Dans un mémo interne, Stephan Elop, le patron de Nokia dresse un panorama sombre de la situation du constructeur dont les parts marché s’effritent rapidement et qui n’a pas su se remettre en question.

 

Arrivé aux commandes du constructeur finlandais en septembre dernier, Stephan Elop vient de se prêter à un exercice difficile de transparence avec ses troupes. Dans un mémo interne, il décrit la situation très difficile d’un constructeur attaqué sur tous les segments du marché de la téléphonie par une concurrence vigoureuse. Surtout, il dépeint une entreprise qui n’a pas su se remettre en cause et évoluer. Ou trop lentement. Nokia doit présenter sa nouvelle stratégie, pour tâcher de rebondir, ce 11 février.

«Nous aussi, nous nous tenons sur une plateforme en feu et nous devons décider de la manière dont nous allons changer notre comportement.» C’est ainsi que Stephen Elop, ancien de Microsoft récemment recruté pour diriger Nokia, décrit la situation du constructeur finlandais en référence à un homme qui a dû se jeter dans les eaux glacées de la mer du Nord pour échapper à une mort certaine dans l’incendie qui ravageait la plateforme de forage offshore sur laquelle il travaillait.

Attaqué de toutes parts

Et de décrire dans un mémo que se sont procurés nos confrères de Engadget, une situation largement connue mais face à laquelle Nokia pouvait sembler, jusqu’ici, s’être enfermé dans une position de déni : «il y a une forte [pression] de nos concurrents, plus rapidement que prévu. Apple a transformé le marché en redéfinissant le smartphone et en attirant des développeurs dans un écosystème fermé mais très puissant.» Selon lui, Apple s’est octroyé 61 % du marché des téléphones mobiles de plus 300 $, démontrant que «s’il est bien conçu, les consommateurs achèteront un téléphone cher avec une bonne expérience [utilisateur] et que les développeurs viendront produire des applications. Ils ont changé les règles et, aujourd’hui, Apple contrôle le segment du haut de gamme».

 

De l’autre côté, la situation ne paraît pas plus souriante : «il y a Android […] ils sont en train de prendre le segment du milieu de gamme et d’évoluer rapidement vers celui des téléphones à moins de 100 $. Google est devenu une force gravitationnelle, attirant en son coeur beaucoup d’innovation de l’industrie.» Et quid de l’entrée de gamme, un terrain sur lequel Nokia peut encore apparaître comme bien placé, notamment dans nombre de pays émergents ? «En 2008, MediaTek a livré des designs de référence complets qui ont permis aux constructeurs de la région de Shenzhen, en Chine, de produire des mobiles à un rythme incroyable.» Un écosystème qui, selon lui, «produit plus du tiers des téléphones mobiles vendus dans le monde, nous prenant des parts sur les marchés émergents ».

Une réaction trop lente

Et qu’a fait Nokia pendant ce temps ? En avril 2008, au siège de Nokia à Espoo, en Finlande, nous posions la question à Mary McDowell, alors vice-présidente opérationnelle du bureau de développement corporate de Nokia, soulignant au passage que l’innovation semblait passée de l’autre côté de l’Atlantique, en Californie plus précisément. Evasive, alors qu’Apple était finalement en train de réussir là où Nokia avait échoué à faire décoller l’usage de l’Internet en mobilité, elle évoquait la barrière du coût des connexions data tout en reconnaissant devoir produire des terminaux plus simples à utiliser : « les possibilités d’amélioration sont encore nombreuses. Nous devons être plus intelligents dans la manière d’apporter Internet sur le mobile. »

 

A l’époque, Mary McDowell s’était voulue rassurante : « nous consacrons plus d’efforts au logiciel et aux services. Nokia a le luxe de pouvoir se transformer tandis que son activité se porte bien ; dans la plupart des cas, la transformation vient en période de crise. » Mais la crise est venue. Et que s’est-il passé ? Stephen Elop porte sur le Nokia de ces dernières années un regard sans concession : «nous nous sommes laissés dépasser, nous avons raté des tendances de fond, et nous avons perdu du temps. […] Le premier iPhone est sorti en 2007 et nous n’avons toujours pas de produit fournissant une expérience s’en approchant. Android est arrivé sur la scène il y a tout juste plus de deux ans et, cette semaine, ils ont pris notre position de leader en volume des ventes de smartphones. Incroyable.»


La difficile recherche d’un nouveau souffle

Mais, pour Stephen Elop, Nokia ne manque pas de capacités d’innovation, «nous ne les apportons pas au marché assez vite.» Et de laisser entendre que le rebond aurait du mal à venir de Symbian ou de MeeGo. Le premier «a montré qu’il n’était pas compétitif sur des marchés tels que l’Amérique du Nord» et que, en tant qu’environnement, il est de plus en plus difficile de compter sur lui pour «répondre aux attentes des consommateurs qui ne cessent de grandir ». Quant à MeeGo, «à ce rythme, fin 2011, nous risquons de n’avoir qu’un seul produit sur le marché». Globalement, pour Elop, Nokia «ne se bat même pas avec les bonnes armes ».

 

Et comme pour en ajouter à la situation, toujours selon Stephen Elop, Standard & Poor’s s’apprête à dégrader la note de la dette à long terme du constructeur, prenant ainsi la suite de Moody. C’est dans ce contexte que Nokia dévoilera ce 11 février sa nouvelle stratégie, à quelques jours de l’ouverture de la grand messe annuelle du mobile, le Mobile World Congress, qui se tiendra la semaine prochaine à Barcelone. D’ici là, les rumeurs vont pouvoir courir bon train : selon Reuters, Nokia aurait mis un terme aux développements de son premier smartphone MeeGo mais prévoirait d’en présenter un autre à l’occasion du Mobile World Congress. Selon le Financial Times, les opérateurs mobiles nourriraient d’ailleurs de grands espoirs autour de MeeGo, un système qu’ils aimeraient voir capable de se faire une place sur un marché qui semble de polariser entre Android et iOS.

Selon Gartner, il s’est vendu 1,6 milliard de téléphones mobiles dans le monde en 2010, soit près de 400 millions de mieux qu’en 2009. Un marché dont Nokia n’a plus que 29 % contre plus 36 % un an plus tôt. Mais le Finlandais n’est pas le seul à souffrir : en 2010, les parts de tous les leaders du marché ont reculé – Nokia, Samsung, LG – au profit des spécialistes du smartphone, RIM, Apple et HTC en tête. En l’espace de 12 mois, la part de marché d’Android, sur le segment des smartphones – 300 millions d’unités en tout – est d’ailleurs passée de 4 % à près de 23 %.

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