu muter vers l’IP. Ceux qui ne l’ont pas fait sont morts. Mais cela n’a pas été suffisant. Cette évolution a dû s’accompagner de l’acquisition de compétences IT car on ne fait pas d’un téléphoniste un informaticien. Or il faut pouvoir non seulement migrer les systèmes de téléphonie existants vers des solutions IP mais également mettre à niveau les infrastructures informatiques des clients pour optimiser leur retour sur investissement. Depuis l’année dernière, Atelio est également devenu opérateur, ce qui lui permet de fournir des prestations sur mesure tant en connectivité fixe que mobile.

Comment avez-vous procédé pour acquérir cette compétence IT ?

Silvano Trotta : Pour nous, le point de départ a été le rachat de Neyrial Bourgogne début 2011. Une structure d’une douzaine de personnes à l’époque réalisant 2 M€ de CA. C’est grâce à cette équipe que nous avons pu ensuite monter des compétences dans chacun de nos dix points de présence répartis sur le territoire national [Atelio est présent à Rouen, Paris, Reims, Nancy, Strasbourg, Besançon, Dijon, Lyon et Marseille]. Elle nous a appris à recruter des profils pur IT et les a acueilli en stage avant qu’ils puissent ensuite être affectés dans leur agence de destination.

Que pèse aujourd’hui l’IT dans votre chiffre d’affaires ?

Silvano Trotta : L’IT représente actuellement près de 5 M€ de chiffre d’affaires sur un total de 13,8 M€. C’est environ 45% de nos revenus si l’on met à part notre activité de serveurs d’alarme pour la protection des travailleurs isolés et notre activité opérateur. Et c’est environ la moitié de notre effectif (sur un total de 82 personnes).

La clientèle d’Atelio est essentiellement constituée de moyens et grands comptes, à 50% publics. Une clientèle comparable à celle des gros intégrateurs réseaux et télécoms (tels Orange Business Service, Nextiraone, Spie Communications, Telindus, Ineo, Axians… ). Comment vous y prenez-vous pour rivaliser avec des concurrents si puissants ? Ont-ils raté le virage de l’IT ?

Silvano Trotta : Bien au contraire. Si vous leur en faites la demande, ces groupes sont tout à fait en mesure de vous virtualiser entièrement votre infrastructure. En cela, ils ont parfaitement mené leur mutation vers l’IT. Presque trop vite d’ailleurs. Pour recruter les compétences IT dont ils avaient besoin, ils ont eu – et ont encore – tendance à se séparer de leurs anciens techniciens. Pressés par leurs investisseurs, qui leur demandent de dégager des taux de marge élevés, ils laissent partir des collaborateurs à l’expérience irremplaçable qui leur font défaut par la suite. Car les grands clients ne peuvent pas tout basculer en IP en un claquement de doigts. L’investissement est colossal et doit s’étaler sur de longues périodes. Il est donc indispensable de garder des techniciens qui maîtrisent sur le bout des doigts les anciens systèmes tout en développant des expertises sur les nouveaux.

Mais Atelio n’a donc pas ces problèmes de pyramide d’âge et de savoirs-faire obsolètes à gérer ?

Silvano Trotta : Non. Au contraire, la politique de ressources humaines des grands intégrateurs joue plutôt en notre faveur. Cela nous permet de récupérer des collaborateurs très expérimentés qui nous font progresser dans notre métier. Atelio est une jeune société créée en 2006. C’est une structure légère. Dès le départ, elle s’est concentrée sur ce qu’elle savait faire. Tout le reste est externalisé : ressources humaines, comptabilité, accueil téléphonique, etc. D’une manière générale, cette mutation du métier d’intégrateur en téléphonie avantage plutôt les plus petits intégrateurs qui peuvent transiter plus facilement vers l’IP en se concentrant sur l’équipement des nouveaux sites.

 

Et quid de la maintenance des vieux parcs ? Est-ce plutôt une opportunité ou une difficulté ?

Silvano Trotta : Les deux. Les constructeurs ont de plus en plus tendance à arrêter du jour au lendemain la commercialisation et le support de leurs vieilles lignes de produits. Ce qui évidemment provoque des drames chez les clients qui n’ont pas forcément les budgets ou la volonté pour renouveler leur équipement. On leur propose de trouver une solution pour pallier à la fin de ce support. Cela nous coûte de l’argent et de la marge mais à la fin, ça paye car le client ne s’est pas senti abandonné.

Vous avez aussi la réputation d’être très procédurier notamment sur les appels d’offres.

Silvano Trotta : En effet. Les appels d’offres sont une obligation légale pour passer un marché public. Dans la pratique, certaines autorités compétentes ont tendance à privilégier les copains. Quand Atelio reçoit une notification négative, je demande systématiquement une justification. Et quand il me semble que notre prestation est supérieure à celle qui a été sélectionnée, je mets systématiquement en justice.

Cela arrive souvent ?

Silvano Trotta : C’est arrivé une grosse trentaine de fois en trois ans.

Et vous gagnez ?

Silvano Trotta : Oui, souvent.

Et que se passe-t-il alors ?

Silvano Trotta : Dans la majorité des cas, nous sommes indmenisés de la marge que nous aurions gagnée si nous avions remporté le marché. Parfois, le marché est annulé.