Après des dizaines d’années de discussion et de polémiques (l’idée fait son chemin depuis bientôt 50 ans), notamment à propos de l’abandon par l’Union européenne de sa politique des brevets à l’Office européen des brevets (OEB), le brevet unitaire européen a été adopté en décembre 2012 par le Parlement européen malgré l’opposition de l’Italie et de l’Espagne qui souhaitent un dépôt dans leur langue.

L’idée d’un dépôt unique valable pour les 25 pays signataires à travers une juridiction unifiée (basée à Paris avec des antennes à Londres et à Munich), et moins cher, a aussitôt été salué par le gouvernement français et par Michel Barnier, le commissaire européen en charge du dossier, ce dernier considérant qu’il s’agissait-là  » d’une décision historique qui va stimuler l’innovation et la croissance « . 

Ce consensus des politiques n’a pas pour autant sonné la fin des escarmouches. Avant même l’adoption du texte, trois acteurs européens de l’industrie technologie, Ericsson, Nokia et BAE (par ailleurs gros demandeurs de brevets) envoyaient une lettre aux eurodéputés pour faire part de leurs craintes. Selon eux, l’article 5 bis du texte adopté, qui accorde une protection uniforme dans les pays signataires basée sur le droit en vigueur dans le pays d’origine du dépositaire permettra aux trolls de brevets d’envahir le Vieux Continent et créera  » une plus grande insécurité juristique et plus d’opportunité pour le tourisme juridique ».  » Il facilite les comportements abusifs des détenteurs de brevets « , insistent les trois signataires.

En d’autres termes, il permettra aux entreprises pour qui les dépôts de brevets est souvent la seule activité lucrative de déposer ceux-ci dans le pays le moins regardant quant à leur qualité et à leur validité et de porter les litiges devant les tribunaux les plus accommodants. La date de l’entrée en application du nouveau brevet (le1er janvier 2014) approchant, l’inquiétude s’amplifie.

Cette fois, ce sont des poids lourds de l’industrie IT (Apple, Google, Microsoft, HP, Cisco, Bull, Intel, Samsung…) qui réagissent. dans une lettre destinée à nouveau aux eurodéputés, mais aussi aux Etats membres, à la Commission européenne et à la Juridiction unifié des brevets. Leur lettre formule des craintes identiques à celle de Nokia et consorts.

Le fait que la plupart de signataires soient Américains n’a rien de surprenant. En effet, selon des économistes US, les trolls des brevets ont généré pour les États-Unis une perte supérieure à 29 milliards de dollars en 2011.