Réunis en CSE central le 20 avril 2022 pour une consultation sur la stratégie d’IBM France, les élus ont vivement critiqué les orientations de Big Blue. Selon eux, la place prépondérante qu’occupait IBM il y a une génération et ses avantages concurrentiels sont presque de l’histoire ancienne.

« Notre analyse est que la Direction IBM, n’a pas anticipé les évolutions lourdes du marché tout en continuant à mener une politique financière privilégiant le maintien du dividende visant à maintenir le niveau de l’action à court terme au détriment de notre capacité d’investissement », déplore le secrétaire CFDT de la commission économique, dans une motion qui a été votée à l’unanimité.

Pour les représentants du personnel, IBM s’est laissé distancer sur les budgets de recherche et se place désormais « dans la queue du peloton de tête » des principaux acteurs de l’informatique. Le groupe vit sur des acquis comme le grand système Z, dont certains grands clients « rêvent de s’affranchir ». Si un grand projet comme l’informatique quantique pérennise l’image d’innovation, il ne « rapportera pas de bénéfices significatifs avant plusieurs années ».

Dans l’immédiat, IBM a mis en tête de ses priorités le cloud computing et les activités de conseil. Les élus expriment également leurs doutes sur la façon dont est conduit ce virage. « Marginalisé sur le cloud public, IBM espère rafler une partie importante du marché du cloud hybride, de l’analyse de données et de « l’intelligence artificielle », écrivent-ils, tout en soulignant les atouts de l’offre logicielle Redhat openshift et Watson, ainsi que des services de conseil et d’ingénierie qui apportent crédibilité et capacité à délivrer des solutions.

Toutefois, face à des concurrents redoutables, IBM n’a d’autre choix qu’une stratégie d’approche du client avec des partenaires-compétiteurs, « cohérente mais qui renforce notre position d’acteur de second rang ».

Les élus estiment également que des espoirs trop importants sont mis dans le consulting, avec des objectifs très ambitieux de croissance du chiffre d’affaires et de la rentabilité. Ils impliquent un fort investissement pour développer la compétence technologique et l’expertise métier. Or, soulignent les élus « le nouveau modèle commercial qui adresse en direct un tout petit nombre de clients pose question sur la capacité de maintien du chiffre d’affaires et sur la capacité à orchestrer un écosystème de partenaires qui peuvent en même temps être des concurrents. »

Enfin, les élus s’inquiètent de l’adaptation des effectifs à la transformation de la compagnie, suite à un large plan l’an dernier de départs volontaires. « La perte de 30 % des effectifs et les transformations massives de métiers ont laissé beaucoup de salariés de côté », déplorent-ils tout, reprochant par ailleurs le flou sur ce point des orientations stratégiques présentées.

« Les élus du CSE Central déplorent que la stratégie de la Direction s’apparente à un catalogue de « bonnes idées » et de « bonnes intentions » pour viser des objectifs commerciaux très élevés, notamment pour IBM Consulting. On cherche désespérément un plan industriel mûrement réfléchi et réaliste, doté d’investissement à la hauteur en termes notamment humains », déclarent-ils en guise de conclusion.

Une analyse virulente qui tranche avec l’optimisme affiché par IBM après un premier trimestre qui a dépassé les attentes et qui traduit la persistance d’un climat social empreint de méfiance.