Amazon a mis en place un système de surveillance des salariés de ses entrepôts révèle Vice-Motherboard qui s’appuie sur des documents internes de la société. Le Global Security Operations Center de la société cible tout particulièrement les syndicalistes mais s’intéresse également aux mouvements et organisations considérés comme pouvant perturber son activité. Le centre a notamment recruté des agents de Pinkerton, une agence américaine de détectives privés et de sécurité désormais détenue par Securitas. Pinkerton, célèbre pour avoir violemment brisé des grèves outre-Atlantique à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle serait encore intervenue en 2018 lors d’une grève chez le FAI Frontier Communications en Virginie occidentale.

« Comme toute autre entreprise responsable, nous maintenons un niveau de sécurité au sein de nos opérations pour aider à garder nos employés, nos bâtiments et nos stocks en sécurité », a déclaré à nos confrères Lisa Levandowski, une porte-parole d’Amazon. « Cela inclut la mise en place d’une équipe d’enquête interne qui travaille avec les forces de l’ordre, le cas échéant. Tout ce que nous faisons est conforme aux lois locales et mené avec l’entière connaissance et le soutien des autorités locales. Toute tentative de mettre en exergue ces activités ou de suggérer que nous faisons quelque chose d’inhabituel ou de mal est irresponsable et incorrect. » Elle a nié qu’Amazon recrutait des agents de Pinkerton pour surveiller les salariés mais a reconnu que la société traitait avec différentes entreprises, notamment avec la filiale de Securitas pour « garantir des expéditions de grande valeur ». Dans un rapport de 2019, un analyste du Global Security Operations Center a toutefois indiqué que la société avait recruté des agents de Pinkerton et les avait intégré au personnel d’un dépôt de Wroclaw, en Pologne pour s’assurer que les managers du site ne coachaient pas ​​des candidats sur la façon de passer des entretiens d’embauche, avant de réaliser eux-mêmes ces entretiens.

Selon les documents que se sont procurés Vice-Motherboard, Amazon s’intéresse beaucoup à ce qui se passe dans ou aux alentours de ses entrepôts européens, notamment en France. « Il ne suffit pas qu’Amazon abuse de son pouvoir pour dominer le marché et soit confronté à des accusations antitrust de la part de l’UE ; à présent ils exportent vers l’Europe des tactiques antisyndicales américaines du XIXe siècle », a expliqué à nos confrères Christy Hoffman, secrétaire générale de la fédération syndicale internationale Uni Global Union, qui représente 20 millions de salariés dans le monde dont 2 millions en Europe. « C’est une entreprise qui ignore la loi, espionne les salariés et utilise chaque page du guide antisyndical américain pour faire taire la voix des salariés. » 

En septembre, après un tollé général, Amazon a supprimé deux offres d’emploi d’analystes du renseignement pour son Global Security Operations Center, chargés de suivre les « menaces de syndicalisation » au sein de l’entreprise. « La maîtrise (écrite et parlée) d’une deuxième langue comme l’hindi, le tagalog, l’espagnol, l’arabe, le français, le mandarin, le coréen, le japonais ou le portugais brésilien est hautement souhaitée », précisait l’annonce, suggérant que l’entreprise suivait les activités de syndicalisation dans le monde.

Une source se disant proche du Global Security Operations Center, a affirmé à nos confrères que des agents de ce dernier créaient des comptes sans photo et sous de faux noms sur les médias sociaux pour suivre l’activité en ligne des salariés menant des efforts de syndicalisation au sein de l’entreprise. Lisa Levandowski a de son côté certifié qu’il était contraire à la politique de l’entreprise de créer de tels comptes.

Amazon surveille tout particulièrement les mouvements syndicaux, sociaux et environnementaux pendant la période qui s’étend du Black Friday au fêtes de fin d’année. L’année dernière, ainsi que le démontre un rapport sur une manifestation prévue à Paris le 7 décembre contre la réforme des retraites, la firme de Seattle s’est tout particulièrement intéressée aux liens qui pouvaient éventuellement exister entre ses salariés français, les syndicats et les gilets jaunes,. « On ignore si les syndicats en grève participeront à la marche organisée par les gilets jaunes mais on attend d’eux qu’ils les rejoignent à partir de Montparnasse », concluait le document. Rappelons que la CGT lançait trois jour avant Noël un appel à la grève dans tous les dépôts Amazon de l’Hexagone.

« 84% des employés de nos centres de distribution en France se disent satisfaits de leur travail et 7 sur 10 recommandent à leur proches de nous rejoindre. Plutôt que de donner la parole à des commentateurs qui souvent ignorent tout d’Amazon, il serait grand temps que l’on entende aussi ces jeunes qui commencent leur carrière dans l’entreprise, ces moins jeunes à qui l’entreprise permet une reconversion professionnelle, ou les personnes sans qualification préalable, qui deviennent des professionnels de la logistique reconnus grâce à nos programmes de formation. Et de manière générale, tous les collaborateurs d’Amazon », déclarait à l’occasion du Black Friday 2019 le directeur général d’Amazon France, Frédéric Duval, sur le site de l’entreprise.