Le 4 novembre 2021 après sa scission avec IBM, Kyndryl faisait son entrée à la bourse de New-York et prenait son envol comme société indépendante. Philippe Roncati, président de Kyndryl France, revient pour nous sur la stratégie et les priorités de cette première année d’existence.

Channelnews : Quelle présentation pouvez-vous faire de Kyndryl un an après ses débuts comme société indépendante ?

Philippe Roncati : Kyndryl est depuis son lancement le plus grand fournisseur d’infrastructures informatiques au monde. Nos 90 000 employés  sont au service de 4 000 clients, pour la plupart de très grandes entreprises, notamment 75 des entreprises du Fortune 100. Nous sommes un spécialiste de la gestion multi-plateforme et du cloud hybride. Notre entreprise est aussi le premier opérateur de cloud privé au monde avec 700 000 serveurs répartis dans 240 datacenters en propre et plus de 150 avec nos clients. Pour relier ces datacenters et assurer la connectivité, nous disposons aussi du premier réseau WAN au monde. Nous gérons des plateformes core entreprise (mainframes) avec des environnements de cloud privé et de plus en plus de cloud public. Nous pensons que le modèle hybride est celui qui a le plus d’avenir. Mais vu sa complexité, notamment sur la partie cybersécurité, personne ne peut prétendre apporter seul des solutions. Depuis un an nous avons multiplié les alliances et enrichi notre écosystème pour co-créer des solutions et mettre les meilleures technologies au service de la transformation de nos clients.

Channelnews : Martin Schroeter le PDG de Kyndryl a fixé comme objectif le retour à une croissance rentable en 2025. Quelle est la stratégie mise en œuvre pour y parvenir ?

Philippe Roncati : La stratégie suivie repose sur trois initiatives clés dites « 3A » pour Alliances, Advanced Delivery et Accounts. La première sur les alliances est centrale dans notre stratégie. Elle montre que nous sommes agnostiques et que nous nous développons grâce à un écosystème. La seconde vise à transformer notre prestation de services grâce à la mise à niveau des compétences et à l’automatisation. C’est dans ce cadre que nous avons pu lancer le projet Kyndryl Bridge. Enfin la dernière initiative consiste à traiter les comptes dont les marges sont inférieures aux normes.

Channelnews : Le chiffre d’affaires de Kyndryl était de 19 milliards de dollars avant la scission. La fourchette visée pour l’exercice 2023 est entre 16,3 et 16,5 milliards de dollars. À quoi attribuez-vous cette perte de revenus ?

Philippe Roncati : Une partie de la baisse du chiffre d’affaires est due aux effets de change défavorables mais l’érosion résulte aussi de notre initiative sur les comptes, le troisième « A ». Nous avons hérité après la scission d’une base de clients dont les contrats ont été négociés lorsque nous étions une division interne d’IBM. Désormais premier client mondial d’IBM, nous continuons de profiter de tarifs compétitifs mais qui n’ont rien à voir avec les tarifs négociés en tant que division interne.  En raison de ce changement de modèle environ 30% de nos contrats n’ont plus le bon niveau de profitabilité. Nous cherchons donc à les renégocier sur de nouveaux périmètres et si ce n’est pas possible nous faisons le choix de les arrêter. C’est un processus volontaire et contrôlé car sans des contrats avec le bon niveau de rentabilité, nous ne pouvons pas continuer d’investir dans la durée, ni motiver nos investisseurs pour venir chez Kyndryl.

Channelnews : Pensez-vous être sur la bonne trajectoire par rapport au calendrier visé ?

Philippe Roncati : Nous investissons beaucoup pour nous en donner les moyens. Nos résultats montrent que l’amélioration de notre Ebitda est en avance par rapport à nos prévisions. C’est le cas aussi pour les signatures de contrats et la profitabilité liée à ces signatures. Il y a une vraie dynamique sur Kyndryl Consult, qui représente 10 000 consultants dont 280 en France. L’objectif est de passer de 10 à 15% de nos revenus et même plus en France. Depuis la création de la filiale française, nous avons recruté plus de 220 collaborateurs. Nous sommes fiers aussi de compter 70 apprentis parmi nous. 800 des collaborateurs de la filiale sont maintenant certifiés dont 580 pour les hyperscalers.

Channelnews : Vous avez annoncé ce trimestre le lancement de Kyndryl Bridge. Que représente ce programme pour Kyndryl ?

Philippe Roncati : Notre taille et notre autonomie retrouvée depuis un an, nous donnent une crédibilité pour travailler de nouveaux modèles de services et accompagner nos clients autrement. C’est précisément ce que nous faisons avec Kyndryl Bridge. Nous avons rassemblé dans une plateforme d’intégration l’ensemble de nos playbooks, de nos scripts et API dans quatre grands domaines qui concourent à la transformation digitale de nos clients : AIOPS, DevSecOps, FinOps et GreenOps. C’est quasiment 30 ans d’expérience professionnelle et le fruit du travail de milliers de collaborateurs qui sont mis à disposition de nos clients. Nous avons la plus grande base de données de production informatique sectorisées. Imaginez ce que cela peut représenter pour nos clients  en termes d’anticipation et de gestion du changement, de gestion intelligente de leurs applications et de leur comportement en production. Kyndryl Bridge traduit aussi la volonté d’unifier nos plateformes existantes et de standardiser. Car avec trop de spécifique il n’est pas possible de passer à l’échelle. Nous voulons que cette plateforme soit la plus ouverte possible pour permettre à tout notre écosystème de tirer parti de cet outil commun et vraiment gagner du temps dans les domaines ciblés.

Channelnews : Comment va s’opérer le lancement de la plateforme sur le marché ?

Philippe Roncati : Nous avons 8 clients mondiaux en test sur la plateforme depuis plusieurs semaines et 700 autres qui sont en test sur des parties plus ciblées. La plateforme sera entièrement disponible sur le domaine AIOPS début janvier. Le développement se poursuit sous la direction d’Antoine Shagoury, CTO de Kyndryl avec 7 000 développeurs qui travaillent sur ce programme.

Channelnews : Quelle principale évolution souhaiteriez-vous pour le Kyndryl de demain ?

Philippe Roncati : Notre premier objectif est de devenir un partenaire de choix, une marque de choix pour nos clients et nos collaborateurs. La modestie est de mise car la notoriété de Kyndryl est à construire. Cela demande du temps, des efforts, d’accepter comment le marché opère, d’innover avec de nouveaux modèles de services. Notre atout est de faire partie des entreprises qui ont démontré durant toute leur existence cette capacité à gérer du multiplateforme, essentielle pour le modèle hybride. Notre taille nous met devant les autres. C’est un privilège que nous voulons mettre au service de notre écosystème.