La création de Numergy et de CloudWatt relance le débat sur le soutien financier de l’Etat aux grands acteurs IT pour créer un cloud computing souverain. Quid des PME comme Gandi.net, OVH et Ikoula ?
« Andromède, de l’argent gaspillé ? », nous interrogions-nous au mois de juillet à la lecture des propos tenus par Stephan Ramoin, devant plusieurs de nos confrères.
Le président de l’hébergeur Gandi.net, s’insurgeait alors contre l’irruption de grands groupes nationaux sans compétences particulières sur le marché du cloud hexagonal. Un marché occupé jusque-là par un certain nombre de PME dynamiques. « Donnez 10 % de cette somme à trois ou quatre PME réunies sous contrôle de l’État, et on vous sort un leader européen à tous les coups ! », déclarait-il dans les colonnes de Silicon à propos des 150 millions d’euros injectés par l’Etat via le Programme d’investissements d’avenir.
Dans une tribune publiée dans Le Cercle-Les Echos au mois d’avril, le PDG d’EMC France, Jean-Michel Giordanengo, tout en saluant la « brillante initiative » de ce qui s’appelait encore Andromède, avait déjà pris la défense des PME actives dans le cloud. « N’oublions pas les vraies avancées de petits et moyens acteurs partout en France avec un coup de cœur particulier pour la société Sigems dans le domaine de la santé ou Navaho, Intégra et Chéops dans des domaines plurisectoriels qui ont réussi sans l’aide de l’Etat », rappelait-il.
Le portage à quelques jours d’intervalle sur les fonts baptismaux de Numergy, le cloud souverain version SFR et Bull, et de CloudWatt son homologue créé par Orange et Thalès, relance le débat.
Interrogé par Clubic.com patron de l’hébergeur rémois Ikoula, Jules-Henri Gavetti, estime carrément que les deux initiatives n’ont pas leur place dans le paysage technologique français. « C’est n’importe quoi. Il y a des entreprises en France qui font de l’hébergement depuis 14 ans, qui ont créé des business à la force du poignet. Nous ne sommes pas seuls sur le marché, je pense à des OVH également qui sont déjà présents, mais je ne comprends toujours pas pourquoi l’Etat finance un tel projet. C’est tout simplement ubuesque. »
Il est d’autant plus remonté que Numergy et CloudWatt s’adresseront non seulement aux grands comptes et administrations, mais également aux jeunes pousses, aux TPE et aux PME – ce que confirme le président de Numergy, Philippe Tavernier dans une interview accordée à ITespresso qui envisage un WebStore pour cibler les particuliers et les TPE – qui constituent son cœur de cible. « Dans aucun business vous verrez des acteurs champignons venir sur un secteur technologique donné. Pour moi, cette initiative est donc un geste fort qui signifie que les PME innovantes n’ont pas leur place en France », assène-t-il, considérant que le marché français est mort pour lui, ce qui l’obligera à investir dorénavant à l’étranger.
Sans vouloir prendre parti on peut toutefois se poser quelques questions. À l’heure où il faut être économe des deniers publics, les grands groupes ont-ils vraiment besoin de l’argent de l’Etat pour se lancer dans l’aventure ? Doivent-ils ratisser aussi large en englobant (du moins en ce qui concerne Numergy) les particuliers et les TPE dans leur cible ?
En revanche, les PME françaises ont-elles des moyens humains et financiers suffisants pour offrir rapidement leurs services aux grandes entreprises et institutions françaises et européennes ?