En juin dernier, lors de la présentation de ses résultats trimestriels, Safra Catz assurait que le changement dans la comptabilisation des revenus Cloud de l’éditeur n’avait pas pour objectif de dissimuler de mauvaises nouvelles. Aujourd’hui, il semble que si.
En ce mois d’août 2018, Oracle doit fait face à une sérieuse remise en question de ses méthodes de ventes se rapportant à ses offres Cloud qui pourrait bien lui avoir de lourdes conséquences financières.
La première salve a été tirée le 10 août avec l’annonce d’un recours collectif du fonds de pension City of Sunrise Firefighters qui accuse Oracle d’avoir entre le 10 mai 2017 et le 19 mars 2018 « présenté de manière inexacte dans ses communiqués de presse, ses documents boursiers et ses déclarations les véritables moteurs de la croissance de ses revenus cloud ».
Récusant l’argumentaire officiel de l’éditeur mettant en avant les bénéfices supposés de ses produits en termes d’automatisation et de réduction des coûts, et l’intimité de son partenariat avec ses clients, le fonds de pension accuse Oracle d’user en réalité « de menaces et de tactiques d’extorsion pour conduire ses ventes cloud ».
Ces procédés n’auraient d’autre fin que de « dissimuler le manque de demande réelle pour ses services cloud, rendant la croissance insoutenable et conduisant à terme les clients à fuir ». City of Sunrise Firefighters dénonce notamment les fameux « audits » que l’éditeur diligente chez ses clients pour vérifier la bonne utilisation de ses produits.
La deuxième salve est venue de la publication le 12 août par Business Insider de la confession d’un ancien membre de l’équipe commerciale d’Oracle qui décrit par le menu les ficelles qui permettaient aux équipes de ventes de stimuler les ventes cloud et donc leurs commissions.
Selon lui, « tous les revenus du cloud ne provenaient pas [jusqu’à une date récente] de clients qui utilisaient réellement le Cloud d’Oracle ». L’une de ces ficelles consistait à conditionner l’attribution de remises sur les produits que les clients souhaitaient acheter à l’acceptation de crédits cloud qu’ils ne souhaitaient pas acheter. Peu importait que ces crédits cloud soient utilisés ou non.
Autre ficelle : la technique du « Annuler et remplacer » consistant à convertir des contrats de support dont les clients ne veulent pas – mais qu’Oracle les oblige à souscrire là encore via des remises ciblées – en crédits cloud.
L’avantage de cette formule pour les clients, c’est qu’ils n’étaient obligés de renouveler les contrats des produits qu’ils n’utilisaient pas à leur échéance (généralement au bout de trois ans). Les équipes de ventes d’Oracle ont largement recouru à ce système qui leur permettait de comptabiliser du chiffre d’affaires Cloud et de toucher les commissions afférentes.
Le problème, c’est que si les clients n’utilisent pas leurs crédits cloud, à l’issue des contrats le chiffre d’affaires cloud s’effondre. City of Sunrise Firefighters a la conviction que c’est ce qui est arrivé à Oracle cette année. Cela expliquerait qu’Oracle ait décidé de modifier le reporting de ses ventes cloud lors de la dernière publication de ses résultats trimestriels de sorte qu’on ne puisse plus distinguer leur évolution.
En mars dernier, lorsque la société avait révélé que la croissance de ses revenus cloud avait stagné et qu’elle prévoyait un ralentissement significatif de sa croissance cloud par rapport à celle de ses concurrents, le titre avait fortement chuté (-9%). Il n’était donc pas question de prendre le risque d’une nouvelle chute en juin.
Oracle a apparemment pris conscience tardivement des conséquences potentiellement néfastes de cette politique. En août 2017, un courrier électronique a été envoyé aux 35.000 employés travaillant au sein des équipes de vente pour leur enjoindre de ne vendre que des produits et services que les clients utiliseront vraiment, selon Business Insider. C’est aussi à cette époque qu’Oracle a mis en place sa stratégie Bring your own licence (BYOL) qui permet aux clients de transférer leurs licences sur sites existantes vers le Cloud.