Un mois après le rachat de Novell par AttachMate, l’Open Source Initiative, qui craint une menace pour le modèle Open Source, diligente une enquête sur les intentions de CPTN Holdings concernant les 882 brevets rachetés à l’éditeur de SuSe Linux.

 

L’insoutenable secret derrière CPTN Holdings demeure intolérable pour l’Open Source Initiative, l’organisme garant de la très précieuse étiquette Open Source et de la validité de ses licences. L’institution, avec toutefois un peu de retard, a demandé aux autorités anti-trust allemandes (BundesKartellamt, ou bureau fédéral des cartels) d’enquêter d’un peu plus près sur les modalités qui encadrent le rachat des quelque 882 brevets de Novell par le groupement CPTN Holding, contrôlé notamment par Microsoft. Son objectif : lever le secret sur les fameux brevets qui été transmis au groupement et surtout, éviter que ses membres très influents n’en usent pour briser la concurrence entre le monde propriétaire et le monde Open Source.

Une montée au créneau qui intervient plus d’un mois après l’annonce du rachat de Novell par AttachMate, un spécialiste de la modernisation du SI, pour 2.2 milliards de dollars. La transaction prévoyait également le rachat de 882 brevets pour 450 millions de dollars par un groupement contrôlé par Microsoft nommé CPTN Holdings dont on ignorait à l’époque l’identité de ses membres. La revente de brevets à un groupe proche de Microsoft avait du coup suscité l’inquiétude de la communauté Open Source qui s’interrogeait sur le fait que certaines technologies clés de Linux et d’Unix soient transférées entre les mains de l’éditeur de Redmond. D’autant que la nature des technologies couvertes par cette transaction restait – et reste encore – un mystère, même si récemment Novell a tenu à préciser qu’il conserve ses droits sur Unix pour apaiser quelque peu la situation.

La pression est de nouveau montée d’un cran mi-décembre lorsque l’on a finalement appris que Microsoft s’était associé, dans CPTN, à Apple, Oracle et EMC, des acteurs clé du monde IT qui – sans doute à quelques exceptions pour Apple, qui utilise nombre de technologies libres dans Mac OS X et a largement contribué au projet de moteur web WebKit – ne sont pas réputés pour vouer un culte fort au monde de l’Open Source et de ses communautés.

L’atteinte à la concurrence comme ligne de bataille

L’OSI, qui semble vouloir sortir de son rôle premier, celui d’être le garant du caractère Open Source des licences logicielles « libres », interpelle donc les instances gouvernementales allemandes afin de clarifier la situation de CPTN et la nature des technologies acquises. Et utilise pour ce faire l’argument de la concurrence.

Sur le blog de l’OSI, Michael Tiemann, son président, affirme que “ le fait que Microsoft soit derrière le rachat de brevets Novell était en soi alarmant pour la communauté Open Source, mais lorsqu’il a été révélé que Microsoft avait recruté Oracle, Apple et EMC pour se partager les brevets, le board de l’OSI s’est senti obligé de solliciter les autorités de la concurrence afin qu’elles analysent plus attentivement la transaction”.

Dans la lettre envoyée au German Federal Cartel Office – l’autorité de la concurrence allemande – d’où est originaire Suse rachetée par Novell en 2003 -, l’OSI explique notamment que l’Open Source représente aujourd’hui une alternative de poids aux logiciels dits propriétaires et entre également en concurrence avec les offres logicielles proposées par les membres de CPTN sur les segments de l’OS, du middleware, de la virtualisation et du cloud. “Les fondateurs et les leaders de CPTN ont une longue tradition visant à s’opposer ou à déformer les valeurs de l’Open Source qui se trouvent au coeur de l’infrastructure du Web et de la plupart des produits et services les plus utilisés aujourd’hui”, poursuit l’OSI, tout en ajoutant, plus loin que les technologies acquises peuvent également servir à minimiser la compétition qui existe entre les membres de CPTN. L’OSI demande donc aux autorités allemandes de s’interroger sur la nature des brevets concernés, sur la répartition des technologies entre les membres et sur leurs intentions en matière de revente ou de licence à des tiers.

L’organisme rappelle enfin que si Novell avait un intérêt à maintenir son portefeuille de brevets à des fins “défensives”, CPTN n’en a aucun, l’Open Source entrant en concurrence avec les offres de ses membres. Et de conclure : “CPTN crée une couverture qui permet à ses membres de lancer des attaques contre l’Open Source utilisant l’arme des brevets, tout en fournissant pour chacun de ses membres, une possibilité de nier de façon plausible que l’attaque était leur idée”.

L’OSI demande donc à l’Office fédéral de lutte contre les cartels d’étudier de près la question mais aussi de formuler les remèdes qui assureront que les brevets contrôlés par CPTN ne seront pas utilisés pour restreindre la concurrence. Notons pour terminer que la lettre de l’OSI a déjà généré un commentaire interessé, celui d’Harry Sutton en charge de l’Open Source et de Linux chez HP. Ce dernier note qu’il est heureux de voir HP absent de la liste des membres de CPTN et ajoute qu’il attend une réponse raisonnée et rationnelle de la part de l’Office fédéral de lutte contre les cartels.

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