Stéphane Richard a convié les patrons de Vodafone, Telefonica et Deutsche Telekom à Paris pour réfléchir à la création d’un OS commun pour endiguer la progression des Google et autres Apple.
Au détour d’un entretien largement centré sur la question sociale en France, Stéphane Richard, directeur général de France Télécom, a affirmé réfléchir à l’idée d’un système d’exploitation pour plates-formes mobiles développé en commun par un consortium d’opérateurs. Il explique avoir invité Paris les patrons de Vodafone, Telefonica et Deutsche Telekom à Paris. Objectif de la réunion : « Nous voulons réfléchir en commun à la création d’un système d’exploitation, qui est le cheval de Troie utilisé par les Google et autre Apple pour établir leur propre relation avec nos clients ». Rappelons pour mémoire que ces opérateurs se sont déjà entendus en février dernier pour mettre en place un app store commun dans l’objectif d’éviter la fragmentation des plates-formes applicatives mais aussi de reprendre une partie du contrôle perdu au profit des App Stores des différents éditeurs d’OS mobiles.
Des opérateurs en retard sur les OS et les applications
Si l’on ne peut que constater la pertinence du constat effectué par Stéphane Richard, force est aussi de constater que le problème ne se limite pas au système d’exploitation. Les services d’un Google comme le moteur de recherche, Google Apps, Google Maps (et navigation) ou Google Voice sont des menaces sans doute bien aussi fortes que l’OS en lui même, pour des opérateurs qui ne veulent pas être réduits à de simples tuyaux mais aimeraient aussi être rémunérés sur l’ensemble de la chaine mobile (communications, services, applications…). L’ironie est que ce diagnostic n’est pas nouveau et qu’il a déjà été fait depuis longtemps tant par les opérateurs que par les journalistes et analystes suivant le secteur.
Mais voilà. Trop préoccupés à batailler entre eux pendant la déréglementation du secteur menée tout au long des années 2000 et à s’affronter pour s’imposer sur le marché en pleine explosion du mobile, les opérateurs ont raté le coche des systèmes d’exploitation et des applications. Il faut dire que le logiciel n’est pas leur fort historique (et que le développement innovant n’est souvent guère compatible avec les structures très bureaucratiques des opérateurs mobiles).
Autre problème : la stratégie des opérateurs en matière d’OS mobile au cours des années 2000 a, pour le moins, été incohérente (on pourrait même la comparer à celle d’une girouette). Par exemple, depuis cinq ans, tous les opérateurs mobiles ont, à un moment ou à un autre, prêté allégeance à une variante ou à une autre de Linux sur mobile sans que l’on ne voit de vrais résultats. Dans le même temps, Google et Apple sont parvenus à développer des OS séduisants qui ont attiré une large communauté de développeurs et d’utilisateurs. Et ont été intégrés avidement par les opérateurs à leur catalogue…
Orange : 3 initiatives Linux en cinq ans, sans résultat visible
Ainsi, pas plus tard qu’en mars dernier, Orange annonçait son support à Meego, le Linux mobile d’Intel et Nokia, après avoir longtemps soutenu la fondation LiMo (Mobile Linux, ralliée en 2008) et la plate-forme Access Linux Platform (construite par le Japonais Access sur base Montavista et ralliée en 2006). Ces multiples engagements de support n’ont pas empêché l’opérateur de devenir le partenaire privilégié d’Apple en Europe et plus récemment de multiplier les lancements de terminaux Android. Ils n’ont également pas empêché Orange d’annoncer des accords stratégiques avec Microsoft sur Windows Mobile ou de déployer des flottes de terminaux Symbian.
Avant Orange, Vodafone et NTT DoCoMo avaient eux aussi convenu de travailler en commun avec Motorola, NEC, Panasonic et Samsung sur une plate-forme Linux mobile commune. Ces efforts n’ont jamais vraiment produit de résultat concret et l’arrivée d’Android a fait imploser nombre des initiatives en cours. Samsung, même s’il a produit deux combinés LiMo, s’est depuis largement rallié à l’écosystème Android, de même que Vodafone qui a rejoint l’Open Hanset Alliance de Google.
Un avertissement sans frais à Google et Microsoft ?
Bref, si le constat de Stéphane Richard est sans doute juste, la route vers un OS séduisant, commun à plusieurs opérateurs mobiles, risque d’être longue et parsemée d’embûches. A moins que le but de la maneuvre pour les opérateurs ne soit de lancer un avertissement aux Apple, Google et Nokia de ce monde. Les opérateurs restent en effet largement maîtres des terminaux qu’utilisent leurs abonnés (par le biais des mécanismes de subventionnement) et ont en ce sens le pouvoir d’influer lourdement sur les plates-formes systèmes qu’ils entendent favoriser. Une façon d’engager un bras de fer pour obtenir d’Apple, Google et consorts, une part sur les revenus indirects générés par leurs services mobiles et la vente d’applications.
Une telle stratégie est toutefois porteuse de plusieurs risques : tout d’abord celui d’enfreindre les législations européennes sur l’antitrust et les cartels et ensuite celui pour les opérateurs de devoir affronter l’ire de leurs meilleurs clients, qui, en masse, ont voté avec leurs portefeuilles en faveur des nouvelles plates-formes d’Apple et de Google…
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