Dans son dernier rapport « IA, données, calcul : quelles infrastructures dans un monde décarboné ? », publié ce 1er octobre, le Shift Project tire la sonnette d’alarme : la filière mondiale des centres de données suit une trajectoire énergétique et climatique intenable, accélérée par le « phénomène IA générative ».
Une consommation hors de contrôle
En 2023, les centres de données consommaient déjà 530 terawatts/heure (TWh) d’électricité dans le monde, soit plus que la consommation annuelle française (et environ 0,45 % de la consommation électrique mondiale). D’ici 2030, cette demande pourrait atteindre 1 490 TWh, et jusqu’à 3 000 TWh en 2035. Côté émissions, la filière pourrait passer de 250 mégatonnes d’équivalent CO2 (MtCO₂e) en 2020 à 600 à 920 MtCO₂e en 2030, soit jusqu’à deux fois les émissions annuelles de la France. Le rythme est effréné : +9 % par an, l’équivalent de 50 MtCO₂e supplémentaires chaque année. Et il s’accélère : + 7 %/an sur la période 2014-2019 et +13 %/an sur la période 2019-2024.
En Europe, les centres de données représentent déjà 2,5 % de la consommation électrique et cette part pourrait doubler d’ici 2030. En France, leur poids est de 2 %, mais pourrait quasiment quadrupler d’ici à 2035, entravant le processus indispensable d’électrification des transports, du chauffage ou de l’industrie en détournant à leur profit les capacités de production électrique du pays.
Des effets collatéraux majeurs
Cette expansion rapide des centres de données est d’autant plus problématique que plus de la moitié de l’électricité qu’ils ont consommé en 2024 était d’origine fossile. Ils exercent aussi une pression locale accrue sur les réseaux et les ressources en eau. Et comme le montre l’exemple de Irlande, où ils absorbent déjà près de 20 % de l’électricité nationale – soit autant que toute l’industrie du pays –, leur prolifération incontrôlée, conduit à maintenir en activité des centrales au gaz (ou au charbon), renforçant la dépendance aux énergies fossiles.
IA générative : un impact impossible à chiffrer
S’il souligne qu’il est actuellement impossible de mesurer l’impact précis de l’IA générative, faute de données fiables et de méthodologie standardisée pour comparer les différents modèles de langage entre eux, le Shift Project estime toutefois que l’IA générative pèse aujourd’hui 15% de la consommation électrique mondiale des centres de données, et qu’elle pourrait atteindre 35% de leur consommation d’ici 5 ans et jusqu’à 45% à 2035.
Pour remettre la filière sur une trajectoire compatible avec la neutralité carbone, le think tank appelle à imposer la transparence de la consommation des services d’IA, à assurer un suivi de la consommation de la filière, à conditionner les déploiements d’IA à une analyse de pertinence, à intégrer la filière dans la planification énergétique (d’où elle est absente), et à déterminer une trajectoire-plafond d’émissions compatible avec les objectifs climatiques.