Source d’inquiétude pour les éditeurs de logiciels, le piratage aurait des effets bénéfiques pour eux et l’économie selon Wendy Bradley, professeur d’économie à l’école de commerce Cox School of Business au Texas, et Julian Kolev, économiste à l’Office des brevets et des marques des États-Unis.

Les deux économistes ont comparé les stratégies de propriété intellectuelle d’une centaine d’éditeurs de logiciels ayant réalisé 40% de leur chiffre d’affaires entre 1991 et 2000 avec celles d’un groupe témoin d’entreprises ne présentant pas de risque majeur en matière de propriété intellectuelle, sur la période avant (1991-2000) et après (2001-2007) le lancement de BitTorrent en juillet 2001. Les auteurs considèrent l’arrivée de BitTorrent comme une ligne de démarcation. Le nouveau protocole de partage de fichiers décentralisé est parvenu à traiter des fichiers volumineux d’une manière inédite comparée à Napster : les détenteurs de droits de propriété intellectuelle ont été incapables de le fermer. Le ‘choc du piratage’ a poussé les entreprises touchées à innover, selon les deux auteurs.

« En comparant les stratégies de propriété intellectuelle des entreprises de logiciels exposées au risque de piratage (le groupe de traitement) à celles des entreprises non exposées (le groupe de contrôle), nous constatons que notre groupe de traitement augmente de manière significative son activité innovante après le choc du piratage en termes de dépenses de R&D et de demandes de droits d’auteur, de marques et de brevets accordés », indique leur article. « Notre analyse révèle également une réponse dynamique : les entreprises ont tendance à augmenter fortement leurs dépenses en R&D et les dépôts de droits d’auteur au cours des deux premières années suivant le choc du piratage, tandis que l’impact sur les brevets est plus significatif sur des horizons de trois à sept ans. »

Wendy Bradley a confié à notre confrère du Register que « les entreprises du Fortune 500 ont compris depuis longtemps l’importance des pratiques de gestion de la propriété intellectuelle pour leurs résultats, de Xerox à IBM ; il y a beaucoup de valeur dans les brevets, y compris (mais pas seulement) les redevances de licence de brevet. »

 Les données de recherche indiquent que l’innovation n’était pas en mode défensif. « Beaucoup de gens pensaient que le piratage allait avoir un impact négatif tangible et immédiat sur les entreprises, en particulier dans l’industrie du logiciel », a-t-elle ajouté. « Nos résultats montrent qu’au contraire, l’augmentation des taux de piratage a conduit les entreprises de logiciels à innover davantage. Cette innovation a pris la forme de nouveaux brevets très cités dans le secteur des logiciels, en particulier. »

En vertu de ces conclusions, le piratage devrait-il être toléré ? Mme Bradley ne va pas si loin. « Les implications politiques sont délicates. Nous avons écrit le document pour un public de gestionnaires en suggérant que l’innovation accrue est une réponse efficace au piratage. »

« Quand une entreprise dominante est en position de force, le piratage peut la pousser à innover plus qu’elle ne le ferait sans cela », précise-t-elle, faisant notamment référence à Bell et Apple. « Cela pousse les grandes entreprises à innover pour rester compétitives et maintenir leur position dominante sur le marché plutôt que de s’appuyer sur une position potentiellement anticoncurrentielle ou sur une faible sensibilisation des consommateurs aux alternatives », conclut-elle.