Parmi les partenaires français d’EMC, il y a ceux qui se réjouissent et ceux qui s’inquiètent du mariage annoncé de Dell et d’EMC. Au rang des optimistes, il y a Nicolas Leroy-Fleuriot, le président de Cheops Technology. « Cette acquisition a du sens sur le plan industriel car Dell est fort en serveurs et EMC est fort en stockage-sauvegarde. Côté channel, ça devrait nous simplifier la relation, avec en final moins d’interlocuteurs à gérer. Le marché du stockage se concentre et il est grand temps car il y a trop d’acteurs : HP, IBM, DELL, EMC, HDS, Netapp, auxquels il faut à présent ajouter les spécialistes du SDS (Software Defined Storage). »

Même a priori positif pour le patron d’un gros intégrateur régional qui souhaite rester anonyme : « La politique d’EMC pour les partenaires régionaux devenant compliquée depuis un ou deux ans – nous avons beau être le plus gros partenaire EMC dans notre région, nous n’avons pas le volume des structures nationale – cela devrait permettre de revenir à une situation cohérente dans le cadre d’un programme global (du moins nous l’espérons) ».

Et il a ceux qui s’inquiètent. « En tant que partenaire des deux entités – nous sommes partenaire Dell sur la partie serveurs et EMC sur la partie stockage et sauvegarde – je crains beaucoup de ce rachat, confie un intégrateur stockage francilien. La politique Channel de Dell est à pleurer. Même si les managers s’en défendent, leurs commerciaux restent piquouzés au direct et continuent de nous prendre des clients de façon biaisée. Nombre de partenaires pensent de façon similaire. Nous craignons beaucoup que Dell continue de jouer double jeu comme aujourd’hui alors qu’EMC respecte globalement les règles de l’indirect. »

« EMC et Dell représentent à eux deux 60% de mon business », explique pour sa part un confrère francilien lui aussi très orienté serveurs, stockage et virtualisation. « Quand je ne fait pas affaire avec l’un, j’arrive en général à trouver un terrain d’entente avec l’autre. Ma crainte majeure est de perdre ce pouvoir de négociation ». Ce partenaire redoute également les remous que cette fusion ne manquera pas de provoquer chez EMC : « depuis dix jours que la nouvelle a été diffusée, les tensions sont vives en interne. Ils sont conscients qu’il y a des doublons à tous les étages« .

Produits : des choix inévitables

Côté offres, chacun s’accorde pour dire que Dell ne pourra pas tout conserver. « On peut s’attendre à ce que Dell ne garde que le meilleur des deux offres, en l’occurrence ses serveurs et son stockage d’entrée de gamme EqualLogic et tout le milieu et haut de gamme stockage d’EMC, analyse Nicolas Leroy-Fleuriot. Idem pour les technologies de sauvegarde avec Avamar et DataDomain d’EMC, qui seront immanquablement les offres Dell de demain. »

Mais ces arbitrages ne devraient pas se faire sans casse. « Au départ, Dell va dire qu’il continuera de faire évoluer toutes les gammes pour ne pas effrayer les clients. Mais il y a beaucoup de redondance dans les produits, notamment sur les gammes stockage et sauvegarde, et forcément, il y aura du ménage avec, pour nous partenaires, des moments difficiles. », pronostique pour sa part notre intégrateur stockage francilien. « Il faudra alors, une fois de plus, expliquer aux clients que le produit qu’on leur a vendu est obsolète et les convaincre de migrer vers une autre solution », assène-t-il un brin désabusé, faisant référence aux promesses non tenues de Dell relatives aux produits sauvegarde de Quest, suite au rachat de ce dernier.

Au-delà de sa gamme stockage, « bien moins large » et « complètement redondante » avec celle d’EMC ; et de sa gamme sauvegarde, « moins évoluée » ; Dell devra aussi faire des choix dans son offre hyperconvergée. « EMC développe son offre VSPEX Blue qui est concurrente de l’offre Dell et de son partenariat avec Nutanix. Ce dernier devrait logiquement être sacrifié pour ne pas faire ombrage à VMware qui a sa propre offre VSAN. Seules des entités comme RSA et Documentum devraient être épargnées. » Jugé plus fiable et plus innovante que l’offre VNX vieillissante, l’offre Compellent pourrait également perdurer.

Pas d’impact clients

Seule consolation, il ne semble pas y avoir d’impact négatif côté clients notamment sur le plan technique : « les deux sociétés sont sérieuses dans leur démarche avec une bonne qualité de service ».

Mais finalement l’enjeu se situe peut-être moins dans les produits existants que dans les produits à venir. « Certains analystes prédisent déjà la fin des baies de stockage au profit de serveurs embarquant du disque flash en masse, tel que le pratique Supermicro », souligne Nicolas Leroy-Fleuriot. De même, les offres hyperconvergées sont promises à un bel avenir. « Dell et EMC devront très vite apprendre à travailler en commun pour ne pas se laisser distancer par de nouveaux entrants tels que Nutanix, Simplivity, Atlantis ou Scality. La réussite de cette intégration Dell-EMC sera donc avant tout une affaire de R&D commune pour ne pas perdre les formidables parts de marché qu’ils cumulent à eux deux. »