S’il ne tire pas un trait sur la version Open Source de Solaris, Oracle a décidé de garder le contrôle sur les développements de son système Unix. Une décision qui, dans les faits, signe l’arrêt de mort de la communauté OpenSolaris.

Dans un mémo interne à l’équipe de développement de Solaris, le système d’exploitation Unix hérité du rachat de Sun, trois cadres d’Oracle officialisent le virage à 180° de l’éditeur concernant la communauté OpenSolaris, bâtie par Sun en 2005. Au lieu d’être un laboratoire pour les futures innovations de la version commerciale de Solaris – le fonctionnement jusqu’à présent -, les futures déclinaisons Open Source de l’OS se contenteront d’être le réceptacle des améliorations qu’Oracle apportera aux moutures conçues en interne.

Disponible sur les forums d’OpenSolaris, l’e-mail interne d’Oracle explique ainsi : « De cette façon, les innovations technologiques verront le jour dans nos versions avant n’importe où ailleurs. Nous ne distribuerons plus en temps réel, au fur et à mesure de son développement, le code source de la totalité du système d’exploitation ». Et de préciser que, désormais, tous les efforts d’Oracle en matière de distribution de binaires se concentreront sur Solaris 11, la future version de l’OS attendue pour 2011. « Nous ne livrerons pas d’autres binaires, comme les compilations quotidiennes ou bi-hebdomadaires, ou comme OpenSolaris 2010.05 et distributions suivantes », précise l’e-mail d’Oracle, qui indique également que l’éditeur va proposer aux utilisateurs sous des versions existantes d’OpenSolaris un chemin de migration « simple et économique » vers Solaris 11 Express, la déclinaison de la future version de l’OS distribuée gratuitement aux développeurs. Déjà en début d’année, la communauté OpenSolaris avait connu une première alerte, avec le retard de la version 2010.03. Oracle avait alors rassuré, indiquant entendre « continuer à publier le code source » et « à participer et à supporter activement la communauté ». En fait de support, celle-ci est désormais priée de rejoindre le programme Solaris 11 Platinum Customer, permettant aux utilisateurs de tester en amont les futures mouture.

La communauté OpenSolaris veut se saborder

Certes, ce changement de politique ne remet pas en cause l’existence d’un Solaris Open Source (sur lequel pourront toujours se baser de petits éditeurs comme Nexenta ou Belenix pour concevoir leurs propres distributions). Mais il signe l’arrêt de mort de la communauté OpenSolaris, privée de sa raison d’être : la participation au développement de l’OS.

D’ailleurs, dans un e-mail posté sur les forums de Solaris, John Plocher, un des membres de l’OpenSolaris Governing Board (OGB), le conseil qui préside aux destinées de la distribution libre, indique qu’une motion en faveur de la dissolution de l’OGB sera présentée lors de la prochaine réunion de l’organisme, le 23 août.

Un fork pour entretenir l’espoir

Contributeur du projet, Steve Stallion parle lui d’une perversion de l’esprit Open Source et écrit sur son blog (où figure l’intégralité du mémo) : « C’est un verdict terrible après les heures de travail que moi et d’autres contributeurs extérieurs avons consacrées à bâtir un logiciel de qualité, qui sera livré désormais comme un produit Oracle auquel nous – les auteurs originaux – ne pourront plus accéder sans restriction ». Aujourd’hui, une bonne partie des espoirs de ces développeurs réside dans le projet Illumos, un fork (dérivation du code) lancé par Garrett D’Amore (autre contributeur d’OpenSolaris) début août en s’appuyant sur le noyau d’OpenSolaris. Un projet qui a déjà reçu le soutien de sociétés qui bâtissent leurs distributions sur la version libre de l’OS Unix, comme Nexenta ou Belenix, justement.

En quelques jours, Oracle est devenu la bête noire de l’Open Source. Avant le changement de politique concernant la diffusion de Solaris, l’éditeur a utilisé la propriété intellectuelle autour de Java pour déposer plainte contre Google. Pour son OS Android, ce dernier a développé sa propre technologie compatible avec le langage de Sun.

 

Open Source : les deux principes d’Oracle

Dans son mémo interne – rendu public sur les forums d’OpenSolaris -, Oracle fixe les deux principes qui doivent guider sa conduite vis-à-vis de l’Open Source :

1) « Nous ne pouvons tout faire. Le facteur limitatif est notre bande passante en termes de capacité d’ingénierie, mesurée en temps et en nombre de personnes. Notre priorité est de livrer le système d’exploitation leader pour les entreprises – Solaris 11 – afin de faire croître notre activité de vente de systèmes. »

2) « Nous voulons que l’adoption de nos technologies et de notre propriété intellectuelle accélèrent l’atteinte de nos objectifs, pas qu’elle permette à nos concurrents de tirer un avantage compétitif (ou de créer du FUD) de nos technologies avant que nous ne puissions le faire nous-mêmes. »

 

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