La procédure en référé lancée par Sud-Rail en septembre dernier afin d’obtenir la suspension du projet Ulysse, la co-entreprise SNCF-IBM créée pour faire des économies sur l’IT, a été reportée au 3 février. Rappel des faits.

 

Le bras de fer entre les syndicats opposés au projet Ulysse et la SNCF continue. En septembre dernier Sud-Rail avait déclenché une procédure en référé en vue d’obtenir la suspension de ce projet de co-entreprise entre la SNCF et IBM destiné à rationaliser les prestations informatiques de la société de chemins de fer. L’audience qui devait avoir lieu le 13 janvier a été reportée au 3 février au matin « car l’avocat de la direction a remis à la dernière minute ses conclusions et les pièces du dossier », indique le syndicat dans un communiqué. Et de s’interroger sur le refus «du secrétaire du CCE (comité central d’entreprise, NDLR) […] d’engager ce recours alors que les trois CE des Directions Centrales concernés ont lancé des procédures sur le fond du dossier pour les mêmes motifs ». Au final, Sud Rail appelle à la mobilisation, devant de TGI de Paris, le 3 février, à l’occasion de l’audience. Un préavis de grève sera déposé. Le syndicat attend de cette audience en référé la suspension du projet Ulysse.

 

C’était mi-janvier 2010 : IBM et la SNCF annonçait la création d’une co-entreprise pour regrouper des prestations informatiques dispersées. Le contrat, d’une durée de six ans et d’un montant de 1,7 Md€ couvre la maintenance, le développement, l’exploitation des applications et la gestion des études. A la clé, une économie attendue de 300 M€. Mais c’était sans compter avec la fronde des informaticiens de la SNCF. Très vite, derrière le discours officiel, ceux-ci estiment que, ce qui se trame avec ce projet appelé Ulysse, n’est ni plus ni moins qu’une délocalisation vers l’Inde et le Maroc «où IBM dispose déjà de centres de services», nous indiquait fin mars dernier Emmanuel Vinuales, délégué Sud Rail et informaticien ASTI à la SNCF – une entité qui s’occupe du déploiement des applications et du support des postes de travail, notamment. « L’exploitation de l’informatique de la SNCF est déjà suffisamment industrialisée pour qu’il ne soit pas possible de faire chuter son coût de 520 €/jour homme en moyenne à 230 €/jour homme (la cible du projet Ulysse, NDLR) sans recours à l’offshore.» Au total, 250 à 350 emplois menacés sur le bassin lillois, quelques centaines d’autres sur le Grand Lyon, Paris, et Nantes pour un total de plus d’un millier, dont une bonne partie de prestataires externes.

L’offshore confirmé puis affiché

Quelque semaines plus tard, fin avril, c’est un projet d’organigramme de la future co-entreprise IBM/SNCF qui confirme le recours envisagé à l’offshore, en particulier la partie portant sur la « transition et la transformation ». Là, se trouvent pêle-mêle nombre de noms dont l’origine géographique laisse d’autant moins de place au doute qu’elle est parfois même précisée à côté du nom : « Sr Migration Manager Application Transition – Pradip K Panigrahi » ; « Due Diligence Manager – […] Achai R Sangel (Inde) » ; « Connectivity/Infra : Venkatesh Annamalal (Inde), Cezar Simion (Roumanie) […] » ; « Application Transition Managers – […] Santhosh Kandaswamy (Inde depuis la France), Mihaels Crimu (Roumanie Transition Manager), Puneet Jain (Inde depuis la Roumanie), TBN (en Inde) ».

 

L’auteur du blog Cortis.fr, au coeur de la protestation contre le projet, nous indique alors que, selon lui, «la traduction de certaines spécifications serait déjà en cours ». Plus loin, le projet d’organigramme souligne un peu plus l’importance de l’offshore dans l’organisation du projet avec, en particulier, un « delivery account manager » indien auquel doivent répondre directement des « delivery lead » en France, en Roumanie, et en Inde. Bref, des centres de services éclatés géographiquement et tous supervisés depuis le sous-continent. Fin novembre 2010, l’auteur du blog Cortis.fr relève un dossier de nos confrères du Journal du Net, dans lequel se confie Eric Grasset, directeur des prestations systèmes d’information de la DSIT de la SNCF. Evoquant la question de la qualité logicielle, il fait état d’un chantier «initié à l’occasion de la mise en place d’une politique de centres de services offshore en lien avec IBM ».

De Charybde en Scylla


Très vite, les syndicats des informaticiens de la SNCF multiplient les opérations de résistance au projet Ulysse. Avec notamment l’organisation d’une journée sans informaticien le 1er avril. Mais aussi une manifestation le 26 mai devant le siège de leur entreprise à Paris, puis une autre le 2 juin, à l’occasion de l’inauguration de la Tour Oxygène à Lyon… les torpilles se sont multipliées contre le projet, jusque sur le terrain judiciaire. Dès juillet, trois comités d’entreprise ont lancé une procédure pour délit d’entrave. En septembre, Sud Rail a annoncé une seconde procédure en référé auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris en vue d’obtenir la suspension du projet pour non consultation du comité central d’entreprise.

Mais la guérilla opposée au projet pourrait avoir déjà fait quelque victimes. Et en premier lieu Michel Baudy, DSI de la SNCF. Celui-ci avait pris les rênes de NoviaServ, la co-entreprise IBM/SNCF du projet Ulysse, après son lancement par Daniel Chaffraix, ancien patron d’IBM France. Mais Michel Baudy a laissé sa place mi-septembre à Jacques Orsini qui était jusqu’à lors Directeur de la Transformation et de la Stratégie des Systèmes d’Information. Pour l’auteur du blog Cortis.fr, cela ne fait pas de doute : «le ménage continue […] Un message clair est adressé aux cadres dirigeants, tenus en partie responsables du fiasco du projet Ulysse.»

Egalement sur LeMagIT :

Pour introduire Axway en bourse, Sopra a fait bien des concessions

Associé à Range Technology, IBM construit un datacenter monstre en Chine