Le satellite cyber sécurité d’Econocom vient de fêter ses cinq ans d’existence. La société compte désormais parmi les acteurs de référence dans son domaine en France. Jean-Claude Tapia, son président, revient sur le chemin parcouru et les priorités du moment.

Channelnews : Cinq ans après sa création, Digital Security fait partie des principaux pure player des services de sécurité IT en France avec ses 29 M€ de chiffre d’affaires en 2019 et ses 260 collaborateurs. Comment s’est formé Digital Security et comment la société est arrivée aussi rapidement à ce niveau de revenus ?

Jean-Claude Tapia : Digital Security, c’est la rencontre d’un groupe de consultants experts de différents horizons issus, notamment, de la guerre électronique et du risque IT, qui ont souhaité créer un spécialiste de la sécurité IT et qui m’ont demandé de mener ce projet. C’est à la même époque – mi-2015 – que se situe la rencontre avec Jean-Louis Bouchard, le président d’Econocom. Son modèle de planète et ses satellites m’ont séduit. Econocom contrôle 65% du capital, le reste est aux cinq principaux managers qui conservent une minorité de blocage. La société s’est construite par cooptation de personnes qui ont toutes une histoire dans la cybersécurité. [On peut notamment citer, outre Jean-Claude Tapia, ancien directeur général délégué d’Orange Cyber Défense, Gilles Auffret, ex-CEO d’Altasys (devenu Econocom Cyber Securité,), Cédric Messeguer, un ex-cadre dirigeant de Telindus Belgacom, Thomas Gayet, ex-patron du CERT Lexsi…]. [On notera également l’apport déterminant d’Econocom Cyber Security, qui a été intégré à Digital Security en 2017, alors que la société avait réalisé plus de 10 M€ de chiffre d’affaires l’année précédente].

Channelnews : Digital Security se positionne apparemment comme le premier CERT (centre de réponse aux attaques informatiques) européen dédié à la sécurité des objets connectés.

Jean-Claude Tapia : En fait, ce CERT en partie dédié aux objets connectés est loin d’être notre activité principale. Mais tout en développant des activités traditionnelles de services de sécurité, ça a été le moyen d’installer la marque Digital Security et de faire parler d’elle. Digital Security participe ainsi à 50 à 80 conférences par an sur le thème de la cybersécurité, rédige des livres blancs, et intervient même parfois dans le journal télévisé de 20h00.

Channelnews : Quelles sont les autres activités de Digital Security et quelle est leur importance ?

Jean-Claude Tapia : Outre le CERT, nous avons une activité d’expertise technique, où siègent notamment toutes les activités d’audit (audits de code, tests d’intrusion, audits d’architectures…) ; une activité conseil ; une activité d’intégration/accompagnement de projets de sécurité ; et une activité de sécurité opérationnelle (profils intégrés aux équipes clients en délégation sur des tâches de supervision). Le CERT et le pôle expertise comptent chacun une quarantaine de personnes, le conseil et l’intégration réunissent chacun une soixantaine de personnes et la délégation représente une trentaine de personnes. Notez que Digital Security possède toutes les certifications et qualifications possibles et imaginables dans le domaine de la sécurité. Nous sommes notamment qualifiés PASSI (Prestataire d’audit de la sécurité des systèmes d’information), PASSI LPM (loi de programmation militaire), et en cours de qualification PRIS (prestataires de réponse aux incidents de sécurité). On est même à l’origine du premier label de sécurité des objets connectés, l’IQS (pour IoT Qualify Security), sorti mi-2019.

Channelnews : Quelle est la dynamique de croissance de Digital Security et quelle est sa profitabilité ?

Jean-Claude Tapia : Digital Security a achevé son exercice 2019 sur une croissance de 20%. Mais la société avait enregistré une croissance de plus de 50% en 2018. Ses comptes sont à l’équilibre [depuis trois ans]. La marge est de l’ordre de 5% avant frais financiers. C’est modeste. Mais cela s’explique par le fait que nous étions jusqu’à présent dans un processus de développement [et donc d’investissement] intensif. Nous avons ainsi créé cinq agences régionales (à Aix-en-Provence, Lille, Lyon ,Toulouse et Bordeaux) au cours des deux dernières années. C’est d’ailleurs sur ces agences, qui regroupent une quarantaine de personnes, que l’on se développe actuellement le plus rapidement. Toutefois, nous sommes désormais dans une logique de stabilisation et de pérennisation par amélioration de la marge. Digital Security figure désormais parmi les plus gros pure players du marché. Je pense qu’on a atteint un palier en France. Je le vois dans nos recrutements. Nous sommes staffés (en termes d’encadrement) pour un effectif de 300 à 350 personnes. On pourrait donc être plus nombreux, notamment sur la partie conseil et intégration. On n’a pas de mal à recruter des experts pour faire de l’audit ou de la remédiation. Mais c’est plus difficile sur les autres activités. Pour poursuivre la croissance, il va sans doute falloir se développer à l’échelle européenne.

Channelnews : Dans quelle mesure êtes-vous encore dépendant d’Econocom ? La « planète » continue-t-elle de vous financer ?

Jean-Claude Tapia : Non, Digital Security s’autofinance depuis deux ans même si elle n’a pas remboursé le compte courant initial mis à disposition par Econocom. Sur le plan commercial, nous sommes totalement indépendants. On demande juste à Econocom de nous prévenir sur les appels d’offres pour essayer d’apporter quelque-chose en plus. Mais cela reste difficile de vendre de la sécurité à des clients qui mobilisent déjà des moyens importants en financement ou en équipement de datacenters.

Channelnews : Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur votre activité ?

Jean-Claude Tapia : Digital Security n’a pas été très impacté. Nous nous sommes organisés pour travailler à distance. Il y a certes eu pas mal de reports de missions. On avait fait un très bon premier trimestre. Mais alors que les clients étaient moins disponibles pour les nouveaux projets, ils l’étaient beaucoup plus sur les projets en cours. On a mis quelques consultants en chômage partiel mais en nombre très raisonnable et nous n’avons annulé aucune embauche ni aucun stage. On a même recruté. Mais il y avait moins de candidats.

Channelnews : Avez-vous repris une activité normale ?

Jean-Claude Tapia : Pas tout à fait. Certains clients redémarrent à peine. Et si vous entendez par activité normale, retourner au bureau, alors non : 90% de nos effectifs sont encore en télétravail.

Channelnews : La crise aura-t-elle un impact sur vos résultats 2020 ?

Jean-Claude Tapia : Je ne sais pas encore. Il y aura probablement un impact sur le chiffre d’affaires mais pas sur les résultats. Et à l’inverse, on va bénéficier de nouvelles opportunités car avec la crise, la sécurité est devenue encore plus centrale dans l’IT des entreprises.

Channelnews : Est-ce que la crise peut modifier durablement la physionomie du marché IT et par extension vos offres et vos pratiques ?

Jean-Claude Tapia : L’élément déterminant a été la découverte de la vidéoconférence. Nous avons fait des ateliers pouvant atteindre une centaine de personnes et nous avons même organisé un afterwork en visio qui dépassait les 100 participants. Après la crise, il a certainement des choses qu’on va faire différemment. Comme par exemple les bug bounty. Pour autant, on ne va pas tout fonder non plus sur le télétravail car il y a des choses qu’on ne peut pas faire à distance et il est indispensable de préserver le sentiment d’appartenance. Mais je pense que sa part va augmenter. En interne, je voudrais que chacun puisse arriver à deux jours de télétravail par semaine lorsque la crise aura pris fin. Avant, c’était une journée autorisée par semaine.