En rachetant Engenio et ses systèmes de stockage en mode bloc, Netapp rompt avec sa stratégie historique visant à faire de Ontap sa seule plate-forme de stockage. Mais il maîtrisera complétement la conception de ses matériels.

 

OnTap et WAFL à toutes les sauces chez NetApp, c’est fini. Avec l’acquisition d’Engenio, la division sous-systèmes de stockage de LSI, le constructeur vient en effet de mettre un terme à sa stratégie de stockage unique, dopant au passage sérieusement son offre de stockage en mode bloc.

Engenio est peu connu des utilisateurs finaux, mais la société est pourtant l’un des grands du stockage en mode bloc. Ses systèmes sont revendus par de nombreux géants du secteur à commencer par IBM, Oracle ou SGI, mais aussi BlueArc, Dell, Panasas et Teradata. Avec près de 300 000 systèmes installés et un chiffre d’affaire annuel de près de 700 M$, Engenio est en fait l’un des poids lourds du stockage mondial. L’offre de la société couvre aussi bien l’entrée que le milieu et le haut de gamme, avec en entrée de gamme la série 4900, en milieu de gamme la série 6900 et en haut de gamme les 7900. Les deux premiers sont revendus par IBM sous les références DS3400 et DS5000, tandis qu’Oracle revend le milieu de gamme sous la référence Sun Storage 6580.

Peu de recouvrement entre l’offre Engenio et les baies FAS de Netapp

L’une des raisons du rachat d’Ingenio est qu’il y a très peu de recouvrement entre ses gammes et celles de NetApp, explique Dave Hitz, le CTO et co-fondateur de NetApp. Alors que les systèmes FAS de NetApp sont clairement positionnés comme des systèmes unifiés (SAN et NAS) offrant un riche environnement logiciel (compression, déduplication, snapshot, réplication, partitionnement…), les systèmes d’Engenio se concentrent exclusivement sur la fourniture de services blocs performants et n’ont pas la richesse fonctionnelle des FAS. Le nouveau message de NetApp est donc le suivant : pour ceux qui ont besoin d’un environnement logiciel riche et de fonctionnalités NAS, rien de remplace les FAS. En revanche, si l’objectif est de disposer de performances optimales en mode bloc à un prix compétitif, l’offre Engenio sera désormais mise en avant.

Le message est aux antipodes du message précédent qui brocardait les concurrents (et notamment EMC) pour leurs multiples plates-formes et mettait en avant la singularité de l’offre NetApp ou Ontap était censé faire face à tous les besoins. Ironiquement, c’est d’ailleurs au moment où EMC renouvelle son offensive sur le marché des systèmes de stockage unifié en fusionnant (au moins d’un point de vue marketing) ses lignes Clariion et Celerra, que NetApp fragmente son offre. A n’en pas douter, le constructeur devrait utiliser l’offre d’Engenio pour lancer une offensive contre le coeur de l’offre de milieu de gamme d’EMC.

Se développer sur de nouveaux segments

Les systèmes de stockage d’Engenio devraient aussi permettre à NetApp de développer ses activités dans des secteurs où il était jusqu’alors peu présent, notamment les secteurs requérant une large bande passante et un rapport performance/prix élevé. Tom Gorgens, le patron de NetApp (un ex d’Engenio) a ainsi cité les marchés de la vidéo, de la visio-surveillance, du calcul génomique et du calcul scientifique, autant de marchés que son concurrent EMC entend attaquer avec son offre Isilon (racheté pour 2,5 Md$ en novembre 2010). Certes les systèmes d’Engenio ne sont pas des systèmes en cluster, mais ils pourraient constituer la base d’une telle offre, une fois couplés à la couche logicielle appropriée. Ils devraient aussi être une solution de stockage idéale pour la solution logicielle de stockage objet Bycast rachetée au printemps 2010 par NetApp. Selon Gorgens, Engenio devrait ouvrir à NetApp un marché évalué à 5 Md$ d’ici à 2014.

Une autre explication pour le rachat d’Engenio est aussi sans doute que la maitrise de ses propres sous-systèmes disques devrait permettre à NetApp de s’abstraire de sa dépendance actuelle vis-à-vis de partenaires tels que Xyratex ou DotHill et d’intégrer verticalement l’ensemble des savoir-faire nécessaires à la conception d’une baie de stockage. Les systèmes d’Engenio pourraient aussi être utilisés en back-end avec une couche d’interface assurée par les appliances virtuelles OnTap (un peu à l’image de ce qu’a réalisé Fujitsu, un proche partenaire de NetApp avec son offre Ontap sur serveurs lames).

Un risque lié aux activités OEM ?

Reste que l’acquisition présente aussi un risque pour un NetApp, qui annonce aussi vouloir poursuivre l’activité OEM d’Engenio. Si ce dernier est aujourd’hui rentable et affiche un CA élevé, il le doit en effet aux volumes de ventes assurés par ses grands partenaires OEM. Ces derniers pourraient ne pas apprécier la prise de contrôle d’Engenio par un concurrent. Or, IBM a déjà commencé au cours des derniers mois à se désengager de sa relation avec Engenio en mettant en avant son Storwize 7000 face au DS5000. Il sera donc intéressant de suivre quel impact aura le rachat d’Engenio par NetApp chez Big Blue. De même, des constructeurs comme Panasas, Oracle ou Dell pourraient à terme couper les ponts avec NetApp, qui est souvent un concurrent direct sur certains de leurs marchés, réduisant ainsi à une peau de chagrin l’activité OEM d’Engenio. D’autres constructeurs comme Quantum ou Overland ont ainsi mal vécu par le passé la délicate transition entre un business OEM et un business en marque propre. Gageons que NetApp soit bien conscient de cette menace.

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