Depuis 2012, Google affronte, dans la presse et sur le terrain, les fonctionnaires californiens du DMV (Department of Motor Vehicles) sur les projets de règlements de voitures « autoconduites ». Après avoir investi 60 millions de dollars dans l’intelligence artificielle automobile, Google attendait que l’Etat de Californie en termine avec ses études de faisabilité.
Mais depuis mercredi 16 décembre, c’est la douche froide, le DMV a publié un rapport, très orienté sécurité, qui impose une flopée de contraintes qui remettent ses projets d’autonomie aux calendes grecques. La directrice du DMV, Jean Shiomoto a précisé dans le communiqué accompagnant le nouveau règlement que l’objectif principal de la législation proposée « est la sécurité des véhicules autonomes et la sécurité du public qui va partager la route avec ces véhicules « . Le gouvernement californien, en invoquant la sécurité, ne veut surtout pas, à notre avis, remettre en cause les firmes impliquées dans la situation économique actuelle du secteur automobile. Ainsi, il faudra disposer d’un permis et passer une qualification, ce qui démolit l’objectif original des Google cars, des sortes de taxis pour personnes dépendantes que l’on pourrait piloter en entrant une adresse de destination. Dans le même document, sorte de règlement publié mercredi, un détenteur de permis de conduire devrait être dans la voiture, prêt à prendre le relais en cas de besoin, ce qui impose des pédales de frein, d’accélérateur et un volant, trois éléments absents des Google cars actuelles. Le pilote sera responsable de toutes les violations de la circulation. C’est d’ailleurs cette notion de responsabilité des accidents qui a pesé lourd dans les choix du DMV.
Un conducteur classique serait plus fiable qu’un ordinateur ?
Google est en désaccord total avec cette idée d’homme « plus sûr que la machine », précisant que toute la technologie développée jusque-là avait pour but d’aider les gens qui ne peuvent pas conduire, comme les handicapés et les personnes âgées. Google qui, en quatre ans, a créé une voiture autonome l’aurait fait rouler sur plus de 1,6 million de kilomètres en Californie et au Texas sans accidents notoires. Pour Google, sa technologie serait donc suffisamment aboutie pour passer dans une nouvelle phase, immédiatement d’ailleurs, dans des lieux moins fréquentés que les routes de campagne comme des campus universitaires ou de ceux de grandes entreprises.
Les espoirs liés au projet de Jerry Brown paraissent abandonnés
On est désormais loin de la signature du projet de loi signé par le sénateur Jerry Brown en Septembre 1992. Ce jour-là, le cofondateur de Google, Sergey Brin avait prédit que les véhicules autonomes seraient disponibles dans les cinq ans. Le porte-parole de Google, Johnny Luu dans son communiqué ajoutait : « Nous sommes gravement déçus que la Californie soit déjà en train de limiter le potentiel des voitures entièrement autonomes pour la conduite pour aider tous ceux qui vivent ici ». D’autres contraintes seront imposées aux constructeurs automobiles qui devront passer des tests pour vérifier que la voiture sans conducteur est prête pour les routes publiques. Plus compliqués à suivre, ces véhicules devront être surveillés par des rapports mensuels sur les performances, l’utilisation et la sécurité. En outre, les voitures ne pourraient être que louées — mais pas vendues — au public. Google qui se présente comme la victime expiatoire d’un groupe de fonctionnaires peureux n‘est pas la seule à voir ses projets de développement remis en cause. Tesla, Nissan, BMW et Mercedes-Benz, qui testent depuis plusieurs années des véhicules autonomes font la grimace, selon nos confrères américains. A qui profite ce coup de frein ? Les mauvaises langues rappelaient que la puissance des lobbys des géants de Detroit favorisait toujours les constructeurs historiques locaux au détriment des nouveaux arrivants et des étrangers.
Google a ce projet compromis en travers de la gorge
Le porte-parole de Google, Johnny Luu, a déclaré que la priorité absolue de Google était aussi la sécurité, et que les voitures sans conducteur visent à réduire le nombre d’accidents causés par une erreur humaine. Certains experts disent que la présence d’un conducteur détenteur de permis et donc responsable d’un véhicule autonome ne le rendrait pas plus sécurisé. Don Norman, professeur et directeur du Design Lab à l’UC San Diego avait d’ailleurs récemment rappelé que « Les véhicules autonomes les plus dangereux sont ceux qui requièrent la surveillance humaine. Les gens sont incapables de contrôler quelque chose sur de longues périodes, puis prendre le contrôle quand une urgence survient. Des décennies de recherches scientifiques et l’expérience acquise avec des pilotes bien formés, dans l’aviation commerciale, le démontrent tous les jours. »
La déception ne va pas se limiter aux USA
En France, l’Observatoire Cetelem de l’Automobile 2016 a justement remis cette semaine un rapport sur les véhicules autonomes. Il a interrogé sur ce sujet plusieurs milliers d’automobilistes, dans quinze grands pays du monde, par le bureau d’étude TNS Sofres. Ceux-ci estimaient à 75 % que la voiture autonome deviendrait une réalité. 55 % d’entre eux songent même à terme d’acheter une Google Car ou une hypothétique Apple Car. Paradoxalement, les plus enthousiastes en matière de véhicules autonomes n’étaient pas les Américains à 27 % mais les Chinois à 91 %. Ces chiffres varient énormément de 41 % chez les Français, 65 % chez les Italiens, 73 % chez les Brésiliens ou encore 81 % chez les Turcs. Pour Flavien Neuvy de Cetelem (photo) : « Au niveau global, les sondés ont aussi indiqué que les acteurs les plus légitimes pour faire évoluer la voiture traditionnelle vers la voiture connectée étaient dans l’ordre décroissant les constructeurs, les spécialistes des nouvelles technologies et les équipementiers, 77 % de sondés ont estimé qu’une voiture connectée doit avoir pour ‘mission la sécurité (77 % des économies et 50 % l’optimisation du temps de trajet).
De l’autonomie à l’aide au pilotage.
Face aux voitures autonomes, Carlos Goshn, le PDG de Renault/Nissan avait, lors du salon de Tokyo, (photo ci-dessous) pour sa part, mis en valeur la technologie maison, le « Nissan Intelligent Driving » qui aiderait le conducteur à voir, penser et réagir plus vite. Lors du même salon nippon, Volvo, qui a fait de la sécurité son cheval de bataille, a promis qu’en 2020, il n’y aurait plus de morts ni de blessés graves dans les véhicules de sa marque grâce à ses aides au pilotage. Ce qui est actuellement sûr, c’est qu’il n’y aura pas de voitures autonomes en 2016 et que si elles apparaissent en 2017, il ne s’agirait que de véhicules où l’autonomie viendrait au secours du pilote comme chez Nissan. L’Europe aura-t-elle le temps d’imposer d’autres réflexions ? Des débats de ce type ont déjà eu lieu avec les pilotes automatiques des avions, ceux des grands bateaux et ceux des métros et à chaque fois, les solutions techniques étaient remises en cause par les législations existantes. Seul le métro autonome comme celui des lignes de la RATP 1 et 14, a réussi à s’imposer. Avec l’automobile, les probabilités de contacts accidentels sont malheureusement bien plus grandes.
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