A l’initiative du Conseil National du Logiciel Libre, du Pôle Systematic Paris-Region, de Solibre (cluster CNLL de la région Occitanie) et de Nouvelle Aquitaine Open Source (NAOS), une enquête, menée par Will Strategy Consulting auprès de 140 entreprises et d’une vingtaine de personnalités de l’écosystème, dresse un état des lieux de la filière open source en France. Celui-ci met en évidence l’attente par la filière d’une véritable politique industrielle en faveur du logiciel libre en France et en Europe.

Il ressort du document de 148 pages que le secteur, constitué en grande majorité (94%) de TPE/PME est dynamique, mature et porteur. L’âge médian des entreprises est de 11,5 ans. Dotées en général d’un fort potentiel d’internationalisation (elles réalisent en moyenne 20,5% de leur chiffre d’affaires à l’étranger, contre 16,7% dans le secteur numérique dans son ensemble), elles ont par ailleurs globalement bien résisté à la crise du Covid ; 61,1% d’entre elles s’apprêtent même à recruter cette année. Si leurs dirigeants se déclarent généralement confiants dans l’avenir de leur entreprise et celui de l’écosystème libre et open source en général, ils s’inquiètent paradoxalement pour l’économie française et se posent la question de la pérennité des commandes des clients B2B.

Bien que l’activité de service reste très présente, le secteur est tiré par l’édition de logiciels qui représente 57,1% des entreprises. « Les résultats de l’enquête confirment l’évolution de l’écosystème open source professionnel français qui accompagne la généralisation du numérique : des entreprises plus matures, qui se tournent plus vers les solutions métier et l’utilisateur final, avec une croissance des modèles de revenus d’édition. Cette transition doit être comprise et accompagnée par l’achat public pour l’amélioration de notre indépendance technologique », estime Pierre Baudracco, fondateur de BlueMind, co-président du CNLL et président de SoLibre.

Autre point mis en avant par l’enquête : les valeurs que défend le secteur (transparence, ouverture, contrôle des données et liberté) sont considérés par l’écrasante majorité des répondants (83,3%) comme des atouts lui permettant de renforcer l’autonomie stratégique des acteurs publics et privés, en France et en Europe. Ces répondants reconnaissent toutefois que pour atteindre cet objectif il faut beaucoup de pédagogie. Ils souhaitent donc poursuivre, avec toutes les parties concernées, des efforts de sensibilisation et développer la formation.

Les deux tiers des dirigeants de la filière interrogés considèrent que la France ne met pas en œuvre une stratégie industrielle open source lui permettant de reconquérir de la souveraineté numérique. Ils estiment que les administrations n’encouragent pas suffisamment les logiciels libres et l’open source, comme le prévoit pourtant la loi depuis 2016, en particulier au niveau de la commande publique. Celle-ci occupe en effet une part importante de l’activité du secteur. Ainsi, 82,8% des entreprises ont des clients dans le secteur public contre 93,3% dans le secteur privé.

Les dirigeants estiment que l’Etat, mais aussi les régions, doivent définir et mettre en œuvre une véritable stratégie industrielle open source et stimuler les administrations à s’engager plus avant en donnant la priorité à l’achat de produits et services français et européens issus de l’écosystème, en priorisant les achats auprès de PME.

L’enquête pointe également de fortes disparités entre les régions, la plupart de ces dernières ne communiquant pas autour d’initiatives favorisant un numérique libre et responsable. A peine 9,7% des répondants indiquent en effet que leur région a adopté une stratégie numérique s’appuyant sur le libre avec des résultats tangibles. La région Nouvelle-Aquitaine fait figure d’exception en apportant le soutien au secteur depuis le début des années 2000.

Il ressort enfin de l’enquête que 80% des entreprises de la filière sont engagées en faveur d’un numérique responsable sur le plan économique, social et environnemental. La moitié d’entre elles affirme avoir déjà formalisé de tels engagements et l’autre moitié se déclare prête à le faire.

« La filière française du libre se voit, à juste titre, comme le fer de lance d’un numérique éthique et responsable, et de la reconquête de sa souveraineté numérique par la France et l’Europe », commente Stéfane Fermigier, fondateur d’Abilian et co-président du CNLL. « Ce sont des défis colossaux, que les approches collaboratives de notre écosystème, fondées sur nos valeurs d’ouverture, de transparence et d’inclusivité, pour une innovation au service de la société dans son ensemble, peuvent relever. Elle a pour cela besoin du soutien de toutes les parties prenantes, pouvoirs publics en tête, et de renforcer les collaborations en son sein entre tous les éléments de la chaîne de valeur du numérique ouvert. »