Désormais, plus aucun partenaire ne doute que le rachat d’EMC par Dell ira jusqu’à son terme. Les partenaires qui travaillent déjà avec les deux marques se frottent les mains car ils ont l’intuition qu’en étant capables de proposer d’emblée du « Dell de bout en bout », ils pourraient être les premiers bénéficiaires de ce rapprochement Dell-EMC. Pour tous les autres, la question se pose donc de savoir comment anticiper la fusion pour en profiter au mieux ou à tout le moins être le moins pénalisé possible par les changements qu’elle induira. Les partenaires de l’un ont-ils intérêt à se former dès que possible sur les technologies de l’autre et vice-versa ? Doivent-ils plutôt envisager d’acquérir un confrère maîtrisant les compétences convoitées ? Ou au contraire, doivent-ils ne rien changer en attendant l’issue de l’acquisition ? Autant de questions que nous leur avons posées directement.

Premier constat, si la question de savoir comme anticiper le rapprochement s’impose à tous, les partenaires ont beaucoup de mal – y compris ceux qui ont déjà les deux marques à leur catalogue – à se figurer les contours du nouvel ensemble et à se projeter dans la future organisation. Et pour cause, Dell maintient le plus grand flou autour de ses intentions. Officiellement, c’est business as usual. Les deux entreprises restent concurrentes et leurs salariés n’auront pas le droit de communiquer entre eux avant juillet.

Dell n’a pas dévoilé sa stratégie

Ce flou concerne en premier lieu les produits, comme le stockage, où les chevauchements sont importants. Dell va-t-il garder des lignes de produits concurrentes ou va-t-il tout rationaliser d’emblée ? Malgré les multiples interventions de Michael Dell ou de ses vice-présidents ces derniers mois auprès des partenaires pour les informer sur sa feuille de route, rien de concret n’a filtré. « La doctrine officielle est pour l’instant : mieux vaut trop de produits que des trous dans la raquette », croit savoir un partenaire. De là à en déduire que Dell maintiendra les différentes lignes de produits existantes, du moins dans un premier temps, pour ne pas froisser le marché, il n’y a qu’un pas.

Une thèse d’autant plus recevable que, tant du côté de Dell que du côté d’EMC, le business s’est tendu ces derniers mois. « Le marché s’est ralenti, témoigne un partenaire qui souhaite garder l’anonymat. Côté clients, on voit des affaires glisser sans raison apparente. Du côté de Dell, les demandes de cotations traînent en longueur, alors qu’elles sont traitées en 24h00 en temps normal. On sent que tout est vérifié à la loupe par la finance et que le besoin de cash devient criant. Et du côté d’EMC, cela dépend des interlocuteurs et des lignes de produits. Mais si la sauvegarde semble en ligne avec les objectifs, le stockage est en baisse ».

Il est urgent d’attendre

Pour autant, personne n’est dupe. À terme, Dell ne pourra pas maintenir l’ensemble du catalogue. Dans contexte, sur quelles lignes de produits investir en priorité ? Les partenaires Dell craignent en effet que l’offre Compellent, qu’ils estiment pourtant plus pertinente que l’offre VNX, ne soit sacrifiée au profit de cette dernière, de conception plus ancienne mais qui jouit d’une immense base installée. « Le discours véhiculé par Dell France est que les choses vont avancer doucement et que les focus, l’adressage partenaires et la stratégie 2016, voire 2017, resteront inchangés », se rassure toutefois le directeur technique d’un revendeur grands comptes qui travaille avec Dell mais pas avec EMC. Et d’en déduire qu’il est « urgent d’attendre en restant informé des évolutions de cette fusion, […] ni EMC France, ni Dell France ne sachant à ce stade ce qui sera conservé dans leur catalogue respectif […] et qui prendra le lead sur quoi ».

Seule information tangible, le nouvel ensemble serait vraisemblablement organisé en trois grandes divisions. Il y aurait ainsi une division enterprise (orientée grands comptes), sur laquelle EMC prendrait la main à partir de son siège de Boston ; une division SMB, plus orientée PME, dont le centre de décision serait au Texas, le berceau de Dell,  et une division End user computing (EUC), également pilotée par Dell.

Des partenaires EMC qui se forment préventivement sur Dell

Mais si les partenaires Dell préfèrent globalement attendre que la stratégie soit clairement définie, certains partenaires EMC ont jugé eux plus opportun de se former de manière anticipée ou d’accélérer leur formation sur les technologies Dell. C’est le cas notamment de MTI qui a décidé en janvier dernier, suite à une visite de Michael Dell, de certifier une quinzaine d’ingénieurs sur les gammes serveurs de Dell mais aussi sur ses offres réseau et stockage. Des certifications validées courant mars, qui permettent d’ores et déjà à MTI d’engager des affaires sur l’offre serveurs de Dell en mettant à profit ses partenariats avec Nutanix ou Scality. « Dell a de très bonnes offres, qu’on a besoin d’appréhender », justifie Damian Saura, vice-président ventes de MTI France, qui assure néanmoins qu’il continuera de recommander les offres datacenter de Cisco, avec lequel il est très engagé. Mais, comme le résume le directeur de l’offre datacenter d’un grand intégrateur réseau, et quels que soient les arbitrages technologiques qui seront fait sur le stockage, le fait est « qu’il va certainement devenir compliqué à terme de continuer à vendre des baies EMC avec des serveurs Cisco ».

Dans l’immense majorité des cas, les partenaires voient assez positivement ce rapprochement Dell-EMC, dont ils attendent des synergies. « La situation était devenue compliquée dans le stockage depuis douze mois rendant nécessaire un vrai mouvement de consolidation du marché », poursuit le représentant de l’intégrateur réseau. « Ce qui m’importe, c’est que l’on aille vers une simplification, cela nous permettrait de dégager des ressources », explique le patron d’un intégrateur partenaire des deux marques. Mais pour cela, il va falloir s’armer de patience, au moins jusqu’à septembre, date prévue de la finalisation de l’acquisition. Mais, a priori, le timing sera tenu, croit savoir ce dernier, qui redoute l’incertitude que créerait un éventuel retard.