Réseaux d’indépendants : clé de la réussite de la transformation digitale des grands groupes ? C’est la conviction d’Olivier Pujo et de Pierre Schaller. Arrivés à la cinquantaine, ces cadres de grands groupes à la carrière bien remplies ayant occupé des postes de DSI et de directeur de l’innovation, ont lancé Smart Lane, un cabinet de conseil d’un genre particulier. Celui-ci ne compte en effet aucun salarié et s’appuie exclusivement sur un réseau d’une cinquantaine de travailleurs indépendants. Après une dizaine de mois de fonctionnement, Smart Lane semble déjà avoir trouvé son marché : le cabinet compte une dizaine de clients, essentiellement des DSI et des directions métiers de grands comptes, et fait travailler l’équivalent d’une dizaine de personnes à temps plein, principalement sur des missions de formation, de coaching, d’accompagnement autour de l’innovation produit, de migration cloud et de sourcing IT.

Les grandes entreprises ont du mal à faire aboutir leurs projets digitaux

Smart Lane se positionne essentiellement sur des missions de transformation digitale. « Les entreprises ont compris qu’elles devaient s’adapter aux nouvelles attentes digitales de leurs clients mais elles ont bien des difficultés à faire aboutir leurs projets », expose Pierre Schaller. Des difficultés qui se cristallisent autour de trois problématiques : les hommes, les produits et le système d’information. Smart Lane a donc vocation à aider ses clients à mieux collaborer, à s’approprier les pratiques des startups (le lean, le design thinking, le développement par sprints…), à aider les DSI à travailler de manière plus proche avec les métiers, à réconcilier l’informatique héritée avec l’informatique sur laquelle s’appuient leurs offres digitales, etc.

De par les missions qu’il mène, Smart Lane ressemble à tous les autres cabinets de conseil. Mais, ayant souvent constaté que la préoccupation première de ces derniers était de nourrir leurs consultants, Olivier Pujo et Pierre Schaller ont pensé que le meilleur moyen d’échapper à cette logique serait de fédérer un réseau de travailleurs indépendants. Cette formule apporte une réelle souplesse, estiment-ils. « Elle permet de constituer les équipes et mobiliser les expertises en fonction des missions, assure Pierre Schaller. Ainsi, nous sommes drivés par les attentes des clients ». Surtout, ce mode de fonctionnement permet de sourcer des expertises pointues, impossibles à trouver par ailleurs, les professionnels de l’IT les plus talentueux ayant de plus en plus tendance à se mettre à leur compte.

Des missions ponctuelles et très impactantes

Pierre Schaller met également en avant les tarifs avantageux de Smart Lane face aux grands cabinets de conseil. Reprenant à son compte les méthodes de lean qu’il prône pour ses clients, le réseau privilégie les missions ponctuelles, très impactantes, au forfait, avec des équipes ramassées, constituées exclusivement de seniors expérimentés. « Les entreprises ont besoin d’opérationnels capables d’injecter dans leurs équipes les compétences qui leur font défaut et non pas de consultants dont l’activité principale est de brasser des slides », assène Pierre Schaller.

Les indépendants auxquels Smart Lane fait appel y trouvent aussi leur compte. « Travailler en réseau leur permet d’accéder à des projets auxquels ils ne pourraient pas accéder seuls, souligne Pierre Schaller. C’est aussi une manière pour eux de refabriquer un tissu relationnel [qui a pu s’étioler avec le temps]. »

Faire évoluer les clients vers le pilotage de contrats

Parmi les missions qui lui ont été confiées, Smart Lane aide par exemple un grand compte français à couverture mondiale spécialisé dans le traitement des eaux et des déchets à passer son IT d’un modèle traditionnel basé sur des datacenters internes à un modèle Cloud. Pour accomplir sa transition, Smart Lane lui a suggéré d’abandonner son modèle opérationnel horizontal reposant sur quelques grands silos de ressources massifiées (les infrastructures, l’exploitation, la tierce maintenance, le support…) conçus pour traiter l’ensemble des applications de l’entreprise au profit d’un modèle vertical où chaque application est gérée par un prestataire capable d’assurer à la fois l’hébergement, l’infogérance, la tierce maintenance et le helpdesk. « Dans ce dossier, notre rôle a consisté à aider le client à comprendre ce modèle verticalisé, à trouver des prestataires fonctionnant de cette manière, à former les équipes pour les faire évoluer vers le pilotage de contrats… », expose Pierre Schaller. À terme, le datacenter de ce client sera vidé de sa partie applicative et sera cantonné à un rôle d’interconnexion.

La limite de ce modèle, c’est bien-sûr la difficulté à développer le réseau et à fédérer. « Les indépendants sont par nature très volatiles », regrette Pierre Schaller, qui admet devoir refuser des missions faute de profils en nombre suffisants. Pour fidéliser les indépendant les plus impliqués et contribuant le plus au développement de l’activité, Olivier Pujo et Pierre Schaller ont imaginé de les associer dans la holding de tête de réseau qu’ils ont monté. « Ce sera une manière de partager la valeur commune de ce réseau ».