Après onze ans de procédure, le spécialiste de l’externalisation de la relation client, vient de se sortir par le haut de ses démêlés judiciaires avec le loueur KBC Lease. L’affaire a débuté en 2002 alors que b2s, qui avait signé trois mois plus tôt un contrat de télésauvegarde avec Adhersis, suspend ses paiements « en raison de l’inexécution des obligations d’Adhersis. »

« Adhersis, repris depuis par Risc Group, nous avait vendu une sauvegarde incrémentale qui permettait de ne sauvegarder que les changements intervenus dans la journée, évitant ainsi une sauvegarde totale chaque nuit qui n’était jamais terminée au moment de la reprise de la production, explique Philippe Lion Cerf, secrétaire général de b2s. Or la solution d’Adhersis n’a rien changé au problème. Nous leur avons donc signifié la résiliation du contrat après quelques semaines d’utilisation infructueuse. Nous n’avons jamais reçu de réponse d’e leur part. »


Et pour cause, le contrat souscrit par b2s avait été cédé (du moins pour sa partie matériel, qui représentait 85% du total) à KBC Lease France, le partenaire financeur d’Adhersis à l’époque des faits. Une pratique courante dans la vente de services de sauvegarde, mais aussi dans la télésurveillance ou l’hébergement de sites Web. Des sociétés comme Risc, ASP64, Cortix, Safetic, Easydentic, ont largement utilisé cette technique, qui permet d’encaisser d’un seul coup la plus grande partie des sommes sur lesquelles se sont engagés les clients sur la durée de leur contrat. Car, une fois signés, les contrats de location étaient très difficiles à dénouer, même lorsque la prestation de service initiale n’était plus rendue, comme c’était le cas pour b2s.

En l’occurrence, lorsque b2s a cessé de payer sa mensualité, KBC Lease France l’a assigné en résiliation à ses torts, arguant de l’indépendance des contrats. Le loueur lui réclamait la totalité des mensualités dues ainsi que les frais de résiliation, soit une somme de plus de 40.000 €.

En juillet 2006, le tribunal de commerce de Lyon donne tort à KBC et annule le contrat de service liant b2s à Adhersis ainsi que le contrat de location de KBC Lease France, estimant les deux contrats indivisibles. Mais en 2008 un jugement en appel lui donne raison au motif que b2s n’a pas proposé de restituer les équipements nécessaires à la sauvegarde à Risc Group (qui a racheté Adhersis). Le fait de ne pas restituer le matériel laissait penser que b2s continuait à l’utiliser, attestant du même coup la réalité du contrat de location.

« Il a fallu dès lors prouver que le montage financier d’Adhersis ne reposait sur aucun élément matériel tangible, poursuit Philippe Lion Cerf. La prestatation d’Adhersis dépendait uniquement de l’installation d’un logiciel sur des serveurs nous appartenant. Pour que le contrat initial soit finançable, il fallait cependant une prestation matérielle. D’où l’artifice consistant en faire porter la location sur des souris à reconnaissance digitale. Une prestation matérielle valorisée à 85% de la prestation globale. »

Après un premier jugement en cassation, puis un second jugement en appel, l’affaire est revenue en cassation qui, réunie en chambre mixte, a remis dans un arrêt daté du 17 mai 2017 les parties dans l’état du jugement de première instance.

Un arrêt qui a donné lieu par la même occasion à une précision des éléments caractérisant l’interdépendance contractuelle en vue d’harmoniser la jurisprudence sur la question. Désormais, selon la Cour de cassation, « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, conclus entre deux sociétés, sont interdépendants, de sorte que la résiliation de l’un entraîne automatiquement celle de l’autre. Par ailleurs, sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ».

Avec cet arrêt de la Cour de cassation, c’est donc tout un pan du modèle économique des sociétés recourant à la vente en cycle court et de leurs partenaires de financement qui s’écroule. Dans l’affaire b2s, KBC dispose encore d’un délai pour retourner devant la Cour d’appel. Mais, plusieurs semaines après la notification de l’arrêt de la Cour de cassation, il semble bien que l’affaire en restera là.