À l’ère où le Cloud et l’informatique immatérielle semblent avoir définitivement relégué l’informatique traditionnelle au rang de curiosité du passé – du moins dans le discours marketing des marques, on peut s’interroger sur la santé des acteurs restés ancrés dans cette informatique du passé, notamment ceux de la distribution. Paradoxe : ceux-ci ont globalement connu une excellente année 2015. L’édition 2016 du salon IT Partners, qui s’est tenue les 9 et 10 mars comme chaque année au parc Disneyland Paris, a permis de s’en convaincre.

« Contrairement aux craintes exprimées il y a un an, la hausse du dollar a eu un effet positif sur les comptes de nos entreprises, déclare Gilles Perrot, président du groupement de revendeurs Euralliance’s, qui pèse environ 340 M€ de chiffre d’affaires. La hausse du dollar a certes eu pour effet de renchérir les prix. Mais le marché a absorbé cette hausse de prix sans réduire ses volumes. Ce qui s’est traduit par une hausse des chiffres d’affaires et, dans les mêmes proportions, des marges d’exploitation ».

Outre cet effet dollar, Gilles Perrot a noté un retour de la commande publique – notamment dans l’éducation et la santé. « Le secteur IT a vraisemblablement profité de marges de manœuvres que les entreprises ont pu dégager grâce à la baisse du prix de l’énergie, à la baisse de loyers, et à la baisse du coût de l’argent », poursuit-il.

« En 2015, il y a eu des projets et des budgets pour les financer, atteste Joël Pera, patron de TD Azlan, l’entité valeur de Tech Data. On l’a vu notamment au raccourcissement des délais de closing ». La plupart des revendeurs croisés sur le salon nous ont tenu le même discours et ont affiché la même satisfaction pour l’année écoulée, même si celle-ci a été plus erratique sur les marchés volumes, comme le confirme Mar Hia Balié, directeur marketing de l’activité broadline de Tech Data. Et au vu de son carnet commande, Joël Pera anticipe une année 2016 dans la continuité de 2015, voire meilleure. « Nous sommes dans une année pré-électorale et ces périodes sont toujours correctes », professe-t-il. Mêmes sons de cloche dans les allées d’IT Partner où l’optimisme était de rigueur. « Après des années de crise, les dépenses IT reprennent partout », confesse un revendeur, rencontré dans les allées.

Sur cette année 2015 globalement bonne donc, le Cloud et les services dématérialisés ont pris leur part. « Les revendeurs commencent à vendre des offres SaaS », atteste Alexandre Brousse, directeur channel de Dell France. À commencer par celles de Microsoft, notamment son offre bureautique Office 365, qui s’est largement banalisée depuis un an et qui est désormais relayée par une majorité de partenaires. Autres usages commençant à se répandre : la sauvegarde à distance, les solutions hébergées de communication unifiée, la collaboration et le partage de fichiers, la télésurveillance… Même les grossistes, après des années au point mort, voient leurs plateformes d’agrégation de services Cloud décoller. En revanche, les revendeurs sont encore très frileux sur les infrastructures sous forme de service. En témoigne, les difficultés auxquelles ont eu à faire face Cloudwatt et Numergy.

Mais si les services Cloud ont enregistré de belles progressions (+30% à +50%), ils ne représentent au mieux encore que 10 à 15% de l’activité totale des revendeurs. Celle-ci est donc majoritairement tournée vers l’informatique traditionnelle. Une informatique qui reste encore très matérielle – jusqu’à la caricature – comme on peut le constater à IT Partners avec ses produits d’infrastructures, ses postes de travail, ses systèmes de stockage, d’affichage, d’impression, de téléphonie, ses produits réseau, mais aussi ses pièces détachées pour PC, ses câbles, ses accessoires innombrables et souvent improbables…

Pour autant, les choses semblent vraiment en train de bouger. En témoignent les gros efforts consentis par Tech Data, numéro un de la distribution IT en France avec 50% de parts de marché, pour adapter son organisation à l’évolution des besoins du marché. Le grossiste a ainsi beaucoup musclé ses équipes avant-vente en créant des postes de chefs de marché pour développer ses expertises métier (notamment dans la sécurité, la gestion des données, la gestion de la relation clients, etc.).

Le grossiste a aussi créé une équipe dédiée aux sociétés de services managés. « On stabilisera notre business transactionnel si on est capable de se positionner sur les services dématérialisés, d’accompagner les revendeurs dans leur propre transformation numérique et de les aider à se repérer dans l’effervescence technologique du moment, poursuit Joël Pera. Sous l’influence grandissante du logiciel, qui devient la clé de voute de toute l’industrie IT, l’engagement business est en train de se transformer complètement même si au final les fondamentaux de notre métier restent inchangés : massifier la vente de produits en capitalisant sur la logistique et le financement ».

Une vision stratégique consacrant l’importance grandissante du logiciel et des services dématérialisés partagée par de nombreux revendeurs qui anticipent une baisse du poids du matériel dans leur activité ces prochaines années. Mais tout le monde n’est pas d’accord avec cette analyse. C’est le cas notamment de Xavier Souroubille, patron de la chaîne de magasins Cybertek, qui croit toujours à l’avenir de la distribution de produits IT via des boutiques spécialisées. Après une période difficile à la fin des années 2000, il a constaté depuis 2012 un redressement très net de son activité et se montre confiant pour 2016.