Ne souhaitant plus cautionner la politique tarifaire de VMware, Cheops Technology a décidé de remettre en question la place du champion de la virtualisation dans la pile technologique de ses services cloud. Son PDG, Nicolas Leroy-Fleuriot s’en explique dans un entretien à Channelnews.
Channelnews : Au cours de la conférence de presse que vous avez organisée fin mars pour présenter au marché vos derniers services cloud, vous avez surpris en faisant part de votre contentieux avec Vmware. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce différend et le contexte dans lequel il s’est formé ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : En effet, j’ai évoqué le bras de fer qu’on a eu avec Broadcom VMware au sujet des augmentations de 300 % de nos licences VCPP (programme VMware cloud provider) qu’ils souhaitaient nous faire endosser fin 2024. Estimant que ça n’était pas acceptable, nous avons fait intervenir un avocat et avons eu gain de cause en obtenant que notre augmentation soit limitée à 10 % sur les trois prochaines années.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Broadcom nous demande désormais de choisir entre notre statut de revendeur/intégrateur et notre statut d’opérateur Cloud. C’est incompréhensible sachant que nombre de nos clients sont à la fois souscripteurs de nos services cloud et de licences VMware. Il n’est pas question de s’asseoir sur l’un ou l’autre de ces business, qui sont tous les deux conséquents (même si le business cloud est désormais supérieur au business licence). Nous avons là encore confié le contentieux à notre avocat. Mais nous n’avons plus de nouvelles de VMware sur ce dossier.
Channelnews : Quels enseignements avez-vous tiré de cette confrontation avec Broadcom-VMware ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : Négocier par avocats interposés, ce n’est pas ma conception du partenariat. Et je ne peux pas cautionner la politique tarifaire de VMware. Du coup, cela nous a conforté dans l’idée de proposer des services cloud alternatifs débarrassés des technologies VMware. Cela nous a aussi conforté dans notre stratégie de souveraineté. Cheops Technology vend avant tout une capacité à produire des services cloud en France. Notre enjeu est d’utiliser les meilleures technologies disponibles sans être soumis au CloudAct. Nous privilégions une utilisation souveraine de ces technologies. Quand on sait que les Américains sont capables clouer au sol à distance les F-35 qu’ils vendent au monde entier, on serait naïf de penser qu’ils ne seraient pas en mesure de paralyser les systèmes d’information des entreprises trop dépendantes de leurs technologies. On a vu récemment avec l’affaire du blocage du compte de messagerie du procureur général de la Cour pénale internationale que l’administration Trump n’hésiterait pas à utiliser l’arme de la rétorsion numérique.
Channelnews : Quels services cloud alternatifs débarrassés des technologies Vmware et souverains proposez-vous ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : Nous avons lancé Mail in France, un service souverain de messagerie, dès janvier 2023. En juin 2024, nous avons lancé en toute discrétion iCod X, un service de virtualisation basé sur la pile Nutanix. Un service pour lequel nous avons obtenu un prix à la machine virtuelle 18 % moins onéreux qu’avec VMware.
Nous venons de lancer trois nouveaux services : Hyper Storage, une plateforme de stockage objet de type S3 motorisée par Scality ; Hyper Kub, une solution de gestion de conteneurs Kubernetes souveraine sous forme de service basée sur Vanilla [plutôt que Tanzu] ; et iCod Backup, une solution de sauvegarde souveraine reposant sur la technologie CommVault.
Hyper Storage a vocation à servir de support de débordement pour éviter aux clients d’investir en capex. Hyper Kub vise à aider les clients à quitter VMware pour aller vers la conteneurisation et iCod Backup est plutôt destinée aux clients qui ne sont pas en cloud chez nous pour se prémunir d’un éventuel sinistre sur leurs environnements on prem ou améliorer la réversibilité de leurs données de cloud public.
Et nous nous apprêtons à lancer iCod Private AI, un service d’IA générative agnostique en termes de SLM et de LLM, tourné vers l’amélioration de la prédictibilité des modèles d’affaires des entreprises et la réduction du time to market.
Channelnews : Quel a été l’accueil de ces services ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : Notre offre Mail in France n’a pas explosé à ce stade mais nous constatons qu’une prise de conscience est en train de s’opérer sur la question de la souveraineté. Notre prochain séminaire « Comment garantir la souveraineté des outils numériques », prévu le 6 juin, en témoigne avec une cinquantaine de participants attendus. On a gagné notre premier client iCod X en septembre dernier. Il s’agit du groupe de distribution automobile Emil Frey. Pour l’anecdote, ce dernier nous avait consulté pour un environnement VMware et on a répondu en Nutanix en s’engageant à prendre en charge le portage des applications via notre division Modernisation technologique. La migration s’est déroulée sans anicroche hormis pour une application métier qui ne supportait pas les dernières générations de processeur. Il a suffi de recompiler l’application avec l’appui de l’éditeur pour que tout fonctionne correctement. Et depuis, nous signons tous nos nouveaux clients sur iCod X (soit environ 2 par mois). Quant à nos services Hyper Storage, Hyper Kub et iCod Backup ils viennent d’être lancés. Mais nos équipes sont déjà débordées de travail.
Channelnews : Comment se porte Cheops Technology ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : Nous venons de boucler notre exercice fiscal 2024-2025. Les résultats seront annoncés très prochainement. La progression en chiffre d’affaires devrait être limitée mais on devrait annoncer une belle croissance du résultat tirée par le succès de nos offres cloud et cyber. Nous venons d’ouvrir notre douzième agence à Aix-en-Provence. Elle est pilotée par Patrice Gouin (un ex-HPE) qui devrait bientôt être rejoint par une équipe de trois personnes (commerce et delivery).