Olivier_IteanuDans une tribune publiée ce 11 octobre sur le site Eurocloud, l’avocat Olivier Iteanu s’est livré à une analyse juridique impertinente du contrat client Amazon Web Services proposé aux PME françaises.

Première constatation de l’avocat spécialisé : ce contrat en ligne, baptisé  AWS Customer Agreement, se présente, une fois activés tous les liens hypertextes insérés, comme « une poupée russe de treize documents applicables au client » (selon les options choisies). Ces treize documents renvoient eux-mêmes par liens sur d’autres documents d’un nombre indéterminé eux-mêmes opposables au client. « Une équipe d’explorateurs a été lancée pour savoir de combien de documents et de pages se compose au total le contrat Amazon », ironise l’avocat, précisant que « rien n’est fait pour aider le prospect à prendre connaissance de manière simple du contrat qui va le lier à Amazon, s’il l’accepte ».

Olivier Itéanu note également que les contrats sont en langue anglaise, « ce qui ne constitue pas une illégalité en soi dans une relation entre professionnels, mais rend bien sûr plus difficile leur lecture par un client non anglophone ». Et si Amazon précise, dans une notice explicative, travailler à une traduction en français, il indique que le contrat en langue anglaise prévaudra en tout état de cause sur tout contrat écrit dans une autre langue. Contrat qui est bien évidemment soumis à la Loi de l’Etat de Washington et, en cas de litige, aux juridictions exclusives de ce même Etat. 

Olivier Iteanu concentre la suite de son analyse sur le contrat client proprement dit, qui apparaît comme un « petit » contrat de 14 pages. Mais il attire l’attention du lecteur sur le fait que les « Conditions Générales de Services Amazon » (« AWS Service Terms »), autre document intégré au contrat, composé de 43 pages, prévalent sur le contrat client.


L’avocat s’intéresse notamment à l’article 12 du contrat client qui prévoit qu’Amazon peut modifier le contrat à tout moment en publiant sur son site des dispositions modifiées qui prennent effet dès mise en ligne. « Chacun aura noté que les modifications sont opposables au client, à la seule discrétion d’Amazon, et qu’elles peuvent porter sur n’importe quel élément du contrat, y compris des dispositions essentielles », écrit-il. Il remarque au passage que l’article en question est positionné en fin de contrat, « à un endroit où seul un étudiant en droit et en thèse se trouve encore en capacité de procéder à une lecture lucide du contrat proposé ».

Concernant les données à caractère personnel et de la vie privée qui relèvent de l’article 3 (« Privacy »), Olivier Itéanu remarque qu’Amazon propose au client que ses contenus hébergés soient associés à une région qu’il aura choisie. Mais une lecture attentive de l’article en son entier, montre qu’Amazon s’autorise à transférer le contenu hébergé ailleurs que dans la zone déclarée par le client, s’il notifie ce changement à son client. Et l’article 3.2 prévoit la possibilité pour l’hébergeur, lorsqu’il y est contraint par « la loi ou des demandes des autorités publiques » de déplacer ces contenus sans avertir le client. « Une disposition contractuelle qui rappelle très clairement les dispositions légales de l’USA Patriot Act qui, justement, interdisent à des prestataires tels qu’Amazon, de révéler à leurs clients une demande d’information les concernant et émanant des services de police américains », souligne l’avocat.

Et la liste des restrictions ne s’arrête pas là. Dans l’article 7.2.a Amazon explique pouvoir mettre fin à tout moment au contrat avec un préavis de 30 jours. Dans l’article 10 (intitulé « Disclaimer »), Amazon énonce l’ensemble des exclusions classiques de responsabilités possibles pour un prestataire informatique. En clair, et selon cet article, Amazon n’est responsable de pas grand-chose, pour ne pas dire de rien, qui soit lié à la bonne fourniture du service et à sa sécurité.

Amazon va même jusqu’à exclure une stipulation « de garantie de jouissance paisible du service » au bénéfice du client, que connaissent bien les juristes en droit de la propriété intellectuelle. En clair, si Amazon se trouve condamné pour une raison ou pour une autre (par exemple infraction à la propriété intellectuelle), et que cette condamnation a des répercussions sur l’utilisation du service par le client qui pourtant n’y est pour rien, cette disposition contractuelle interdit tout recours au client.

Pour les spécialistes, il signale que l’article 11 qui suit, exclut de la responsabilité, non seulement de tout dommage indirect subi par le client, ce qui est classique, mais de tout dommage direct, ce qui l’est moins.

Enfin, l’article 13.1, intitulé « confidentialité » semble interdire au client d’exposer au public (?) qu’il a noué une relation avec Amazon… « ce qui paraît étrange pour une offre … publique », constate l’avocat. Et de conclure : « oui, Amazon est bien le leader mondial des services de Cloud computing. Mais il ne le doit surement pas à son contrat client. »