Alors que Cheops Technology vient d’annoncé avoir franchi les 200 M€ de revenus sur son exercice 2024-2025, son président, Nicolas Leroy-Fleuriot, revient pour Channelnews sur un exercice marqué par un ralentissement du Capex, la montée en puissance des préoccupations liées à la souveraineté et de fortes ambitions autour de l’IA et de la cybersécurité.
Channelnews : L’exercice 2024-2025 est marqué par une stabilité, voire un léger recul, de l’activité à périmètre constant. Quelles en sont les causes ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : En chiffre d’affaires consolidé, Cheops Technology et ses filiales progressent de 5,4 %, mais si l’on raisonne à périmètre constant, il est vrai que nous sommes stables. La raison est simple : le marché de l’infrastructure Capex – qui représente environ 50 % de l’activité du groupe depuis que SolutionData, dont l’activité est 100 % Capex, a été intégré au périmètre du groupe – a fortement ralenti depuis début 2025. Un ralentissement qui a touché toute la filière IT. Les entreprises repoussent leurs projets matériels. Heureusement, nos activités Opex – cloud, abonnements, cybersécurité – amortissent ce ralentissement du Capex. Ce sont elles qui portent la dynamique du groupe.
Channelnews : Quelles activités tirent aujourd’hui votre croissance ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : La cybersécurité est de loin l’activité la plus dynamique. Nous partions de plus loin, mais la progression est très forte. Notre SOC souverain CyberPatriot cumule déjà 78 contrats signés en deux ans. Et nous venons de remporter une très grosse mutuelle d’assurance face à un acteur aussi solide qu’Orange CyberDéfense, ce qui valide notre approche : technologie Elastic, forte capacité de personnalisation, souveraineté. L’activité cyber devrait atteindre environ 10 % du CA cette année.
Le cloud souverain progresse également très vite grâce à nos offres récentes : IcodX (infrastructure Nutanix), HyperKub (Kubernetes as a Service) et HyperStorage. Sur l’exercice, nous avons signé dix contrats IcodX, six Hypercube et cinq HyperStorage (débordement de stockage). Notre offre Icod Private AI, qui permet d’externaliser des cas d’usage d’intelligence artificielle dans un cadre souverain, est également très sollicitée en POC.
Channelnews : Dans un contexte de prise de conscience autour des enjeux de souveraineté, constatez-vous un retour de l’informatique sur site ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : Oui, massivement. Nous voyons des grands comptes – notamment dans l’aéronautique et la défense – qui rapatrient leurs workloads depuis les hyperscalers américains. Et ce ne sont plus les DSI mais les dirigeants eux-mêmes qui sifflent la fin de la récré, au nom de la protection de leur patrimoine data.
Il s’agit d’une tendance de fond, cohérente avec notre positionnement. Nous intervenons à la fois sur la mise en place de ces infrastructures sur site et sur leur pilotage à distance car les entreprises concernées n’ont plus les équipes internes pour les gérer. Cet intérêt croissant pour la souveraineté contribue clairement à notre dynamique sur notre premier semestre fiscal clôturé fin octobre, qui est en croissance organique de +15 %.
Channelnews : Où en êtes-vous de votre rapport de force avec VMware ? L’éditeur vous avait demandé de choisir entre intégration et activité de cloud provider.
Nicolas Leroy-Fleuriot : Nous avons trouvé un « gentleman agreement » avec Broadcom/VMware. Les relations se sont apaisées et normalisées. Les problèmes de licensing ont été réglés. Le sujet de la séparation des statuts n’est plus sur la table. Cheops continue donc d’opérer son infrastructure Cloud VMware (Icod) pour les clients historiques. Pour autant, nous poursuivons notre stratégie de diversification avec Nutanix.
Channelnews : Quelle adoption pour les services cloud alternatifs débarrassés des technologies VMware lancés ces derniers mois ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : Très bonne. La quasi-totalité de nos nouveaux contrats cloud part sur IcodX, notre plateforme Nutanix. Seuls les clients dont l’environnement applicatif est fortement dépendant de VMware restent sur l’offre Icod historique. L’un des éléments clés est que Nutanix nous a accordé une garantie contractuelle de prix sur dix ans, ce qui n’existait pas auparavant et nous protège d’un scénario « à la VMware ».
Nous étudions par ailleurs l’opportunité de proposer une troisième plateforme cloud, baptisée provisoirement Icod Open, basée sur une stack open source (KVM / Ubuntu…). Nous regardons notamment la solution HPE VME, mais nous ne la lancerons que si le niveau de support est compatible avec nos contraintes de production 24/7.
Channelnews : Certains affirment pourtant que Nutanix ne procurerait pas plus de garanties que VMware en matière de protection contre le CloudAct et l’interventionnisme de l’administration américaine. Qu’en pensez-vous ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : C’est sans fondement. Je réfute catégoriquement l’idée que Nutanix puisse couper à distance ou accéder aux données. Les technologies que nous utilisons sont totalement déconnectées de leurs éditeurs américains. Ni Nutanix, ni VMware, ni Microsoft, ni NetApp ne peuvent accéder aux données que nous hébergeons. Notre métier, c’est d’exploiter les meilleures technologies de façon souveraine. La souveraineté se joue dans l’exploitation, pas dans l’origine du code. Le modèle SaaS, en revanche, reste exposé au risque extraterritorial, comme l’a montré l’affaire récente de la Cour pénale internationale, dont les accès Microsoft 365 ont été coupés.
Channelnews : Où en est l’intégration de SolutionData ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : SolutionData est pleinement intégrée sur le plan opérationnel, mais son absorption juridique n’est pas à l’ordre du jour immédiat. Nous leur avons laissé le temps de s’aligner sur nos process, nos ratios de marge et notre stratégie d’investissement orientée Cloud et Cyber. L’objectif est qu’ils soient totalement « sur les rails » avant d’aller plus loin – ce qui est en bonne voie.
Parallèlement, nous poursuivons nos projets d’expansion européenne et examinons activement une acquisition en Italie.
Channelnews : Vous venez de lancer un Tour de France Cheops Technology. Quelle en est l’ambition ?
Nicolas Leroy-Fleuriot : L’objectif est simple : rendre accessibles aux PME, ETI et collectivités les solutions de Cloud souverain, de Cybersécurité et d’IA. La première étape à Bordeaux a réuni environ 80 participants, avec un niveau d’échange très riche.