En annonçant l’abandon d’Itanium, Oracle espère renflouer Sun, dont les ventes s’effondrent. Un pari très risqué dans la mesure où beaucoup de clients Sun actuels rêvent de remplacer leur machine.

C’est un sérieux coup de poker qu’a tenté Larry Ellison en annonçant l’abandon d’Itanium. À première vue cette décision n’offre que des avantages. Tout d’abord, il permet de couper l’herbe sous le pied de l’ennemi HP, en le privant d’une part significative de ses débouchés. En effet, si l’on en croit Channel Register, 80% des serveurs Unix sont équipés de bases de données Oracle. Forrester estime de son côté que près de la moitié des serveurs Superdone de HP (ses serveurs critiques Itanium) sont dévolus aux produits de Redwood Shores.

Pour conserver leurs précieuses bases de données, les clients n’auraient d’autre choix que de se rabattre sur les machines Sun, contribuant à relancer leurs ventes. C’est l’autre bénéfice supposé de cette décision ? dont il n’est pas interdit de croire que l’idée a été soufflé par Mark Hurd en personne. Car, d’après Gartner, les ventes de serveurs Sun/Oracle ont continué de chuter au cours du dernier trimestre 2010, reculant de 16,2% alors que le marché progressait de 16,4% au cours de la période. Dur à avaler pour Larry Ellison qui n’a jamais caché avoir acheté le constructeur pour dégager du cash. D’autant que HP voyait ses ventes grimper de 12,8% dans le même temps.

Pourtant, ce calcul pourrait se révéler dangereux. En effet, à l’heure où l’interopérabilité va de soi, le retour à ce qui ressemble furieusement à une solution propriétaire ne peut être que mal vécu par la plupart des clients. Certains d’entre eux considèrent d’ailleurs la décision d’Oracle comme une trahison. Sans compter qu’aujourd’hui Sun ne fait plus rêver. Channelinsider publie à ce sujet le témoignage édifiant d’un revendeur américain, partenaire à la fois de Sun/Oracle et de HP. Ce dernier explique à nos confrères que les clients Sun ne pensent qu’à une chose : troquer leur machine contre un serveur d’une autre marque. Une récente campagne « prime à la casse » visant à remplacer du HP UX par du Sun Sparc a eu, parait-il, des résultats ridicules.

L’abandon d’Itanium pourrait donc ne pas se traduire par une migration massive vers Sparc. Il restera alors aux clients HP plusieurs alternatives : frapper à la porte de Dell (pour ceux qui se contentent de machines équipées de processeurs Xeon) ou d’IBM ? du moins tant qu’Oracle n’annonce pas aussi l’abandon des plates-formes d’IBM, qui pourrait être le prochain sur la liste. Ou encore… se débarasser d’Oracle. Le missile adressé à HP pourrait alors se retourner contre l’envoyeur.